En 1999, l’AVFT publiait une première lettre ouverte aux partis politiques qui leur demandait de prendre position sur la place qu’ils accordaient à leurs élus poursuivis ou condamnés pour des violences sexuelles. On y lisait notamment ceci : « Les violences sexuelles sont inacceptables. Elles constituent une atteinte aux droits individuels les plus élémentaires (droit à la sécurité, à la liberté, à l’intégrité physique) dans une démocratie.
Elles sont incompatibles avec l’exercice de fonctions ou de responsabilités électives. Les partis politiques ne peuvent les cautionner. Des agresseurs ne sauraient légitimement représenter des citoyennes et des citoyens. »
En 2005, l’AVFT lançait une campagne pour exiger la révocation immédiate des élus auteurs de violences.
Dix ans plus tard, en 2009, l’AVFT était contrainte de renouveler cet appel aux partis politiques :
« Parmi les auteurs de ces violences se trouvent des élus, qui sont aussi les employeurs de leurs victimes, comme c’est le cas des maires. Dans les procédures dans lesquelles nous sommes intervenues, aucun des élus mis en cause pour des violences sexistes ou sexuelles n’a été exclu de son parti politique d’appartenance. (…) Dix ans après cette lettre, et quatre ans après le début de la campagne de l’AVFT pour la révocation immédiate des élus auteurs de violences sexistes ou sexuelles, nous vous demandons à nouveau de vous positionner précisément sur les questions suivantes : 1. La saisine de votre parti politique de faits de violences sexistes ou sexuelles précis, cohérents et concordants commis par un élu entraîne-t-elle son exclusion du parti si la victime ne souhaite pas porter plainte ? (…) »
En 2021, Osez le Féminisme, l’AVFT et de nombreuses militantes féministes se mobilisaient pour exiger la révocation de Georges TRON alors définitivement condamné et emprisonné pour avoir commis un viol contre une employée de sa mairie.
Depuis 2011, j’ai pu assister (malheureusement) plusieurs femmes, administrées désespérées recherchant de l’aide, citoyennes aux prises avec une société qui les maltraite quotidiennement, employées de collectivités locales dans la dépendance économique de leur emploi…victimes d’élus ou de collaborateurs d’élus.
Le sujet des violences de genre (sexuelles, sexistes, intrafamiliales…) commises par des élus et celui de leur (non) traitement par les partis est un sujet ancien et hautement problématique en France.
De ce point de vue, et il faut rendre grâce cent fois aux associations de féministes, le fait qu’enfin, cinq après MeToo (qu’on mesure bien cela, il a fallu cinq après MeToo, ce tsunami mondial de la parole féminine, et il a fallu plus de vingt ans (!) après la première Lettre Ouverte de Catherine Le Magueresse, alors Présidente de l’AVFT) il n’est plus possible politiquement, plus envisageable moralement, que les partis politiques (et les syndicats) n’aient même pas une cellule de signalement ou de veilles de ces violences, est une avancée importante.
Même si ces cellules sont imparfaites, même si le fonctionnement de certaines d’entre elles semble problématique à certains égards, aujourd’hui, une organisation politique ou syndicale qui ne dispose pas a minima de ce mécanisme interne n’a plus aucune crédibilité sur le sujet des violences faites aux femmes. L'existence de mécanismes est une demande massive des citoyens et citoyennes de ce pays. Un signe que l'on prend le sujet au sérieux. Que l'on "dit ce que l'on fait et que l'on fait ce que l'on dit". En tout cas, c'est le postulat.
Bien-sûr, il faudrait que ces cellules soient parfaitement indépendantes, il faudrait que leur fonctionnement soit très clair, que le processus soit connu publiquement, qu’elles rendent des avis motivés qui soient de préférence, suivis par les instances dirigeantes, qu’elles cessent de « cafouiller », qu’elles se forment correctement, voire qu’elles sachent se faire assister par des experts extérieurs si besoin. Il faut tant de progrès encore.
Évidemment, il faut, surtout, absolument, que les dirigeants des partis ou des syndicats qui disposent actuellement de telles cellules s’abstiennent de se prononcer sur des affaires en cours (surtout pour en dire des horreurs), bien-sûr, la logique de chapelle assiégée qui prédomine dans tant d’organisations doit absolument s’effacer devant l’intérêt supérieur des femmes (des victimes de ces violences, de manière générale).
L’intérêt des femmes, dans une société patriarcale et inégalitaire, quel est-il ?
Rappelons-le:
- Il est de pouvoir militer sereinement, dans une organisation « safe » exempte de sexisme et de violences de genre.
- Il est de pouvoir travailler sans angoisse dans un parti ou un syndicat, de ne pas avoir à redouter de se retrouver seule avec tel élu le soir après 22 h.
- Il est de pouvoir s’adresser à un élu (élu local ou élu du personnel) sereinement, quand on est une administrée, une concitoyenne, une salariée, sans avoir à redouter de chantage sexuel, de viol, d’abus…
- Il est de pouvoir élire des personnes, dans les instances nationales ou professionnelles, qui ne sont pas des agresseurs, des frappeurs, des violeurs, des empriseurs et qui ne seront pas susceptibles de défendre le patriarcat d’abord par intérêt personnel, mais plus largement, qui seront en bonne posture pour se battre pour l’égalité des femmes avec les hommes.
De ce point de vue, sur ce sujet, oui, il vaut mieux ces cellules que ce que nous avions avant, c’est-à-dire : RIEN. Ou alors, pas grand- chose (des commissions de conflit qui arrivaient après « la bataille, comme ici au PS en 2011).
En réalité, il faudrait des cellules partout, elles devraient être obligatoires a fortiori dans les partis et les syndicats, et leurs modalités de constitution et de fonctionnement devraient l’être également. Si nous avions un gouvernement sérieux, pour qui la cause des femmes soit vraiment la grande cause…ce serait LE chantier du moment. Plutôt que critiquer en mode « règlement de comptes politicards », proposer et construire. Une loi, des audits, une certification, des processus, une assistance pour leur mise en œuvre…
Mais gardons confiance, non pas dans les ministères mais dans nos combats et nos débats féministes pour continuer à faire avancer les choses, que l’on soit « Relève » ou que l’on soit « vieille de la vieille ».
Après tout, Rome ne s’est pas faite en un jour...