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Billet de blog 14 mars 2025

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Une sauvage razzia qui fera date !

Tout le monde sait les raisons pour lesquelles nos frères sénégalais, maliens et guinéens sont harcelés et violentés. Tout le monde sait que ces braves gens ne sont que la couverture de surface d’une haine viscérale et cadastrale exercée par l’État contre certaines composantes sociales du pays, réduites à leur négritude.

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En Mauritanie, l’homogénéisation de la différence et de l’ailleurs révèle l’incroyable racisme qui ronfle dans le sang de la caste élitiste au pouvoir. L’en-dehors de la Mauritanie ne concerne pas que1 les Sénégalais, les Maliens et/ou les Guinéens. Il existe également de nombreux ressortissants algériens, marocains et sahraouis dans le pays. Ces frères d’Afrique du Nord n’ont jamais été embêtés par la sauvage razzia d’État, menée contre ce que la bourgeoisie élitaire appelle « étrangers ».

Il y a là une hypocrisie verticale qui doit être combattue avec le glaive qui fait hennir la lune ronde du printemps dans les moindres recoins du monde. Cette horrible hypocrisie a royalement gonflé les cœurs des carabiniers contre les ouvriers de grande qualité qui se démènent de jour et de nuit pour sortir du sillon. Animés par des objectifs chiffrés du remplacement programmé de la complexe population dominée de la Mauritanie, ces carabiniers assoiffés, qui souffrent d’un manque de reconnaissance, font marcher leur monde à la baguette à travers une explosion de folie qui frise avec une haine génétique. Quelle honte !!!

Ces chasseurs d’ « étrangers », suppôts d’une haine érectile, doivent s’examiner dans le ventre d’une rivière de cristal et se poser des questions existentielles par rapport à leur étant-au-monde. Ndeïssane ! ces personnages ignorent et/ou renient leurs racines. Ce sont des ramassis d’hommes comme nous avec un pourcentage de sang berbère. Leur bidanité vient de là : de l’union entre noirs et berbères. Aveugles sans mains ! Ils gagneraient à incarner la complexité de leur zébrure plutôt que de se comporter comme de misérables d’argousins cruels.

Ce que le pouvoir mauritanien appelle « étrangers », c’est ce grand ramassis de personnes dans mon genre, taillées par le cri du soleil des Tropiques, élevées au rang des phénotypes confectionnés par l’ombre de la nuit des secrétions fabuleuses ; c’est ce grand ramassis d’individus malmenés par le sable mouvant d’une haine plus grave que le Sida-tuberculeuse-covid réunis ; c’est ce grand ramassis d’existants pourchassés sans trêve par la peste castrée aux commandes des affaires courantes d’un pays passé à côté de son cri fondateur. Les hommes en soutane qui pensent posséder le monopole de la délinquance génocidaire n’ont pas l’esprit plus long que bec de l’oie de la toundra. Car, en ciblant nos frères de l’Afrique de l’Ouest, ils révèlent au grand jour leur aversion contre les « Noirs ». Cette aversion était un peu cachée dans les poches des nuages assombris d’une politique népotiste à façade feutrée. Lorsque l’eau boueuse s’est accumulée dans ces nuages à cause de l’air vicié d’un non-sens politique, les gouttelettes ont obstrué la fragile lumière qui couvrait la façade en question, et cela a mis à nu une véritable haine viscérale. Quelle honte !!!

Les fractures occasionnées par l’État mauritanien sont infiniment mortifères : non seulement elles risquent de dénouer les liens qui existent déjà entre les différents groupes sociaux du pays, elles pourront aussi remuer le couteau dans la plaie ouverte de ces années de massacres tus qui provoquèrent des traumatismes chez de nombreuses familles mauritaniennes du Sud.

Par ailleurs, les Mauritaniens dominés doivent intégrer dans leur conscience qu’ils sont la principale cible de l’élan érectile de la haine exercée ces derniers jours contre leurs semblables. Ce ne sont pas les Sénégalais ou les Maliens qui sont visés par le pouvoir mauritanien, ce sont les « Noirs » mauritaniens qui sont littéralement humiliés. Si ces Mauritaniens ne saisissent pas le tambour de l’insurrection, ils paieront un lourd tribut à propos de cette démarche génocidaire qui prend forme depuis les nappes profondes d’une caste élitiste gradée de médiocrité. Ce ne sont pas les bouillons de la furie de l’inimitié de l’État mauritanien qui me consternent, c’est l’inégal angélisme de la société civile mauritanienne qui m’interpelle. Tout le monde sait les raisons pour lesquelles nos frères sénégalais, maliens et guinéens sont harcelés et violentés. Tout le monde sait avec quelle animosité l’appareil de l’État s’est déployé pour matraquer de braves gens qui contribuent pourtant au bon fonctionnement du pays. Tout le monde sait que ces « étrangers » ne sont que la couverture de surface d’une haine cadastrale exercée par l’État contre certaines composantes sociales du pays, réduites à leur négritude.

Déclamons avec le Poète qui commande le temps depuis l’ombre de la Joyau :

     ma négritude n’est pas une prière, sa surdité ruée contre la clameur du jour

     ma négritude n’est pas une taie d’eau morte sur l’œil mort de la terre

     ma négritude n’est ni une tour ni une cathédrale

     elle plonge dans la chair rouge du sol

     elle plonge dans la chair ardente du ciel

     elle troue l’accablement opaque de sa droite patience

Cette voix lyrique d’Aimé Césaire, portée par un élan incantatoire, éclaire ce que nous vivons en Mauritanie. Elle ne s’arrête pas seulement au fait, à ce qui existe ; elle nous invite à déchirer le large de l’être-au-monde avec une nacelle déchaînée qui fulmine gaiement pour ouvrir des falaises et introduire une lumière sous une voûte céleste conçue par les jongleurs de la beauté. Cette voix est d’ouverture, d’énergie, d’onde lumineuse et de grand vent. Elle nous apprend à fréquenter la beauté, ses éclats insoupçonnés, ses lumières répandues et ses crêtes de ravines.

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