Quoi ! La florissante république sénégalaise qui a longtemps illuminé l’Afrique des nations est enténébrée par Macky Sall et ses cohortes au pouvoir. Cette république où les différentes composantes sociales vivaient dans une relative concorde. Au Sénégal, ceux qui portent des cierges en plein soleil dans les allées de Dieu ont toujours eu une pensée pour ceux qui s’alignent en kaftan pour saisir le silence de la nuit. Au Sénégal, ceux qui surveillent l’averse du soleil n’ont jamais cessé d’implorer la grâce de l’Esprit Supérieur pour ceux égrènent sans trêve des gros chapelets à travers la boue de l’horizon.
Quoi ! Une folie sans pareil est née depuis la fin du règne du Président Abdoulaye Wade et surtout la pratique du pouvoir du Président Macky Sall. Un président peut se soucier de sa relève pour se garantir un sommeil paisible : ce sont des faits courants dans le paysage politique de l’Afrique francophone. Mais rompre le pacte social qui lie un gouvernement et un peuple relève d’une délinquance politique qu’il faut combattre d’une seule traite. Qu’on le veuille ou non, l’Etat suppose un pacte entre gouvernés et gouvernants. Ce pacte ne donne pas aux gouvernants le monopole des droits et des biens des sujets gouvernés, il favorise plutôt les conditions d’une harmonie, d’une égalité entre les individus, quels qu’ils soient.
Au-delà du Président Macky Sall et sa parentèle aux commandes du Sénégal, ce qui m’interroge, ce sont ces larbins entêtés qui estiment que leur pouvoir est divin : ils cherchent à conférer une dose de légitimité au totalitarisme latent qui caractérise l’exercice de leur pouvoir. La monstrueuse prétention de la déité du pouvoir installe ces larbins dans des déviations mentales qui dépassent l’entendement.
Quoi ! Même Moïse, Jésus et Mahomet dont les paroles, le souffle et les actes étaient inspirés par l’Esprit Supérieur, avaient des opposants qui remettaient en cause les termes de leur démarche messianique. Ils n’ont échappé ni aux contre-discours, ni aux tendances défavorables qui s’attaquaient à leur légitimité. Macky Sall, qui n’est qu’un homme ordinaire, un simple garant de la constitution d’une république, y échappe-t-il ? Doit-il vraiment y échapper ? Est-il raisonnable d’envisager une échappatoire en ce sens ?
La manière dont Macky Sall exerce le pouvoir donne l’impression qu’il est loisible de dévoyer la conscience culturelle du Sénégal et de régner comme un roitelet qui inspire la terreur et l’aversion. Ainsi, les sénégalais vivraient selon la complexion du Président Sall et de son clan, et se contenteraient de leurs « décrets immuables » qui violent l’imaginaire. Aujourd’hui, le jugement de la raison est dynamité par le massacre des citoyens sénégalais, la condamnation arbitraire et capricieuse des leaders politiques qui incarnent l’opposition, et l’expression de la violence érigée en boussole politique. Quel malheur ! Qu’avons-nous fait pour tomber dans une telle médiocrité criminelle ? Qu’avons-nous fait des legs de nos illustres inspirateurs ?
S’il en avait encore ces dernières années, la démocratie sénégalaise serait tourmentée dans de mauvais sommeils affligeants des détenteurs du pouvoir qui ne cherchent qu’à terroriser leurs concitoyens pour mieux légitimer l’inégale absurdité des dérives totalitaires. Non seulement ces dérives veulent modeler la citoyenneté dans sa totalité, elles examinent également la possibilité d’aliéner les principes fondateurs du pacte social qui lie le peuple et les petits personnages de l’Etat sénégalais. Cette aliénation donnerait lieu à une « rationalisation » du viol de la constitution avec la pire des pratiques loufoques de la politique. Ces pratiques affaiblissent irrémédiablement l’Etat. L’Etat dévient faible lorsqu’il cherche à tenir les gens par la crainte. Cette manière d’asseoir l’autorité est symptomatique d’une politique d’assommoir, gonflée de misère mentale.
Par ailleurs, quand on éloigne un peuple de l’exercice de la raison libre (de sa raison), de la pratique du pouvoir de la parole et du droit de dire NON, il devient progressivement un automate que l’on peut à tout moment manipuler, escroquer et exploiter. En étranglant la raison libre, l’Etat sénégalais impose une pensée unique, celle qui garantit l’intérêt du Président Macky Sall et ses collaborateurs au pouvoir. C’est là le malheur ! cette obsession permanente de la personnalisation du pouvoir, de la transformation de l’Etat en une entreprise personnelle.
La raison libre est précieuse et doit être préservée pour tous : responsables politiques et société civile. C’est cette raison qui nous permet de défendre nos opinions de manière réfléchie, sans aucune forme de tension ou de volonté d’affaiblir l’Etat dans son droit naturel d’être. Aliéner la raison libre c’est fabriquer une société de bêtes brutes qui se laissera éborgner l’œil sans coup férir. L’idée même de vouloir prohiber la raison libre est criminelle : la liberté de jugement, tout comme le droit à l’opacité, sont nécessaires à la conscience culturelle d’un pays. En réalité, l’exercice de la raison libre relève d’une vertu, d’un épanouissement mental, d’un progrès intellectuel et social. La raison libre doit être adoptée et pratiquée ; elle ne doit surtout pas être comprimée. Toute tentative de prohibition de cette raison donnerait lieu à des affrontements. C’est ce à quoi on assiste au Sénégal de Macky Sall.
Plus on prendra soin d’interdire à un peuple l’exercice de sa raison, plus il marchera sur les seins nus des montagnes les plus désertées pour faire entendre sa voix. Tout peuple conscient de sa condition opposera une résistance farouche aux dictateurs : non pas les sujets-flatteurs qui cherchent à plaire pour exister, non pas les automates soucieux de remplir le ventre à travers les comptoirs lubriques de l’appareil de l’Etat, non pas les harangueurs mandatés pour violer les esprits, non pas les marchands d’illusions pour qui le salut absolu consiste à légitimer le totalitarisme, non pas ceux qui animent la sérénade des applaudissements du vulgaire, non pas les trombones insensibles à leurs propres misères, mais celles et ceux pour qui la conscience citoyenne et la nécessité de l’engagement sont inséparables des devoirs difficiles. Il faut avoir l’audace imaginaire d’incarner ces devoirs pour que le désir d’autre chose soit réalité. Ce précieux désir porté par le tambour de l’insurrection doit l’emporter face à la sinistre fureur du vulgaire déployée par les faibles personnages de l’Etat sénégalais qui ne jurent que par la corruption et la répression.
Quoi de plus odieux que d’interdire les voix dissonantes qui vitalisent la parole publique d’une nation fragilisée littéralement par le roulis des tangages des répressions ordonnées ? Existe-t-il une misère plus pernicieuse que de répandre la terreur par le massacre systématique des manifestants qui expriment une juste colère légitime ?
C’est évident ! les violences et les vandalismes devront être condamnés sans réserve. Cependant, la répression sanglante des autorités est infiniment criminelle. Vous vous rendez compte ! Macky Sall répand le sang de ses « concitoyens » pour chercher à domestiquer l’horloge politique qui lui échappe. C’est incroyable ! C’est là où suinte le malheur de nos faibles Etats dominés : cette avidité horrible et permanente, cette folie incurable de la boulimie du pouvoir, cette obsession de s’assurer une relève clanique et complaisante pour confisquer la souveraineté et le pouvoir au peuple...
Le caractère nauséabond de l’air que respirent Macky Sall et ses collaborateurs au pouvoir dépasse les pires prévisions politiques d’un pays qui a toujours éclairé l’Afrique de l’Ouest du point de vue de l’autogestion et du respect de la conscience citoyenne. Les joues du régime du Président Sall sont évidées, elles ont perdu leur éclat. Elles deviennent emphatiquement caverneuses. Quelle honte ! Dans un élan désespéré, Macky Sall et ses curieux personnages obscurs pratiquent une politique totalitaire, résolument totalitaire, en mobilisant les forces vives de l’Etat pour instiller la terreur dans les veines des sénégalais.
Le Sénégal saigne, ma Mère
et ce long ruisseau de corps étalés
ces vies tourmentées qui gesticulent follement
ces espaliers de cadavres qui se déploient comme des clairières au milieu d’une foule séditieuse
Le Sénégal saigne, ma Mère
et ces bourreaux qui baignent dans une rivière de candélabre fantasmée
comme des rats entêtés des champs désertés
les voici hantés par la gueule ouverte du sang répandu
les voici rampant sous les lits qui portent des promesses de peine