L’Etat mauritanien est foncièrement désincarné : entre farce grossière et arlequinades mortifères, le chaos et le désordre liment leur barbe édentée au grand bonheur des amateurs du népotisme qui profitent de la situation pour donner des postes de responsabilité aux pleure-misères non-qualifiés, ils en donnent même à des coqs de bassecour qui ne savent pas chanter le matin pour accompagner le soleil qui se lève. Cette désincarnation ravive les flammes de la misère des idéologies pestilentielles qui déroulent une violente préférence ethnique où les Maures sont royalement favorisés pendant que les autres franges de la population croupissent dans des lits rembourrés avec des noyaux de pêches. Ces franges de sommeils tourmentés, essentiellement noires, marchent sans avancer dans une vie démantibulée où la balkanisation tient majestueusement sa ronde. Ces franges tournent sans trêve comme des écureuils en cage sous un soleil travesti, étreint par les lianes de la haine.
Entraînée jusqu’au fanatisme primaire par un pouvoir inerte et aveugle, la Mauritanie n’est plus qu’un rêve d’une pittoresque suprématie maure, elle devient davantage le pays où les lierres des identités ayant des meurtrissures dans la peau installent des frontières impériales entre peuplades qui doivent pourtant s’emmêler sans se confondre. Ainsi, dans les fanges de l’administration mauritanienne, l’autre, le non-maure, est un sujet antagoniste qu’il faut dominer ou neutraliser complètement. En témoigne l’incroyable injustice infligée à Mamadou Saada Sow. Ce jeune sergent de 36 ans fut sous-officier pendant plus de dix ans au sein de l’armée mauritanienne. Il a toujours exercé son métier avec passion, dévouement et engagement. Il est animé par un devoir de responsabilité qui lui valut une incompréhensible aversion de la part de sa hiérarchie. Porté par le désir de faire mieux, il s’est présenté à un concours en janvier 2023 pour jouir d’une promotion dans l’infanterie et occuper de hautes fonctions. À la publication des résultats, il est déclaré admis et major mais il n’a jamais obtenu le grade. Outre la non-obtention du grade tant mérité, il fut ostracisé par le colonel qui dirigeait – et qui dirige encore, hélas – le bataillon auquel il appartenait. Après de nombreuses rétrogrades et humiliations, ce colonel du colonialisme endogène de la Mauritanie contraint le sergent de 36 ans à la démission.
Soyons encore précis ! Ce qui frappe l’entendement, c’est que certains anciens camarades maures de Mamadou Saada Sow qui ne sont plus militaires ont été déclarés admis et ont obtenu le grade du concours de janvier 2023 sans jamais se présenter à l’examen. Il s’agit des déserteurs, deux d’entre eux seraient installés au Qatar bien avant la Coupe du monde de football de 2022. Au plus haut sommet de l’Etat, les Cornichons des scandales tus diront ceci avec impertinence et mépris : c’est la Mauritanie, ne cherchez pas à comprendre, passons ! Effectivement, tout se justifie dans une telle république curieuse où la confusion et la pagaille règnent avec frénésie. Ce niveau d’avilissement, doublé d’une haine souterraine, atteint la phase terminale des pestilences mirifiques du racisme. Quel malheur !!!
Au non du honteux ostracisme mauritanien, des âmes sont tourmentées de jour et de nuit, et les nonchalantes autorités approuvent mécaniquement. On nous refuse l’accès à la dignité et les responsables politiques s’enjaillent en permanence. Lorsque, dans d’autres circonstances, la Palestine est touchée en plein cœur, des hommes en robe, cheveux dans le vent, inondent les rues de Nouakchott pour réclamer justice et dignité. C’est bien légitime ! Il faut le faire ni repos ni trêve ! Mais quand il s’agit de s’élever contre le racisme dont les franges noires du pays sont victimes, ces mêmes hommes en soutane adoptent une attitude hypocrite en manifestant fièrement leur indifférence. C’est ce qu’il convient de combattre à travers toutes les circonstances de l’existence. Il faut agir sans barguigner avant qu’il ne soit bien tard !
Les Mauritaniens ostracisés et les Mauritaniens de bonne volonté doivent sortir des fers nauséabonds de la fatalité pour embrasser l’engagement du corps et de l’esprit. La pensée de la fatalité éloigne les Mauritaniens du devoir de responsabilité. Plutôt que d’espérer le changement, il faut apposer son sceau dans la chair du soleil du présent immédiat et forcer l’avenir à s’aligner sur la conscience du désir d’autre chose, initié par l’engagement qui émanerait du devoir de responsabilité. C’est dans cet esprit du marronnage juste et nécessaire qu’on développera une culture guerrière qui portera à la bouche l’aube d’une vie neuve.