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Billet de blog 12 octobre 2024

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Destitution & Reconstitution

L’actualité politique française reprend. Sentiment d’impasse, défiance totale envers ceux qui dirigent et puis crainte de l’extrême droite qui attend sagement son heure. Comme beaucoup, sans pour autant me sentir en phase avec un des partis actuels, je ne vois qu’un remède de cheval : la destitution du président de la République et la mise en place d’une assemblée constituante par tirage au sort.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le citoyen Macron est très intelligent, très cultivé, très éloquent. Il a une belle prestance, il manie les concepts avec aisance, il connait parfaitement les rouages de l’État et il est capable de discourir longtemps. Il semble taillé pour le rôle que nous lui avons confié, bien mieux que la plupart d’entre nous. Mais il y avait un vice caché : il a la langue fourchue. Notre concitoyen omnipotent dit tout et son contraire, et ses actes ne correspondent pas à ses paroles. Il répète à l’envi avoir été élu sur un programme clair alors qu’il a tout fait pour le rendre le plus évanescent possible. Il usurpe des références et les vide de leur sens. Qui aurait osé les mots Révolution, Grand Débat, CNR… pour qualifier ce qu’il a tenté et qu’on découvre après coup ? Nous avons là un Tartuffe qui feint de brasser des idées sur tout pour surtout ne rien changer à l’ordre social.

Voyons sa dernière manœuvre : le résultat de l’élection précipitée qu’il a lui-même provoquée par surprise ne lui convenant pas, il étire le temps pour étouffer la passion qu’il a suscitée, tente une scission de ceux qui sont arrivés en tête, interprète la Constitution en sa faveur au dam de ceux qui croient qu’il respectera l’usage, et tâche de constituer une équipe gouvernementale pas trop éloignée de ses affinités idéologiques.

Ce n’est d'ailleurs pas la première fois que notre président se montre mauvais joueur face à des résultats qui le contrarient : il avait par exemple imposé « trois jokers » (SIC) au panel citoyen qui proposait des mesures pour lancer une transition écologique, un coin enfoncé dans la roche pour éclater le travail d’une assemblée investie et dénuée d’intérêts partisans. Sans parler de ses passages en force législatifs par ses fusibles du moment malgré une opposition populaire massive.

Notre président est très rusé. Ses ruses sont destinées à prendre le pouvoir et à s’y maintenir tout prix, et peu lui importe l’intérêt général. Nous ririons et applaudirions à tous ses exploits si la politique était un sport. Mais c’est notre futur qui est en jeu. 

Que faire d’un représentant qui dirige en solitaire, qui dit noir quand il pense blanc et part à droite quand il prétend tourner à gauche, qui répond "joker !" quand un groupe citoyen le met face à ses responsabilités, qui s’octroie le droit de tordre l’esprit de la loi qu’il est censé défendre, qui fuit les débats pour mieux revenir avec des arguments d’autorité, et qui, surtout, dénature l’outil premier du politique, la parole ? Il est grand-temps de lui dire au revoir. Oh ça chatouillerait un petit traumatisme national jamais réglé, parce que dans la propension des dirigeants de la Ve République à incarner la Nation dans un seul corps comme autrefois le Roi, on aurait l'impression d'une décapitation. Mais non, c’est un simple renvoi, il n'y a pas mort d'homme et c'est bien l'intérêt de la Nation que de séparer d’un chef qui a maintenant démontré son incapacité à l'honnêteté intellectuelle et qui participe si activement à l’effondrement de la confiance du citoyen envers ses représentants.

DESTITUTION DE NOTRE PRÉSIDENT !

Le monde a bien trop changé depuis 1958 et la Ve République montre aujourd’hui ses limites. Si on écarte les élus dont l’avis est partial puisqu’ils bénéficient de prérogatives afférentes à leur statut, les Français·es s’y tiennent par conditionnement – nous n’avons pour la plupart connu que ce régime pendant notre vie citoyenne – par nostalgie, par peur du désordre, et non pour l’espoir d’un monde meilleur qui pourrait être débattu dans un cadre démocratique serein et égalitaire. Construite autour de l’idée d’un homme providentiel, cette forme de république peut maintenir une vie démocratique saine tant que celui qui hérite des pouvoirs imaginés pour président-fondateur reste… républicain.

La bascule n’est-elle pas atteinte ?

Nous avons attendu le bon vouloir d’un seul d’entre nous pour lancer l’action gouvernementale, et prenant tout le temps à répondre qui lui convenait, notre président est parvenu à mettre en place une équipe dont la couleur politique correspond grosso modo à la quatrième place du suffrage. Le gouvernement s’est construit par des combines politicardes d’arrière-chambre, les réponses du pouvoir ne correspondent pas à l’expression des citoyen·nes. On a atteint une dérive du régime constitutionnel en vigueur aujourd’hui.

Alors revenons aux fondamentaux de notre existence républicaine : on reprend tout, on garde ce qui était bien, on dégage ce qui ne nous convient plus, on propose du nouveau.

C’est aussi qu’un danger certain nous guette : l’extrême droite française aime bien la Ve République parce qu’on confie un pouvoir immense dans les mains d’un·e seul·e. À l’international, l’ambiance tend à l’autoritarisme et la droite "dure" parvient à prendre le pouvoir par des processus démocratiques. Au lendemain des élections législatives anticipées de juillet dernier, une très grande part de la population française a poussé un ouf de soulagement de ne pas rejoindre le club. Mais à bien y regarder, l’extrême-droite en sort très renforcée. Aujourd’hui, le RN – c’est-à-dire une seule personne car on n’aime pas trop la controverse dans ce genre de parti – n’attend que son heure. Marine le Pen tient le gouvernement en laisse. Elle est devenue le véritable "maître des horloges" pour reprendre l’expression que les éditorialistes politiques réservent habituellement à M. Macron.

Doit-on laisser l’extrême droite décider du moment où elle appuie sur le bouton "prise du pouvoir" ? Doit-on assister impuissants à la pratique présidentielle de Mme Le Pen après que M. Macron lui a montré la marche à suivre pour tirer le meilleur parti de la Constitution ? Et donc subir ce qui est écrit si elle y parvient : démantèlement méticuleux des remparts démocratiques dans la justice, l’éducation, la culture, inégalité assumée des citoyens devant la loi, appauvrissement des esprits, repli sur soi, libération des instincts de haine contre des boucs émissaires impuissants, et cætera, et cætera, ce qu’on peut lire dans tous les livres d’histoire ?

ASSEMBLÉE CONSTITUANTE !

La politique est l’affaire de tous. La politique c’est ce qui façonne notre vie présente et future. La crise de confiance envers les élus, le désintérêt pour des sujets qui nous concernent directement, l’abstention massive s’expliquent en grande partie parce que la politique a été kidnappée par des personnalités égocentriques qui font croire qu’elle est l’affaire de spécialistes. On retrouve à ce propos le double langage d’Emmanuel Macron qui invitait en 2017 la société civile à s’engager, tout en s’assurant du contrôle des député·es novices par quelques politiciens aguerris, transformant un groupe de citoyen·nes  – pas si représentatif de la société civile mais passons – en de parfaits godillots.
Dans un processus démocratique basique, les citoyen·es élisent leurs représentant·es par un choix éclairé, les élu·es écrivent ou réécrivent la loi qui organise la vie collective, mènent des politiques qui tendent à l’intérêt général, et ils ont des comptes à rendre. C’est le démos qui a le kratos bon sang de bonsoir.

Où en est notre démocratie ?

Le choix éclairé, la libre opinion sont aujourd’hui entravés par un accaparement inquiétant de la presse dans les mains d’hommes d’affaires qui prétendent avec hypocrisie ne pas se mêler de politique. Le choix n’est pas tant éclairé que ça, mais presque provoqué par des campagnes de propagande plus ou moins grossières. Le débat des idées censé guider le citoyen sur ses choix est faussé car il est soumis aux exigences du spectacle. Les "petits" candidats sont repoussés à des heures tardives, les "gros" en prime-time. Notre lucidité s’en trouve d’autant plus fragilisée que l’accélération des informations au siècle du numérique triomphant exacerbe les réactions émotives lors des rendez-vous électoraux.
Les comptes à rendre des élus n’ont lieu finalement que lors des élections après lesquelles ils n'ont surtout de compte à rendre qu'à leur conscience, et ils donnent rendez-vous aux citoyen·nes à la prochaine échéance. Le citoyen est flatté pendant la période électorale puis il est renvoyé à sa vie quotidienne jusqu’à la prochaine fois. Tant qu’une conscience républicaine existe parmi les responsables, ça ne pose pas tant de problèmes que ça, mais si au sein du pouvoir la lâcheté s’installe ? Aujourd’hui les grands commis de l’État pantouflent sans vergogne. On sollicite largement les prestations de cabinets de conseil privés. Les responsables en place ne sont jamais… responsables de rien.

Ce sont les assistants, les directeurs de cabinet qui trinquent lors des procès. Les hommes et femmes politiques soupçonnés d’infraction commises dans leurs fonctions sont jugés par une cour spéciale composée de pairs. Les chambres parlementaires n’aiment pas trop qu’on interroge l’utilisation des fonds qu’elle confie à ses membres. Et si le chef de l’État assume bravache sa responsabilité dans l’affaire Benalla, il le fait derrière son immunité parlementaire.

La gent politique d’envergure nationale se maintient dans une caste à part, et le système électoral actuel les y pousse (Nota bene : Les agressions – inexcusables – envers les élus sont peut-être aussi une conséquence de la césure avec les citoyens doublée d’un amalgame entre élus locaux et barons politiques puissants, car n’oublions pas que l’immense majorité des élus est constituée d’élus locaux).
Le vote favorise ceux qui veulent le pouvoir au détriment des autres, ils organisent leur vie en phase avec le calendrier électoral.

Le tirage au sort permettrait d’éviter ceux qui placent leur ambition personnelle et celui de leur système d’influence bien au dessus de l’intérêt général. Le tirage au sort réduit le risque d’élire les plus démagogiques, les plus hypocrites, les plus mafieux, ou ceux qui devrait assumer leur goût du pouvoir avant même leur aspiration idéologique, qu’elle soient conservatrice, libérale, socialiste, nationaliste ou révolutionnaire.

S’en remettrait-on au hasard ? Non. Aux lois de la probabilité, sans doute bien plus fiables que le système électoral actuel pour obtenir une belle représentativité de la population française dans une assemblée. Une assemblée parfaitement apte à réfléchir au nom des autres à une règle commune, car notre Nation possède grâce à ses Ancien·nes une culture associative solide. Nous citoyen·nes français·es sommes aguerri·es au travail collectif et au débat des idées. Il n’y a aucun risque d’une assemblée d’incapables.

TIRAGE AU SORT DES DÉPUTÉ·ES CONSTITUANT·ES !

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