Avec le CHIPS (and Science) Act promulguée par le président Joe Biden le 9 août 2022, environ 280 milliards de dollars ont été injectés pour sécuriser la fabrication de puces américaines et la relocaliser aux États-Unis ou dans un cercle rapproché [1]. Cette stratégie vise en particulier à exclure la Chine des licences et des moyens de production permettant de fabriquer des puces de taille de nœud technologique inférieur à 10 nm. Entre autres, cela s’est traduit par le recadrage d’ASML [2] afin de réduire son périmètre d’accord et de livraison d'outils de photolithographie avancés en Chine. Plus généralement, cet acte entérine le retour du protectionnisme américain dans le secteur des semi-conducteurs.
Malgré tout, il n'y a pas que les dimensions qui comptent dans la production de puces. Le design est aussi primordial. A titre d'exemple, en technologie 14 nm (soit celle supérieure à 10 nm), on trouve des processeurs d’il y a quelques années comme la gamme Core M d'Intel (i5, i7, i9), ou les processeurs de Samsung (Galaxy S6), des mémoires flash, etc. En d'autres termes, des puces, toujours utilisées et suffisamment puissantes pour faire beaucoup de choses (militaires, médicales ou civiles). Mais sans le design (propriétaire), il est impossible de les produire... Pour contourner cela, il y a RISC-V [3], un projet de design de processeur RISC open source, en continuel développement. Il est depuis longtemps considéré comme prometteur notamment pour la Chine [4]. Il se trouve qu’aujourd’hui, grâce à ce projet open-source, la Chine est en passe d’acquérir sa pleine autonomie sur la production de processeurs numériques. Un processeur de type RISC-V (en 14 nm), a déjà été produit en Chine, il y a quelques années. Certes sur une puce plus grande que celle de la concurrence, mais qu'importe, car le développement va très vite et de nouvelles versions y sont développées tous les 6 mois [5]. Récemment, un SoC de 8 cœurs RISC-V 64 bits a déjà été produit par l'entreprise chinoise Spacemit. La puce est intégrée à l'ordinateur portable nommé DC-ROMA produit est par l'entreprise Deep Computing. Il fonctionne même sous Ubuntu (Linux) [6]. La Chine a donc déjà la pleine maîtrise de sa technologie numérique pour un grand nombre d’applications dédiées. Cela pourrait être le cas pour le grand public si sa stratégie (avec des puces plus grandes) devient rentable, même si il est encore tôt pour le dire.
En conclusion, sur l'électronique numérique, les Américains gagnent du temps, mais ils font la course en marchant, tandis que les Chinois le courent… Et ce depuis longtemps dans le domaine de l’électronique !
Réferences:
[1] : Chips Act, US, https://en.wikipedia.org/wiki/CHIPS_and_Science_Act
[2] : ASML, Leader mondial de la fabrication de machines de photolithographie pour l'industrie des semi-conducteurs https://fr.wikipedia.org/wiki/ASML
[3] : RISC-V, https://en.wikipedia.org/wiki/RISC-V
[4] : China's Semiconductor Industry: the Promises of RISC-V Open Source, https://www.institutmontaigne.org/en/expressions/chinas-semiconductor-industry-promises-risc-v-open-source-architecture
[5] : China to upgrade mainstream RISC-V chips every six months, Agam Shah, mon 6 Dec 2021, https://www.theregister.com/2021/12/06/china_riscv/
[6] : Spécification, DC-ROMA Laptop II with 8-core RISC-V CPU, https://store.deepcomputing.io/products/dc-roma-riscv-laptop-ii-with-octa-core-cpu