Certains articles qui soutiennent les Grecs et les Espagnols en accusant l'Allemagne de tous les maux, me poussent à écrire cet article de réflexion sur ce qu'est l'Europe. Je viens de lire l'article de Marianne: "Frissons en Europe - La Grèce est à vendre"... qui montre l'incompréhension totale de ce que l'Europe était selon ses fondateurs.
Certains ont voulu le beurre et l'argent du beurre... et s'étonnent que tous ne soient pas d'accord.
En France, pays le plus centralisé d'Europe, on entend depuis des décennies - je ne sais pourquoi - des politiques s'élever contre un concept d'Europe fédérale ou confédérale.
Il me semble que les citoyens français, dans leur grande majorité, ne savent pas du tout de quoi il s'agit et répètent à l'envi ce que leur sert le gouvernement central.
L'Europe a été conçue par ses fondateurs comme une union de pays qui allaient vers un ensemble fédéral.
Comme la majorité des citoyens français ne peuvent s'imaginer ce que cela signifie, je vais tenter d'expliquer comment fonctionne un Etat fédéral, à la lumière de ce que je connais de la vie politique, sociale, culturelle et intellectuelle en Allemagne, pays fédéral.
Les Etats fédéraux les plus connus sont les USA, le Canada, l'Allemagne, l'Inde, le Brésil, l'Australie, la Russie...
En voici la carte du monde:

Un Etat fédéral est composé de pays - ou Régions, ou Länder (en Allemagne) - qui sont totalement autonomes dans leur gestion quotidienne.
Pour l'Allemagne, le "Bund", l'Etat fédéral, n'assure à lui tout seul que les activités "régaliennes" que sont la défense et les affaires étrangères.
Voici quelques informations de base, certaines ont été prises sur l'excellent papier "Regards sur l'économie allemande" Compétitivité des territoires : état des lieux et perspectives d'Isabelle Bourgeoisdont je vous recommande une lecture attentive, quoique cette étude soit vue à travers la lunette française... il lui manque donc un peu la pratique vécue.
Ces Etats, souverains sur leur territoire, sont bien plus qu'une entité administrative 'déconcentrée' : ce sont de véritables Etats fédérés. Dans la Fédération (Bund), ils ont un pouvoir de co-décision via le Bundesrat, où siègent les représentants de leurs gouvernements et sans l’aval de laquelle aucune loi touchant aux prérogatives des Länder ne peut être adoptée (c’est le cas d’un grand nombre de textes).
Ce pouvoir constitue la première facette de ce fédéralisme coopératif qui caractérise l'Allemagne, avec sa répartition à la fois fonctionnelle et sectorielle des pouvoirs.
Les Länder sont seuls souverains en matière d'éducation, de culture et de médias. (Ce qui évite la concentration de médias "aux ordres" ou cotoyant de trop près les décideurs politiques et économiques que l'on connaît en France, tout étant à Paris, et assure une variété et un pluralisme de l'information).
Dans la plupart des autres domaines, il y a concurrence entre les compétences du Bund et celles des Länder : ces derniers sont habilités à légiférer « aussi longtemps et pour autant que la Fédération n’a pas fait par une loi usage de sa compétence législative » (art. 72, § 2 de la Loi fondamentale).
« Les Länder exécutent les lois fédérales à titre de compétence propre », stipule l’art. 83 de la Loi fondamentale.Autrement dit : ce sont les Länder qui exercent seuls le pouvoir administratif.
Le Bund n'a en effet pas d'administration centrale, sauf dans les rares domaines qui relèvent de sa compétence régalienne exclusive : défense et affaires étrangères.
Les Länder mettent donc en œuvre les lois, soit pour le compte du Bund (administration déléguée), soit au titre de leurs compétences propres.
Dans d'autres cas encore, Bund et Länder coopèrent pour l'exécution de tâches communes, dont la liste a été nettement réduite lors de la réforme du fédéralisme politique.
Le fait que les Länder disposent de compétences législatives ne leur interdit nullement de mener leur propre politique de développement structurel.
Ils sont souverains en matière budgétaire.
Le Bund et les Länder étant « autonomes et indépendants les uns des autres dans leur gestion budgétaire » (art. 109, § 1 de la Loi fondamentale), les Länder sont souverains pour gérer la part des recettes fiscales qui leur revient après la péréquation financière à laquelle sont soumis Bund, Länder et communes (Finanzausgleich).
Je vous en ai fait un résumé graphique, le Bund étant représenté par l'aigle, les Länder par le pays, les communes par les deux maisons:
Quelque 70 % des recettes fiscales sont ainsi partagées entre les divers échelons territoriaux.
Les Länder sont pleinement souverains en ce qui concerne la gestion de leurs finances, n’étant soumis qu’au contrôle législatif de leur Landtag (parlement régional) et réglementaire de leur Cour des comptes.
Cette liberté leur confère la latitude requise pour mener la politique de développement régional définie par chacun.
Par cette structure de soutien mutuel, appelé Finanzausgleich ("péréquation financière", quel mot compliqué ! - je dirais plutôt "équilibre financier") les Länder les plus "pauvres" jouissent du soutien de l'ensemble, le but n'étant pas de les maintenir dans la "pauvreté", mais de les aider à parvenir au niveau des autres.
C'est le cas de la Bavière, qui était un Land agricole et plus ou moins "arriéré", par rapport à Hambourg par exemple, et qui est aujourd'hui l'un des plus riches du pays.
On voit ici que la Bavière (BY - Bayern) a reçu un soutien de l'ensemble des autres Länder - par l'argent mis dans le "pot commun" - de 1950 à 1986 (en rouge) puis que le Land a été en équilibre financier en 1987 - 1988 pour devenir contributeur positif (en vert), (c'est-à-dire payer dans le pot commun au lieu de recevoir) depuis 1989.
Alors que Hambourg a toujours payé pour les autres, sauf en 1993 - 1994.
Cet accord fédéral de Länder autonomes, permet donc aux régions plus "pauvres" de parvenir à l'équilibre et pour certains de devenir contributeur plutôt que débiteur.
Mais il induit aussi un contrôle des dépenses publiques et un budget sérieux qui ne mette pas le tout en déséquilibre. Tout est réglé clairement pour permettre un développement commun.
La Bavière exporte dans le monde entier, mais il ne viendrait pas à l'idée de Berlin - en profond déficit - ou à la Sarre - sous "tutelle" fédérale - de lui demander de moins exporter et d'être moins "riche"...
Je reviens donc à l'Europe. Pour expliquer la comparaison, l'Europe serait le "Bund", Etat fédéral, chaque pays, comme la France, y serait un "Land", avec toute l'autonomie décrite plus haut.
Je ne comprends pas pourquoi les journalistes français et certains politiques refusent de voir que certains pays comme la Grèce, l'Espagne, le Portugal, ont volontiers pris les "subsides" venant de Bruxelles, mais n'ont pas cherché à contribuer eux-mêmes à l'ensemble.
Cette manne venait tout d'un coup, il faut voir les "subventions" encaissées par certains secteurs ! Sans aucune contrepartie. Jusqu'à ce que ceux qui prêtaient l'argent regardent de plus près ce qui se passait dans ces pays.
Ils ont voulu profiter de l'Europe et de la compétitivité d'autres pays, recevoir les subventions, mais n'ont pas mis leurs finances en ordre... Cela ne pouvait durer.
En outre, la France, par la voix de Lagarde, demandait à l'Allemagne de moins exporter !!!
La France ne veut pas d'une Europe fédérale. Pourquoi ? De quoi a-t-elle peur ?
Les Länder allemands sont totalement souverains - et solidaires - la structure qui les chapeaute n'assure que la Défense et les Affaires étrangères.
Pourquoi ne peut-il pas en être de même en Europe ? Quelles sont les peurs qui l'empêchent ?