En 2020, Le Monde publie les résultats de l’Observatoire Étudiant des Violences Sexuelles et Sexistes dans l’Enseignement Supérieur. Une étudiante sur vingt y indique avoir déjà été victime de viol, une sur dix d’agression sexuelle.
Malgré cela, lorsque deux ans plus tard les sondages de trois grandes écoles aboutissent aux mêmes résultats, les articles de Soazig Le Nevé, Jessica Gourdon et Marine Miller, publiés dans Le Monde, consacrent un paragraphe à la “sidération” du directeur de CentraleSupélec, à l’étonnement de celui de Polytechnique et à la surprise de celui d’AgroParisTech.
Pourtant, dans chaque école, nous les avons avertis et priés d’agir pendant des mois. Dans chaque école, nous avons dû dénombrer nos camarades violées et violentées, avant que nos directeurs promettent de mettre en place des dispositifs. Nous demandons donc à Le Monde d’arrêter d’innocenter les directeurs des écoles.
Les dispositifs alors mis en place consistent principalement à déléguer aux associations étudiantes de sensibilisation à l’égalité des genres la mission de protection contre les violences sexuelles et sexistes. Ces élèves sans qualification ni formation, portent la charge de la sécurité de leurs camarades, souvent aux dépens de leur scolarité, de leur vie privée et de leur santé mentale. Il en est de même des référents pour l’égalité homme/femme, qui accumulent deux ordres de mission et traitent souvent bénévolement la question de la lutte contre ces violences.
Mardi dernier, Laurent Buisson, directeur d’AgroParisTech, s’est engagé à faire appel à des prestataires pour rendre les événements festifs plus sûrs et mener des enquêtes annuelles. Il s’est également engagé à ouvrir un emploi à temps plein avec pour ordre de mission la protection contre les violences sexuelles et sexistes, si cela advenait nécessaire. Nous demandons à toutes les administrations de l’enseignement supérieur de prendre les mêmes décisions, sans attendre deux sondages et deux ans d’actions insuffisantes comme cela a été le cas à AgroParisTech.
Nous demandons aux directeurs de Polytechnique, de CentraleSupélec et d’AgroParisTech de ne plus s’approprier notre travail, ni de sous-entendre que ce travail a pour nous un intérêt pédagogique. Nous le faisons car si ce n’est pas nous, personne ne le fait.
Enfin, nous rappelons que ces violences sont le fruit de la culture du viol et du patriarcat. Il est important de ne pas les justifier uniquement par les bizutages, l’alcool, les portes dégondées, ou encore par “l'envie de se lâcher après avoir travaillé lourdement”, comme ont tendance à le sous-entendre ces articles de Le Monde.