Témoignage de Sophie, 39 ans, victime de harcèlement en réseau depuis 1 an:
" Mon harcèlement criminel en réseau a commencé, sous sa forme déclarée/ouverte, en août 2017, suite à ma participation à un projet de documentaire sur les violences faites à la communauté LGBT, dont je suis sympathisante, et dont j'aurai pu faire partie. Mes choix amoureux se sont portés sur le sexe opposé, mais il m'a toujours été douloureux de savoir qu'on pouvait être ostracisé, en raison des élans légitimes de son cœur.
Je me suis aussi sentie solidaire de cette cause, ayant été victime d'insultes à caractère transphobe, en particulier dans la sphère professionnelle. Je ne le savais pas encore mais ces premières manifestations annonçaient peut-être déjà la mise en place d'une campagne de délation, s'inscrivant dans les prémices de ce harcèlement en réseau.
Ce harcèlement , pour en revenir à Août 2017, s'est d'abord manifesté par des insultes publiques de la part d’inconnus. Le lendemain de la mise en ligne du projet de documentaire auquel je participais, des jeunes de cités sont venus sous mes fenêtres m'insulter de "sale trav', sale pédé". J'ai été très surprise qu'ils aient pû avoir mon adresse car je ne les connaissais pas et je n'avais jamais eu de problèmes avec eux, auparavant.
Après un premier dépôt de main-courante au commissariat, les nuisances ont pris une forme plus élaborée: campagnes de délation, insultes ou menaces "indirectes" dans les espaces publics, et surtout, la mise en place d' un dispositif de projection audio dont je n’ai jamais pû identifier la provenance diffusant menaces et insultes (« Elle est finie », « elle va pleurer », « pédé », « trav », « on va la brûler », etc…) à l'intérieur de mon lieu d'habitation.
J'ai mis beaucoup de temps à comprendre ce qui se jouait: était-ce mon esprit qui me jouait des tours? Etait-ce la réalité? La frontière étant parfois poreuse entre les deux...
J'ai alors décidé de confronter ma perception à la réalité en enregistrant ces agressions, et les bandes ont révélé ce que je craignais, l'autre alternative étant finalement moins inquiétante: ce harcèlement était réel. Il était si concret qu'il s'inscrivait désormais dans chacun des moments de ma journée: via les projections audio diffusant insultes et menaces lorsque j'étais à la maison, et à travers des insultes et menaces "indirectes", proférées par de parfaits inconnus et reprenant strictement le même corpus lorsque j'étais à l'extérieur.
Quelques exemples:
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(Ci-dessus un extrait de bande audio "éclaircie" du dispositif de projection audio, diffusant des insultes et menaces en continu, dont on ne peut localiser la provenance. La bande a été éclaircie par un ingénieur du son professionnel et le rendu est approximatif. Cependant, vous pourrez distinguer, après une écoute attentive, à la 24ème seconde, un homme dire: "On dirait trop un trav". L'autre répond "T'as vu", puis "Mais trooop")
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PV d'huissier-
Témoignage d'un témoin de ce dispositif de projections audio, déposé au dossier de plainteMais cette dimension, aussi anxiogène soit-elle, était finalement la moins inquiétante. Le harcèlement en réseau a la particularité d'être organisé de telle façon que chaque pan de votre vie est, à terme, impacté par ses conséquences. Il s'agit, en effet, de ne laisser à la cible aucun répit, aucun espace de respiration en l'asphyxiant socialement, professionnellement, physiquement et mentalement.
La cible est totalement déshumanisée et épiée quelque soit l'endroit où elle se trouve. Un encerclement qui vise à progressivement l'isoler, et la conduire au désespoir le plus profond, souvent précédé lorsqu'elle finit par tout perdre (emploi, amis, famille...) à un parcours de psychiatrisation qui la discréditera alors totalement.
La démocratisation des nouvelles technologies (réseaux informels du dark-net...) et le développement de certaines pratiques comme celle du flash-mob, ...ont certainement permis l' essor du harcèlement en réseau, qui a par ailleurs toujours existé. La merchandisation du crime, via des filières informelles, permet désormais à n'importe quel personne, ne pouvant recourir à la justice pour des motifs évidents, de régler ses comptes par ce biais.
Il pourrait s'agir dans mon cas d'une vengeance "plurielle" (impliquant plusieurs acteurs de mon cercle proche), qui peut-être également lié à la volonté de m'écarter d'une éventuelle succession. Rien ne permet, jusqu'ici, de pencher davantage pour cette hypothèse plutôt que pour une autre. Seule certitude: la réalité de ce harcèlement, qui a forcément été initié par une ou un groupe de personnes, pour des raisons qui leur sont propres.
J'ai également eu droit à des campagnes d'intimidation, comme:
- Des intrusions sans effraction à mon domicile avec vol d’objets ou dépôt d’objet ne m’appartenant pas...
- Sabotage professionnel ou des rapports de voisinage via la délation...
- piratage informatique…
- Escroquerie: mon compteur d'eau a, par exemple, tourné en mon absence (15 jours) générant une dépense de 15 mètre cube d'eau, sans fuite apparente, ni inondations des sols. J'ai remonté cette information. Et curieusement, lors de mon dernier déplacement de 6 jours, le niveau de compteur est resté rigoureusement le même...ce qui rend moins probable l'éventualité d'un simple dysfonctionnement.
Ce sont des exemples parmi tant d'autres de ce qui fait aujourd'hui ma réalité de citoyenne de non-droit.
Car en dépit des preuves dont je dispose, relatives à certains de ces délits (preuves audio, vidéo, témoignages écrits, PV d’huissier…), et en dépit des plaintes déposées, je ne suis pas entendue.
Pire: Ma parole est brimée. Je risque à chaque fois que je m'exprime sur ce sujet, aussi incroyable que cela puisse paraître dans un état démocratique, une hospitalisation sous contrainte, ou des représailles aggravant ma situation de harcèlement.
Une des conséquence néfaste de ce harcèlement est aussi sa dimension électromagnétique: Ces projections audio (en intérieur), se font certainement sur la base d' émission de basses fréquences. Or, les effets délétères des basses fréquences sur la santé ne sont plus à prouver, et peuvent entraîner des d'importantes céphalées, un sentiment de fatigue, d’irritabilité, mais également des maladies plus graves comme le cancer.
Plusieurs théories viennent expliquer l'omerta, la relative opacité et l'immunité dont semblent bénéficier les réseaux qui perpétuent ce crime silencieux: des plus fantaisistes aux plus probables. Je n'ai pas d'avis là dessus, n'ayant jamais eu la vocation d'une miss Marple ou d'un Colombo.
Je m'en tiens, dans une démarche pragmatique, à la loi: victime de multiples infractions et délits, relevant manifestement d'un harcèlement en réseau si l'on prend en compte au moins les différentes insultes dont j'ai fait l'objet en des lieux et situations différentes, relevant du même corpus ("Trav", "pédé"....).
Et je ne comprend pas pourquoi la dénonciation de ces crimes, m'expose, moi la victime, à une double-peine alors que ceux et celles qui les perpétuent sont relativement protégés.
En fait, une partie probablement naïve et idéaliste de ma personnalité, toujours convaincue de vivre dans le pays des droits de l'homme et du citoyen, refuse d'abdiquer face au fatalisme de rigueur parmi les personnes ciblées.
Car, comme tout commerce illicite (drogues, trafic d'armes, d'organes, d'êtres humains..) celui-ci se porte aussi à merveille et nous sommes des milliers de victimes de par le monde à subir, dans la plus grande indifférence, ces actes de tortures au sein des camps à ciel ouvert que sont devenus nos vies."
Sophie*
*Prénom modifié