Dans le billet précédent je vous présentais Mariapia,
je vous traduis ci-dessous un texte qu'elle a mis à mon intention sur sa page Facebook
https://www.facebook.com/mariapia.metallo
le rythme dans l'écriture
Dans le déroulement classique du processus d'écriture – conception, rédaction, correction– cette dernière est fondamentale ne serait-ce qu'avec la lecture à voix haute parce qu'il n'y a pas de meilleur rédacteur que sa propre oreille. L'oreille s'aperçoit tout de suite : des erreurs et des coquilles, mais surtout du plus léger déséquilibre du rythme, des mots pas à leur place, des phrases trop longues, des répétitions fastidieuses, d'une gène dans la lecture. Quand on relit à haute voix, si le rythme ne fonctionne pas on s'arrête, on enlève ou on ajoute des mots, mais surtout on les déplace jusqu'à ce que notre voix finalement glisse sans ne plus rencontrer d'obstacle.
Dans des lettres à un aspirant romancier Mario Vargas Llosa raconte comment faisait Flaubert dans sa spasmodique recherche de la « parole juste » . Je ne sais si vous savez que Flaubert avait, à propos du style, une théorie, celle du « mot juste ». Le mot juste était celui – unique- qui pouvait exprimer pleinement l'idée. Le devoir de l'écrivain était de le trouver. Comment pouvait-il savoir quand il le trouvait ? C'est son oreille qui le lui disait : le mot était « juste » quand il sonnait bien. Cette parfaite adéquation entre forme et contenu – entre parole et idée – se traduisait en harmonie musicale. Pour cela Flaubert soumettait toutes ses phrases à l'épreuve de la « gueulade ». Il allait lire à haute voix ce qu'il avait écrit dans une allée de tilleuls, qui existe encore près de sa maison du Croisset : « l'allée des gueulades ». Là il lisait à perdre haleine ce qu'il avait écrit et son oreille lui disait s'il avait trouvé juste ou s'il devait continuer à chercher vocabulaire et phrases jusqu'à ce qu'il parvienne à la perfection artistique qu'il poursuivait avec une obstination tenace jusqu'à ce qu'il l'atteigne.
C'est aussi Virginia Woolf qui écrivait : ...le style est une chose très simple, tout est rythme. Une fois qu'on l'a, on ne peut utiliser de mots erronés. D'ailleurs je suis assise ici après une demie matinée, débordante d'idées, de visions, « et cetera .. », mais je ne m'en sort pas par manque du rythme juste. Maintenant, c'est une chose très intense, cette question du rythme. Elle va bien plus en profondeur que les mots. Un spectacle, une émotion, créent cette onde dans la pensée, bien avant les paroles justes pour l'exprimer ; dans l'écriture (c'est ainsi que je le conçois maintenant) il faut rechercher cette onde, la mettre en mouvement (ce qui n'a rien à voir avec les mots, bien sur) pour ensuite, lorsqu'elle émerge et se concrétise dans la pensée, créer le mot juste.
une video sur la maison de Flaubert :
https://webtv.univ-rouen.fr/permalink/v12515a537d293s01s0a/
une présentation du lieu :
http://www.terresdecrivains.com/article.php3?id_article=68