Des gens "biens" me disent beaucoup de bien de ce bouquin - Je l'ai commandé donc pas encore lu, mais tant qu'à (bien) faire, je vous le présente, ....... y'a pas d'mal à dire du bien :
« Je implore toi s’il vous plaît dormir couloir. »
Ces mots, Mirjet ne me les dit pas. Il les écrit en albanais sur l’ordinateur et c’est Google Traduction qui me les dit. C’est plutôt marrant d’habitude, les traductions déformées par le logiciel. Là, ce n’est pas drôle du tout. Mirjet dit avoir dix-sept ans, mais tant qu’il n’est pas reconnu mineur isolé étranger, je ne peux pas lui trouver un hébergement.
Durant un an et demi, Rozenn Le Berre a travaillé comme éducatrice dans un service d’accueil pour les jeunes exilés arrivés en France sans leurs parents. De cette expérience, elle a tiré un récit littéraire à deux voix. La première, la sienne, est confi née à l’espace de son bureau et se fait l’écho de ces jeunes qui traînent des valises de souvenirs acides, mais que la fureur de vivre maintient debout. La seconde relate le voyage éprouvant de Souley, un jeune Malien qui a décidé de faire l’aventure et doit arriver en France avant ses dix-huit ans.
Ce livre propose d’aller à la rencontre de jeunes filles et garçons malmenés par l’exil et le labyrinthe administratif français, mais qui parviennent petit à petit à se reconstruire, à sourire et danser, à être pénibles et idiots comme des adolescents, à ne plus avoir peur. À vivre au lieu de survivre.
Rozenn Le Berre est née en 1988. Après des études à Sciences Po Toulouse, elle s’oriente vers le travail social et le journalisme. De rêves et de papiers est son premier livre.
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Après un master en sociologie du genre et des discriminations à Sciences Po Toulouse, Rozenn Le Berre s'oriente vers le travail social. Elle est tour à tour stagiaire à la fondation Danielle Mitterrand, coordinatrice de projet dans un centre social, journaliste indépendante, assistante d'éducation en lycée, puis éducatrice dans une structure d'accueil pour les mineurs isolés étrangers (MIE). Parallèlement à ses études, elle s'implique dans diverses associations, telles que Réseau Universités Sans Frontières et le Genepi. Plus tard, elle co-créé l'association Aradoc au sein de laquelle elle tourne un court-métrage documentaire et anime des ateliers autour de l'engagement social en structures scolaires. Elle intervient également deux jours par semaine sur la jungle de Calais auprès de Médecins du Monde, durant un an. Son premier livre, De rêves et de papiers, récit de son expérience d'éducatrice auprès des MIE, paraîtra le 12 janvier 2017 aux éditions La Découverte.
Les mineurs isolés étrangers (MIE) semblent concentrer la plupart des indicateurs de précarité : économique, sociale, psychologique, etc. Je rajouterai à cela d'autres formes de précarité, relevant ici de la responsabilité des institutions : la précarité administrative, leur situation pouvant basculer à tout moment par la décision sur l'accord ou non de ce statut, et la précarité des conditions de leur accueil en France. Par le récit de la vie quotidienne dans mon service, en racontant les grands désespoirs mais aussi les immenses victoires auxquelles j'ai été confrontée, j'essaierai d'apporter des billes de réflexion pour appréhender le rôle du travailleur social et de la travailleuse sociale dans ce combat contre la précarité. Je proposerai ensuite de retourner le miroir, pour m'intéresser à la précarité du travailleur social. Manque de personnel, absence de pause et de salle de pause, heures supplémentaires non récupérées, risques psycho-sociaux non considérés... La liste des entraves au droit du travail, pour les salarié·e·s du secteur social, est souvent longue. Et pourtant, peu de revendications émergent. Moi-même, j'ai rarement protesté. Quand les voix des travailleurs sociaux et travailleuses sociales s'élèvent, c'est pour dénoncer l'accueil déplorable réservé aux personnes accueillies, pas les conditions de travail. Pourquoi, nous les travailleurs sociaux, acceptons-nous si facilement notre propre précarité ? Finalement, ne sommes-nous pas tous et toutes, travailleurs sociaux, travailleuses sociales comme public accueilli, en équilibre précaire ?
Extrait de la pièce de théâtre en préparation, adaptée du livre De rêves et de papiers.
« J'aurais pu me construire une armure d'acier, épaissir mon blindage pour que les mots des jeunes ne me bousculent plus. J'aurais alors été constamment droite et ferme, je n'aurais plus pris le risque de basculer dans le vide à chaque fois que soufflait un vent mauvais. J'aurais respecté le fameux dogme du travailleur social : la nécessité d'être blindé. Mais en étais-je vraiment capable ? Et si je n'avais plus la boule au ventre quand j'annonçais une expulsion, le cœur qui battait un peu plus vite quand j'attendais une décision pour un jeune, ou les zygomatiques qui se tendaient quand j'apprenais une bonne nouvelle, aurais-je alors été compétente pour ce travail ? »
sources : Haute Ecole de Travail social - HETS - Genève