OXFAM France - 14/06/2018
Nulle part où aller
L'échec de la France et de l'Italie à accueillir les réfugié.e.s et autres migrant.e.s échoué.e.s à la frontière vers Vintimille
Des hommes, des femmes et des enfants sont évincés du système d'asile italien qui ne parvient pas à répondre à leurs besoins élémentaires en matière de sécurité, d'information et d'éducation. De l'autre côté de la frontière, la police française maltraite les mineur-e-s et les renvoie en Italie en violation de la législation française et européenne. Piégées, des centaines de personnes sont dans l'incapacité de bénéficier d'un soutien quelconque.
RÉSUMÉ
(résumé complet, avec les recommandations de l'association téléchargeable en suivant le lien ci-dessus)
Quelque 16 500 réfugié-e-s et autres migrant-e-s 1 ont transité par et autour de Vintimille, une petite ville italienne située à 7 km de la frontière avec la France. Les mineur-e-s isolé-e-s représentent un quart de la population migrante. La majorité des personnes transitant par Vintimille ont été évincées du système d'asile italien, submergé par un grand nombre de demandes. Bon nombre de ces personnes espèrent rejoindre un membre de leur famille dans un autre État membre de l'UE. D'autres, lassé-e-s d'attendre qu'une décision soit prise suite à leur demande (après parfois plus d'un an d'attente), en ont assez de ne pas pouvoir travailler ni accéder à l'éducation. Sur les quatre premiers mois de 2018, 4 000 personnes seraient arrivées dans la petite ville, selon des bénévoles.
Depuis que la France a renforcé les contrôles à la frontière en 2015, des milliers de personnes se retrouvent bloquées à Vintimille sans aide adéquate ni accès aux services de base. Des centaines de réfugié-e-s et autre migrant-e-s dorment sous un viaduc, sans accès à l'eau potable, sans abri ni chauffage. Le camp de la Roja, le camp officiel installé en dehors de la ville, n'est pas en mesure de répondre à leurs besoins. Le manque d’informations claires, la présence oppressante de la police à l’entrée du camp et la prise obligatoire des empreintes digitales en dissuadent beaucoup de rester.
Oxfam intervient à Vintimille, à la frontière franco-italienne, depuis août 2017. Avec l'ONG italienne Diaconia Valdese, elle gère le programme OpenEurope qui vise à fournir conseils juridiques, informations et soutien matériel aux réfugié-e-s et autres migrant-e-s qui ont été évincé-e-s du système d'asile italien.
À l'heure actuelle, l'équipe OpenEurope est venue en aide à près de 750 personnes, dont 150 mineur-e-s isolé-e-s âgé-e-s de 11 à 17 ans.
Souvent, les enfants s'enfuient des centres d'accueil qui les hébergent en Italie, car ils ne bénéficient pas des services adaptés à leur âge ni à leurs vulnérabilités spécifiques. À Vintimille, alors qu’ils veulent avancer, ils sont abandonné-e-s par les autorités et font face à un avenir incertain.
71 % des bénéficiaires du programme OpenEurope ont entre 18 et 30 ans. La plupart sont des hommes, à 'image de la majorité des personnes qui migrent vers l'Italie ou transitent par le pays. Toutefois, d'après les témoignages des partenaires d'Oxfam, le nombre de femmes (notamment de femmes seules) a considérablement augmenté ces derniers mois. D'après ces acteurs proposant une aide, les femmes qui transitent par Vintimille sont très exposées au trafic. Il n'existe pas de service ni de logement répondant spécifiquement à leurs besoins, ce qui les rend vulnérables.
44 % des bénéficiaires sont originaires du Soudan et 11 % de l'Érythrée, deux pays où les droits humains font l'objet de graves violations. 55 % des demandeurs et demandeuses d'asile soudanais-e-s et environ 90 % des demandeurs et demandeuses d'asile érythréen-ne-s obtiennent le statut de réfugié-e-s au sein de l'UE. Les bénéficiaires restant-e-s (45 %) proviennent de divers pays, notamment la Syrie, l'Afghanistan, le Bangladesh, le Maroc et le Nigeria.
Au travers des entretiens et de l'intervention d'Oxfam à Vintimille, il ne fait aucun doute que les autorités françaises expulsent celles et ceux qui tentent de traverser la frontière. La principale source de préoccupation concerne le sort des mineur-e-s isolé-e-s, dont certain-e-s ont dû fuir la torture alors qu'ils/elles transitaient par la Libye. Ils/elles signalent souvent des cas de maltraitance de la part de la police française alors qu'ils/elles tentaient de traverser la frontière et sont fréquemment victimes de détention arbitraire, en violation de la législation française, européenne et d’autres législations internationales.
« La police française ne respecte pas le droit international. Railleries et maltraitance sont monnaie courante... Certains enfants ont vu leurs semelles de chaussures découpées avant d'être renvoyés en Italie », rapporte Chiara Romagno, responsable du programme OpenEurope d'Oxfam à Vintimille.
« J'ai tenté de traverser la frontière ce matin. Nous étions deux. La police nous a fait descendre du train en nous bousculant et en nous hurlant dessus. Elle nous a ensuite embarqués dans un fourgon sur le parking de la gare. On nous a donné un document (refus d'entrée) dans le fourgon, puis nous avons dû monter dans un autre train en partance pour l'Italie, sans autre explication », témoigne Michael, 15 ans et originaire du Darfour au Soudan.
Le Tribunal administratif de Nice a déjà reconnu des violations des garanties prévues dans la loi et le caractère illégal du comportement des autorités frontalières dans 20 cas impliquant des enfants
Il convient toutefois de redoubler d'efforts, car le renvoi des mineur-e-s isolé-e-s (et d'autres) est toujours d'actualité. À Vintimille, aucune disposition n'est prise pour prendre en charge les enfants ainsi renvoyé-e-s. À leur descente du train, ils/elles sont laissé-e-s pour compte.
Les personnes exclues des mécanismes d'accueil officiels en Italie sont particulièrement vulnérables, indépendamment des raisons de leur situation. Ces femmes, ces filles, ces hommes, ces garçons et ces familles avec des enfants en bas âge n'ont pas accès aux services ni aux informations requises pour faire valoir leurs droits. Nombre d’entre eux ont confié à Oxfam ne pas avoir une réelle opportunité de demander l'asile. Il arrive qu'elles ne reçoivent pas les bonnes informations sur le processus et ne connaissent pas leurs droits. Certaines préfèrent ne pas demander asile en Italie, car elles estiment avoir plus de chances de s'intégrer en s'appuyant sur des proches et un soutien communautaire ailleurs en Europe.
 
                 
             
            