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« Si vous comptez me ramener en Libye, je saute du bateau. » Cette phrase montre ce que ressentent presque tous les migrants. Quand ils se sont remis du choc de la mer, la seule chose dont ils parlent, c’est la Libye. La Libye représente l’enfer absolu pour eux. Ils nous parlent des tabassages, des vols à main armée ou des viols à l’égard des Noirs commis tous les jours. Ils nous disent aussi que beaucoup de Libyens sont extrêmement racistes envers les Africains sub-sahariens, qu’ils appellent les « animaux noirs », et qu’ils les traitent comme des « sous-hommes ». Selon leurs témoignages, tout le monde est armé dans le pays, même les enfants portent un revolver. Ils s’amusent à tirer sur des personnes noires dans la rue au hasard. « N’importe qui peut nous aborder pour nous prendre notre argent. Et si on n’a pas d’argent sur nous, ils nous tabassent ou nous tirent dessus. Des enfants de dix ans nous harcèlent, nous insultent, et si on ose répondre ou même les regarder, on a de la chance s’ils ne tirent que dans les jambes »,
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En ce qui concerne les femmes, le viol et le trafic d’êtres humains est généralisé.
 Au cours de notre dernier sauvetage, nos équipes ont repéré plusieurs victimes de viols commis en Libye. De nombreuses femmes ont appris des médecins à bord de notre bateau qu’elles étaient enceintes. La Libye est un pays de transit important de la traite des femmes vers l’Europe. Le procédé est très complexe. Des trafiquants recrutent des maquerelles dans le pays d’origine (principalement le Nigéria) pour qu’elles amènent des filles en Europe. Certaines filles connaissent la nature du travail qu’elles vont venir y faire, mais aucune n’a conscience des difficultés qui l’attendent. D’autres ont été attirées par la fausse promesse de travailler dans la mode. Pour beaucoup d’entre elles, il s’agit de l’unique chance d’échapper à la pauvreté extrême de leur pays de naissance et d’aider leurs familles à survivre. Les maquerelles et leurs nouvelles recrues effectuent le voyage ensemble et prononcent un serment de silence basé sur des superstitions locales. C’est la raison pour laquelle elles parlent rarement de ce qu’elles ont subi. En Libye, de nombreuses filles sont kidnappées par des trafiquants Libyens, qui les forcent ensuite à travailler dans des maisons closes. Les Libyens les exploitent tout comme ils exploitent les hommes en les forçant à travailler sans salaire.
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En dépit de toutes les souffrances que ces individus ont subies, l’ambiance à bord de l’Aquarius est une source d’inspiration. Toutes ces personnes se respectent et s’aident mutuellement, les plus forts prennent soin des plus affaiblis, tout le monde se montre amical et chaleureux et, après s’être remis du choc, certains chantent et dansent. Les différences d’origines et de religions sont nombreuses et pourtant, il est rare de les voir se disputer. Le temps passé ensemble durant la traversée vers l’Italie constitue les meilleurs moments de ce terrible voyage, et dire au revoir vous laisse toujours le cœur lourd. »