Traduction par mes soins d'un billet Erri de Luca : Il sosia di un giorno sur le blog de sa fondation, daté du 26 mars 2015
Le 22 mars 2015 est absent de ma mémoire.
Il m'en reste quelques bribes à son terme depuis un lit d’hôpital. J'ai été frappé par une amnésie totale, simultanée à un malaise physique. D'autres m'ont rapporté ces heures agitées qui ont culminé avec un hélicoptère qui me déposait sur le toit de l’hôpital de Latina. D'autres m'ont informés des détails.
C'est ainsi que je me trouve dans mon souvenir qu'eux m'ont raconté. C'est le contraire de ce que je fais avec l'écriture, dans laquelle je prends un souvenir et je le raconte aux autres, aussi qu'à ceux qui y étaient dans cet épisode et qui l'ont oublié.
Dans cette journée manquante je suis le personnage d'une histoire que je ne connais pas, recueillie par d'autres qui parlent de moi, qui pourtant est un autre. Ils pourraient inventer, ajouter des variantes, je ne pourrais le démentir. J'étais là mais je n'étais pas moi. Je ne sais rien de cet autre, le sosie d'un dimanche de mars.
Le jour suivant à l’hôpital un médecin m'a demandé si je le reconnaissais. Il était de garde aux urgences : non je ne le reconnais pas. Il m'a posé des questions auxquelles j'ai répondu ponctuellement. Le sosie était encore présent. Il pouvait profiter de l'occasion, accomplir des actions répréhensibles, usurpant l'immunité de l'amnésique. Il ne l'a pas fait.
C'était un sosie respectueux, plus que moi. Il n'aurait pas été inculpé pour incitation.*
* ndrl : « avoir …/… incité publiquement à commettre un ou plusieurs délits et infractions aux dépends de la société LTF SAS et du chantier TAV LTF situé à La Maddalena di Chiomonte (To), zone d'intérêt stratégique national, aux termes de l'article 19 de la loi n° 183/112 »