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L'Invité des Matins (France Culture) : Jacques Toubon

On est dans une politique qui assume de refuser l'application des droits fondamentaux - On traite les migrants comme une pathologie, ce n'est pas une pathologie, c'est le mode de fonctionnement du monde aujourd'hui et il faut que l'Europe en tienne compte.

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L'Invité des Matins (France Culture) par Guillaume Erner, le 26 juin 2017

Je reproduis ci-dessous - avec un sentiment de reconnaissance et de respect envers Monsieur Toubon de part la manière dont il a investi la fonction de Défenseur des Droits - la quasi intégralité des échanges entre Guillaume Erner et Jacques Toubon en seconde partie d'émission (à partir de 11'25) durant laquelle ils ont abordé la situation des migrants, particulièrement à Calais.

Émission à écouter intégralement (19') sur le site de France Culture en suivant le lien ci-dessus.

G.E. : Vous avez fait part de votre inquiétude pour la situation des migrants, vous avez considéré notamment que pour Calais il y avait une situation exceptionnellement grave. Quelles sont les priorités selon vous pour l'accueil de ces migrants.

J.T. : Vous savez, c'est plus que des inquiétudes ! Ce que j'ai fait c'est que j'ai envoyé le 12 juin je crois sur place une mission composée d'experts de ces questions, d'expertes de ces questions et qui sont revenu(e)s en nous disant que pour ce qui est de la mise en œuvre des droits fondamentaux de ces personnes la situation était d'une gravité inédite et sans précédents, que … certains disent on revient à la situation du début des années 2000, mais peut-être que c'est encore pire par ce que aujourd'hui par exemple il y a quelque chose qui se passe à Calais ou en tout cas qui se passait jusqu'à la fin de la semaine dernière, c'est que tout est fait pour que les personnes qui sont là – qui doivent être six ou sept cent, hommes, femmes, enfants - soient privés de nourriture et de boisson et j'ai entendu le ministre de l'intérieur Gérard Collomb – qui par ailleurs je crois est un homme qui a des idées humanistes – j'ai entendu le ministre de l'intérieur dire « nous en viendrons à bout », j'ai entendu la représentante du Préfet du Pas-de- Calais à l'audience devant le tribunal administratif de Lille – qui va d’ailleurs donner sa décision aujourd'hui – dire que « on supprime toutes les incitations qui pourraient faire en sorte que les personnes viennent à Calais ». Mais incitation ça veux dire : leur donner un abri, leur donner à boire et à manger, qu'elles y protégées, qu'elles ne soient pas maltraitées, ne soient pas exploitées sexuellement, ça veux dire tout simplement que on est dans une politique qui assume de refuser l'application des droits fondamentaux à ces personnes, mais ce qui veux dire à d'autres aussi, alors que je rappelle que ces droits fondamentaux sont universels et d’application inconditionnelle.

Voilà simplement ce que j'ai dit, donc ça va au-delà des inquiétudes et ce que j'ai dit simplement c'est que j'ai fait une recommandation la semaine dernière après avoir donc poussé un cri d'alarme et je dis par exemple qu'il faut mettre en place des systèmes pour que ces personnes soient protégées, pas nécessairement un centre d'accueil mais quelque chose qui permette qu'ils soient mis à l'abri.

…/…

G.E. : Mais comment s'en sortir au-delà …/… sans centre d'accueil ?

…/…

J.T. : Il faut s'en sortir en ne recommençant pas l'éternel histoire qui est produite inévitablement inéluctablement par les politiques de maîtrise des flux migratoires qui veulent dire : je fais des murs, je fais des grillages, je fais des contrôles …

…/...

G.E. : Ce que vous décrivez là Jacques Toubon c'est très important mais c'est la situation générale, mais sur le plan local il y a énormément de souffrance humaine réunie à Calais, que faire alors ?

J.T. : Sur le plan local la réponse elle est dans l'histoire.

A la fin des années quatre-vingt-dix on ouvre un centre – en fait on transforme un hangar (????) à Sangatte. Arrive le début des années 2000 le ministre de l'intérieur en particulier décide que ce n'est plus possible - parce qu'il y a trop de personnes et cetera.

On détruit Sangatte – On disperse.

Au début des années 2010, 2013/2014 la situation devient totalement insupportable, en particulier au centre de Calais. Les personnes qui sont là, plusieurs milliers, squattent, sont partout et cetera … Les autorités locales, les autorité de l'état disent : ça n'est plus possible.

…/...

On commence à mettre en place ce qu'on appelle « le camp de la Lande » -qu'on a appelé « journalistiquement » la jungle mais ce n'est pas du tout ça, la jungle c'était les bois dans lesquels on était dans les années 2002/2003 – le camp de la Lande qui commence à s'organiser et le 6 octobre 2015 le défenseur des droits après avoir fait dans l'été 2015 trois visites successives, trois inspections successives, dit : la manière dont ça se passe est absolument indigne et contraire aux droits de l'homme. Le tribunal administratif de Lille en novembre 2015 donne raison à ce que j'ai dit et aux associations qui l'avaient saisi. A partir de là, le gouvernement – c'était à l'époque Monsieur Cazeneuve qui était ministre de l'intérieur – est obligé de faire en matière d'accès à la santé, en matière de point d'eau, en matière d'hébergement, un certain nombre d'efforts et on crée un centre avec des containers permettant d'accueillir des 1500 personnes, ont crée un centre – c'était un centre de loisir qu'on transforme – pour les femmes et pour les enfants, de manière à les protéger, 400 personnes et cetera … et dans l'année et dans l'année -fin 2015 et dans l'année 2016 – on commence on commence aussi à ouvrir les possibilités de demander l'asile : permanence à la sous-préfecture de Calais pour le faire. On était dans une situation qui n'était pas du tout normale mais dans laquelle il y avait un certain nombre de droits qui par la puissance publique étaient réalisés et en particulier une ouverture sur le droit d'asile.

Arrive l'automne 2016. Pression électorale, de tous les côtés. Qu'est-ce qu'on dit : on va démanteler le camps de la Lande qui est trop grand, qui est insupportable et cetera. Et effectivement le 19 octobre 2016 on démantèle le camps, on disperse la plupart des personnes dans des Centres d'Accueil et d'Orientation ailleurs, des colonies de vacances d'EDF, d'autres centres qui ont été ouverts par des associations.

Pendant six mois à peu près les choses semble devoir se passer normalement, encore que par exemple, bien sur, les procédures de droits d'asile sont aujourd'hui très largement interrompues.

Et aujourd'hui on se retrouve dans la situation où des personnes reviennent à Calais, soit elles viennent des CAO soit elles viennent directement d'Italie ou d'ailleurs … et on dit « pas de point de fixation » « pas d’abcès de fixation ». On traite les migrants comme une pathologie, ce n'est pas une pathologie, c'est le mode de fonctionnement du monde aujourd'hui et il faut que l'Europe en tienne compte.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.