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Billet de blog 21 octobre 2015

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En attendant l'An 01 du Rugby Français

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La déroute de l'équipe de France de rugby contre les All-Blacks de Nouvelle Zélande en 1/4 de finale de Coupe du Monde était attendue par de nombreux observateurs tant cette équipe fut triste et sans âme ces dernières années.

Les retournements de vestes, souvent opportunistes, critiquant soudainement Philippe Saint-André, la formation ou encore l'autoproclamé « Meilleur Championnat du Monde » et demandant « qu'on se pose les bonnes questions » sont nombreux depuis samedi dernier. Cela vient de tant d'horizons (journalistes dithyrambiques il y a peu, dirigeants crachant dans la soupe pour ne pas être pris dans le tourbillon ou cherchant un nouveau poste, joueurs - ou anciens joueurs - cherchant à ménager leur carrière, …) que l'on pourrait presque croire qu'une révolution est en marche.

Que nenni, n'ayez pas peur braves gens, aucun risque. Si vous savez lire entre les lignes cela en est même risible quand les critiques viennent de personnes qui sont ou ont été en capacité, de par leurs fonctions, de remédier à certaines dérives au lieu de les entériner et les renforcer depuis des annéesi.

La longue liste des problèmes du rugby français est connue depuis bien longtemps par tout amateur un tant soit peu éclairé. Nul besoin de s'appesantir de réunions en réunions pour les identifier, comme semblent nous le faire croire les instances dirigeantes ces jours ci. Même à les considérer comme profondément incompétents, il aurait fallu qu'il s'agisse d'une armée d'Hibernatus pour que les dirigeants du rugby français ait vraiment besoin de chercher les raisons du fiasco.

Une partie de ces problèmes, sans que la liste soit exhaustive, avait été développée ici-même il y a plus de trois ansii. Rien de nouveau donc. Tout juste est-il possible d'y ajouter l'incompétence d'un staff qui n'a su donner à l'équipe ni l'envie de se sublimer, ni un fond de jeu digne du rugby international du XXIe siècle. A ce niveau, il s'agit d'une faute professionnelle d'une incompétence crasse de penser que les bases du jeu (telles que le combat) en sont les finalités.

Il se trouve juste que jusqu'à maintenant, de faux semblant en faux semblant, et de miracle en miracle (aka le fameux French Flair, rebaptisé French Chatte© par quelques trublions opportunément cachés derrière leurs écrans), le temps de s'attaquer réellement aux problèmes était sans cesse repoussé, grâce à (à cause de diront les esprits chafouins) la baraka du rugby français. Jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

N'y avait-il pas eu cette finale de Coupe du Monde perdue d'un point en 2011, malgré une défaite en poules face aux Tonga (trop) vite qualifiée d'accident ? Ou cette demi-finale de 2007 atteinte, après une déroute inaugurale contre l'Argentine, grâce à une victoire miraculeuse en quart contre nos bourreaux de samedi, qui devait plus à l'arrogance des néo-zélandais et à un arbitrage complaisant qu'aux qualités intrinsèques de nos joueurs ?

Déjà, en 1999, grâce à la folie de quelques joueurs – et probablement à l'absence d'arbitrage video - et à la réussite insolente d'une équipe qui osait et savait jouer, l'équipe de France avait su rendre les All-Blacks impuissants et propulser les français dans une finale inespérée après une Coupe du Monde très moyenne. Finale ratée, mais qui évitera de se pencher sérieusement sur les problèmes que le professionnalisme naissantiii faisait peser sur un système déjà sclérosé, fait d'entre-soi, de clientélisme et d'agapes régulières permettant de ne poser que des cautères sur les jambes de bois du rugby professionnel français, dont les seuls éclats vivants étaient le fait de soubresauts individuels.

Les problèmes ne sont donc pas nouveaux, et les quelques petites solutions apportées ici et là n'ont en général servi qu'à renforcer quelques intérêts particuliers, plutôt que d'oeuvrer pour le collectif et l'intérêt général.

Il serait prétentieux de prétendre avoir les solutions. Existent-elles, d'ailleurs, tant que intérêts personnels et locaux, bulle économique ovale – qui pousse toutes les solutions à être obligatoirement basées sur l'argent - et conservatisme de IIIe République mâtiné de néo-libéralisme individualiste seront à l'oeuvre et refuseront de cohabiter et de réfléchir à long terme ?

Tant est qu'il y ait une solution, on ne résout pas 45 ans de traditions autocratiques et 20 ans de gabegie d'un claquement de doigts. D'autant moins en restant aussi peu transparents et auto-centrés que des instances qui semblent n'avoir pas évoluées depuis les années 1950 (bien que la Ligue n'ait que 20 d'existence).

Est-il pour autant besoin de continuer à se regarder le nombril en attendant le prochain miracle ? Il est à craindre que le changement ne soit pas pour tout de suite, les esprits étant aujourd'hui plus tournés vers les élections à la présidence de la FFR qui auront lieu l'an prochain, ou vers la protection de ses propres intérêts – c'est à dire ceux des clubs professionnels. Tout au plus pourrait-on espérer qu'une liste se présente à la présidence avec de vraies réponses.

Comment croire à un hypothétique changement profond quand personne ne semble privilégier l'intérêt général ? Faudra-t-il que la bulle économique explose pour que l'on puisse travailler – trop tardivement - à construire un système professionnel viable (qui passerait probablement par des franchises régionales jouant la Coupe d'Europe et limitant le nombre de matchs pour les meilleurs joueurs) ?

C'est à craindre tant le système Camou ressemble à un Ferrassismeiv vieillot, conservatisme rassurant dont le centre névralgique (si on peut parler de nerf concernant les instances actuelles) aurait glissé d'Agen vers le Pays Basque, tandis que les représentants du rugby professionnels ne jurent que par le profit à court terme.

A court terme, il est cependant quelque chose qui peut être fait au niveau de l'Equipe de France. Oh, certes, cela ne résoudra pas les problèmes de fond et ne serait en rien une sorte d'An 01 du rugby français pouvant faire espérer un avenir radieux de victoire en Coupe du Monde, ou au Jeux Olympiques pour le Rugby à 7.

Cela ne changera rien au fait que le nouveau sélectionneur, Guy Novès, a été choisi dans l'absence de transparence la plus complète.

Ni que ce choix se soit porté sur un garant du système pour des raisons probablement plus proches de la basse politique, que de l'intérêt de l'Equipe de France.

Que tous ceux qui l'ont approché professionnellement ces dernières années le disent dépassé est des plus inquiétant mais illustre combien ceux qui l'ont choisi le sont aussi. En revanche ce fut un grand meneur d'homme. Si il l'est toujours, il devrait être capable de répondre à l'urgence première qui est de redonner une âme à cette équipe, de redonner envie aux spectateurs et supporters de la suivre, de l'accompagner, de la soutenir.

Cela passera par le jeu. Quitte à perdre, peu importe. Mais avec la manière.

Malgré des problèmes évidents de formation, le vivier est tel, en France, qu'il est probablement encore possible d'avoir une équipe enthousiasmante.

Si les dirigeants du rugby français ne devaient décider que d'une chose pour répondre à la crise actuelle, cela devrait être de donner mandat à Guy Novès de redonner plaisir aux joueurs et aux spectateurs. Que le rugby français flamboie de nouveau sur le terrain. Malgré les problèmes politiques. Même si c'est par à-coups et ne vise en rien le long terme.

De grâce sortons de cette arrogance française et de notre capacité de transformer l'or en merde, telle des anti-alchimistes scatologiques. Le rugby français crève de son entre-soi et de sa similitude avec cette France anxiogène, triste, neurasthénique, dont la classe dirigeante est vieille et cophrophage, et dont la seule alternative politique est un populisme conservateur au profit de quelques intérêts particuliers.

En attendant des jours meilleurs, mettons l'imagination au pouvoir sur le terrain, et Messieurs les joueurs, faites nous rêver s'il vous plait.

iA ce titre le communiqué de Presse de la Ligue Nationale de Rugby publié le 21 Octobre (http://www.lnr.fr/sites/default/files/cp_lnr_-_situation_de_lequipe_de_france.pdf), monument de langue de bois cherchant à dédouaner la ligue et les clubs pros qu'elle représente de toute responsabilité tout en accusant les autres, est un modèle du genre.

iiIci : http://blogs.mediapart.fr/blog/eulche/180612/et-dans-le-rugby-francais-le-changement-cest-maintenant

iiiLa Coupe du Monde 1999 était la première de l'ère professionnelle débutée en 1995.

iv Sorte de Gaullisme Ovalien, paradoxalement né en 1968

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