Monsieur le Président,
Tout d’abord, je vais vous dire d’où je vous parle.
Je n’adhère à aucun parti politique, je ne suis engagé dans aucun mouvement, je n’ai pas d’intérêts à défendre, je ne défends plus aucune cause bien que beaucoup me tiennent à cœur, je ne cherche rien, ne suis candidat à rien, ne revendique rien. Je n’ai pas d’obédience ni famille de pensée, je ne prétends à rien.
J’ai 59 ans, je n’appartiens qu’aux miens et à moi (j’entends par « miens », ma famille, mes amis, mes proches, tous ceux que j’aime d’une manière ou d’une autre ou que je pourrais aimer)... Sur une ligne imaginaire qui irait de l’extrême droite à l’extrême gauche, je me situe à gauche et, selon les sujets, j’oscille entre la gauche raisonnable et la gauche farouche.
Je ne sais par où commencer tant les sujets sont nombreux et d’importance... Allons, débutons par ce que m’inspire ce que vous donnez à voir de votre personne. Au début de votre mandat, flatté sans doute par mon goût pour le lyrisme et le souffle de l’histoire, j’ai pu espérer que vos actes se mettent à l’unisson de vos discours, que votre verve et votre fougue soient les hérauts d’un pouvoir tenu du peuple et rendu à ce peuple. Votre âge m’indifférait, je veux dire qu’il n’entrait pas dans mes éléments de jugement. J’étais disposé à l’oublier pour peu que vos actions n’en portent pas l’empreinte.
Je connaissais, comme chacun, votre parcours, d’où vous veniez, et bien que s’attachaient à votre curriculum des parfums de privilège et de bourgeoisie repue, j’admettais comme possible que vous le transcendiez. Ce mandat que vous teniez par défaut - la partie légalement suffisante du peuple qui vous a élu n’a voulu qu’écarter votre très détestable adversaire - je pensais que vous l’utiliseriez aux fins du peuple. Mais, comme tant de vos prédécesseurs, dans l’histoire récente comme dans l’ancienne, vous avez pris une confiance fragile pour un blanc seing.
Enfin, vous n’étiez pas le premier et ne serez malheureusement pas le dernier à croire que vous aviez un destin puisque vous étiez élevé aux plus hautes charges. Très rapidement, ainsi qu’on a pu le dire d’un George Marchais (qui cependant me semblait sincère) vous êtes devenu votre propre caricature.
Avez-vous et pensez-vous encore que vous êtes l’État, que vous êtes la France ? Croyez-vous qu’humilier un jeune garçon qui vous appelait « Manu » a pu contribuer à restaurer l’image de votre fonction ? Ce que j’ai pu porter à votre crédit est vite passé au débit. Bien avant la « crise sanitaire » que nous traversons, ma confiance s’est émoussée, pas ma confiance en vous, la confiance dans ce que vous pouviez devenir !
Mais, pour devenir, il faut avoir été... Et qu’avez-vous été ? Rien ou presque, un aisé qui a fait les bons choix, un « Kerviel chanceux », un traitre vernis. Me revient l’adresse d’un insurgé devant ses juges : « Qui sont vos complices, demandent les juges ? Vous ! Si j’avais réussi, réponds l’insurgé ! ». Et vous avez réussi ! Aussi les juges, et leur bras armés, sont-ils devenus vos affidés. Pour achever ce propos, je résume en disant que vous pouviez être grand et que vous avez choisi d’être fort ou, du moins, de le paraître...
Car la force, Monsieur, dans votre état, ne peut se contenter de rodomontades pas plus que d’imprécations, il faut une âme et vous me paraissez n’être qu’une voix, qu’un visage, qu’un tronc.
Votre détermination à abolir ce que vous appelez (vous n’êtes pas le seul) « le clivage Droite-Gauche » pouvait passer pour une ouverture d’esprit, une « liberté de penser » (pardonnez-moi cette référence). C’eût pu être la cas si vous aviez en même temps repensé vos systèmes de valeur, si vous aviez considéré que l’argent n’est pas une langue et que, par conséquence, vous ne pouviez pas parler en euros, fusse dans un jargon populaire (pognon de dingue...).
En établissant votre gouvernement, vous pouviez aérer, vous avez débauché. De braves gens se mêlaient aux professionnels, se piquaient de politique et cherchaient un levier pour faire des actes de leurs pensées, qu’importe l’étiquette, le passé, les convictions à renier, l’homme qu’il fallait suivre. Quoi qui leur en coûte pourvu qu’ils soient nommés ou élus, du moins c’est ce qui me parait.
Il n’y avait donc plus ni droite ni gauche, (plus de pays hémiplégique diriez-vous), et que subsistait-il ? Rien je crois, sauf la loi des marchés puisque vous aviez même phagocyté la droite extrême en chargeant de tous les maux des migrants qui se noyaient et en faisant tirer sur des gens qui cherchaient à vivre un peu mieux .
Vous êtes donc seul, ne représentez que vous et vos suiveurs, votre caste de privilégiés. Savez-vous que l’empathie feinte dont vous inondez vos allocutions frappe comme une insulte à l’intelligence et au bon sens ? L’intensité d’un regard ne se confond pas avec une vision et le votre me semble issu d’une télé-réalité avec ses plans rapprochés essayant de capturer un peu d’humanité au milieu d’une scène scénarisée à outrance et qui s’échine à « faire vrai ». On ne réussi jamais à « faire vrai », Monsieur !
Je vais passer sur toutes les errances de vos gouvernements, elles ne sont ni pires ni plus indignes que beaucoup avant elles.
Venons-en à l’apparition de la pandémie qui occupe aujourd’hui la planète entière (ou peu s’en faut), et toujours sur la base de mon ressenti. Au début, c’était une affaire chinoise, autant dire que ce n’était pas une affaire : quelques centaines de morts dans un pays aussi peuplé n’alertaient en rien, du moins c’est ce que vos communicants (au premier rang desquels votre porte parole) ont fait comprendre. - Petit aparté sur cette personne : si vraiment elle porte votre parole et celle de votre gouvernement, vous êtes en état de mort cérébrale-. Passons, vous avez besoin d’un paratonnerre et elle est toute disposée à prendre la foudre à votre place, ça la regarde.
Ce qui m’a troublé lorsque l’épidémie a commencé ces ravages chez nous, c’est que vous êtes passé sans vergogne d’un mépris affiché pour le monde médical à l’érection de statues pour qui portait une blouse blanche. Vous êtes passé de la matraque au goupillon aussi aisément que certains de vos ministres sont passés de la gauche historique à la droite dure.
Sans doute ne vous est-il pas venu à l’esprit que cette volte-face n’effaçait rien, que dans l’admirable foule des soignants qui continuent à soigner sans protection, sans moyen d’aucune sorte, se confine aussi la colère. Ils sont trop affairés, cette colère diffère son explosion ou bien, à la fin, ils seront trop fatigués et prendront du repos (ce serait votre très provisoire salut). J’en viens à penser que si votre inconséquence était un test sanguin, si votre arrogance était un respirateur artificiel et vos mensonges des masques, jamais nous n’aurions été confinés.
Vous dites avoir pris la mesure de ce drame, vous dites qu’il vous a changé, que rien ne sera comme avant, que vos orientations budgétaires prendront mieux en compte la santé, que le « tout financier » est derrière nous, que sais-je encore... Vous donnez à croire que vous voulez vous réformer, je crois que vous cherchez une nouvelle virginité !
Il est bien tard Monsieur, bien trop tard je le crains. Vous vouliez être de Gaulle mais pour reprendre une terrible saillie de Marie-France Garaud adressée à Jacques Chirac « Vous pensiez être du marbre dont on fait les statues, vous êtes de la faïence dont on fait les bidets ».
Vous avez raison Monsieur, rien ne sera plus comme avant et vous n’y pourrez rien, vous n’êtes pas Jupiter mais pourriez être Louis XVI. C’est la fin que je vous souhaite, en plus civilisée bien sûr. Je ne vous souhaite pas l’échafaud ni la guillotine qui feraient de vous un martyr dans le G7, je vous prédis l’infamie. Vous vouliez laissez une marque, vous laisserez une tache.