Le fils de quelqu’un.
On est tous le fils ou la fille de quelqu’un, et on atous rêvé qu’on était l’enfant de quelqu’un d’autre, voire un enfant caché ensecret, et recueilli par une famille adoptive dans laquelle on se sent, biensûr, un peu différent.
Que serais-je devenue si j’avais été l’enfant de ConradHilton ? Du Mahatma Gandhi ? De Francis Ford Coppola ou de MickJaegger ? Ma vie n’aurait-elle pas été plus facile, plus belle ?J’aurais fait des rencontres incroyables, aperçus des horizons sans fins, et,riche de tout cela plus du reste, je voguerais très certainement sur les eauxtumultueuses du succès.
Ou bien accablée par le poids de mon hérédité je seraisdevenue alcoolique, et trainerais ma dérive dans des bars d’hôtels très chicsdont je ne quitterais le strapontin que sur les demandes répétées du barman, aubras d’un homme chaque soir différent.
Mais qu’en est-il vraiment de ces petits veinards,héritiers des amours de nos gloires passées ? Afin de limiter un peu lechamps d’observation, j’aimeraisme pencher sur les enfants de nos artistes hexagonaux, lesquels envahissent peuà peu notre univers artistique :
FromGainsbourg to Lulu.
Pour commencer je ne comprends pas le titre. DeGainsbourg à Lulu : est-ce que c’est un voyage de l’univers musical dupère à celui du fils ? Est-ce que c’est un cadeau posthume du père (quiapparemment n’a pas été consulté) à son fils ? Et pourquoi enanglais ? Et puis drôle d’idée me suis-je dit de sortir un premier albumde reprises de pôpô, d’habitude les « fils de » essayent plutôt de sedémarquer, au moins au début, quand ils ne changent pas de nom. Ainsi j’étaiscurieuse, et la présence de toutes ces vedettes anglo-saxonnes ne fitqu’accroître ma curiosité (ah mais bien sûr, c’est pour ça que le titre est enanglais, il paraît que les américains découvrent Gainsbourg, ce doit être pour leur vendre).
Les reprises j’adore ça. Il y a des reprises qui sontmeilleures que les originaux, il y a d’ailleurs une très bonne reprise de l’Alcool de Gainsbourg par Arthur.H queje préfère à l’original. Tiens, voilà un « fils de », qui n’a gardé que l’initiale de son patronyme,et qui a créé un univers musical tout à fait différent de celui de son géniteur.J’ai aussi eu l’occasion il y a peu de voir sa sœur Izia chanter sur le plateaudu grand Journal et elle m’a complètement séduite : elle possède unebelle énergie, authentique, sans une once de pose ou de minauderie ; par les temps quicourent ça fait du bien. Elle non plus n’a pas gardé son patronyme quand elles’est choisi un nom de scène, et elle aussi fait une musique tout à faitdifférente de celle de son père. Comme quoi les enfants d’Higelin, ne s’en sortent bien.
Mais revenons à Lulu, et au cadeau que lui a fait sonpère, à moins que ce ne soit le contraire…
Lulu ne sait pas chanter, il a une voix ingrate et il chante faux. En soi ce n’est pas très grave, il y a des artistes comme Mathieu Boogaerts (putain encore un« fils de » !) pour qui la nature n’a pas été plus généreuse etqui s’en sortent avec une grâce infinie par un phrasé tout à fait unique etpersonnel. Non, le fait que Lulu ne puisse pas aligner trois notes n’est pas, àpriori, un obstacle. Ce qui est beaucoup plus dérangeant c’est l’absence totalede personnalité qui se dégage du tout. Les années 50 ? De la guitaremanouche. Des rythmes exotiques ? Demandons à Ayo de chanter. Là oùGainsbourg suggère, Lulu souligne, là où Gainsbourg invente à partir d’unoriginal, Lulu tente de copier ce qui a servi d’original à son père. Le disqueest surproduit, et le tout ressemble furieusement à de la musique d’ascenseur,avec de fausses bonnes idées comme cette horrible version de Sous le soleil exactement interprétée par Shane mac Gowan. Heureusement Iggy Pop réussi à donner de savoix suave et rock’n’roll une jolie cover de Initial B.B. Pas trop mal non plus l’exercice délicat de la reprisedu Requiem pour un con, en compagnie,et en grande part grâce à M. Oui, M, un « fils de » pour quil’initiale du nom était déjà trop, et qui a choisi pour nom de scène l’initialede son prénom !
Peut-être pourrait-on ainsi distinguer les « filsde » qui changent leurs noms, des « fils de » qui gardent leleur, voire qui gardent comme nom se scène le nom d’artiste de leur père, commel’immense David Halliday, ou ce jeune Lulu Gainsbourg.
Americano
Cette semaine sort sur nos écrans le premier film deMathieu Demy. Lors de sa première apparition au cinéma en tant qu’acteur (dansune comédie musicale en forme d’hommage à Jacques Demy), son charisme lui avaitvalu d’être tendrement surnommé par ma sœur : Mathieu Moitié. Pour sonpremier opus en tant que réalisateur, Mr Moitié qui s’est également donné lerôle principal y interprète Martin, personnage qu’il interprétait à huit ansdans un film réalisé par sa mèreet dont il utilise des images. Si j’ai bien compris, ce Martin, suite à la mortde sa mère, se sépare de sa femme Claire (interprétée par Chiara Mastroiani,oui oui, celle dont la maman illuminait les films de papa) et part à la recherche d’unestrip-teaseuse nommée Lola (oui Lola comme la sublime Anouk Aimée dans le filméponyme de Demy) interprétée par Salma Hayek.
Bon je n’ai pas vu le film, mais sur le papier, c’est unmélange d’auto-fiction etd’hommage à papa-maman (aujourd’hui quand on veut se sert de l’œuvre d’autrui,on lui rend hommage).
Nul doute que Libération et les Inrocks vont adorer ça,comme ils ont adorés l’album de Lulu.