Le laboratoire national Lawrence à Berkeley (LBNL) doit construire un second site sur le Richmond Field station d’ici 2016. Dirigé par l’Université de Californie, le LBNL développera la biologie de synthèse. Certains scientifiques s’opposent à ces techniques “instables” qui présentent des risques pour la population. Enquête.
Lorsqu’on travaille dans un laboratoire, mieux vaut prendre les mesures de sécurité au sérieux. Surtout lorsqu’il y a une manipulation constante de substances dangereuses, voire mortelles : « Le problème, c’est que les agents biologiques sont difficiles à traquer, puisque l’exposition n’est souvent pas visible par le travailleur qui finit par succomber d’une maladie inconnue », explique Jeremy Gruber, président du Conseil pour une génétique responsable. Ce danger menace également le public. Et depuis quelques temps, des résidents de la région de la Baie de San Francisco (qui regroupe SF, Oakland, Berkeley, Richmond et d’autres villes) sont particulièrement inquiets. L’annonce d’un nouveau projet de laboratoire de recherche sur les biocarburants en plein secteur résidentiel a fait l’effet d’une bombe.
A ce jour, la biotechnologie représente un bénéfice de 1,6 milliard de dollars dans le monde. « Il y a des milliers de chercheurs en Californie. Ils n’ont pas d’assurance maladie adaptée lorsqu’on leur refuse la worker’s compensation. Il n’y a qu’un seul médecin référent dans l’Etat. Cela pose un sérieux problème » s’indigne Steve Zeltzer, membre de la Coalition for worker’s memorial day.
« Le SRAS (Syndrome respiratoire aiguë sévère) a tué près de 800 personnes, lors de l’épidémie de 2003 en Chine. Parce que les micro-organismes synthétiques s’auto-reproduisent et ont la capacité d’évoluer, ils pourront proliférer de manière sauvage et causer des dommages pour l’environnement et, s’ils s’échappent des laboratoires de recherche ou des cellules de confinement, menacer la santé publique », dit Gruber. Et l’une des causes de cela est que les laboratoires gèrent seuls leur sécurité.
Zéro responsabilité ?
Aux Etats-Unis, les laboratoires refusent souvent de reconnaître un accident de travail chez leurs employés. Certains s’inquiètent même que le cas d’épidémie ne fasse exception à leur politique de zéro responsabilité.
David Bell raconte qu’il a été contaminé par des produits biologiques dans un laboratoire à Davis. L’indemnité de l’assurance du travail lui a été refusée par la suite. « Les scientifiques m’ont expliqué que si jamais je tombais malade, le labo ferait tout son possible pour me guérir. Je n’avais aucun doute sur leur parole, ce sont des doctorants en science. Ils sont dignes de confiance » confie-t-il. A ce jour, David a subi quatre interventions chirurgicales et il est toujours en procès pour faire reconnaître la responsabilité du labo.
Becky Mc Clain est tombée malade après avoir été exposée à un virus à Pfizer, laboratoire pharmaceutique renommé. Elle est également en procédure judiciaire suite à un déni de faute de la part de l’entreprise. Et elle a décidé d’élargir son combat aux géants de la génétique. « Lorsque je suis tombée malade, mon labo a fait preuve d’un réel manque de dignité humaine. Le laboratoire ne protège pas ses employés, tout ça n’est qu’une façade. »
L’argument écologique, douteux pour les scientifiques
«Il existe près de 50 à 100 laboratoires de biologie de synthèse, 20 dans la Région de San Francisco, nous sommes absolument concernés », déclare Jim Thomas de ETC group.
La biologie de synthèse inclut un champ d’expérimentation. Comment réagira l’environnement à la création de ces produits de synthèse ? Nnimo Bassi, président de « Action pour les droits de l’environnement » au Nigéria, pose la question : «Il s’agit de prendre connaissance d’une des propriétés de la nature. Il y a un lien entre toutes les formes de vie. La biologie de synthèse perturbe cet équilibre qui existe depuis des millions d’années. Nous ne pouvons accepter que cette entreprise se prenne pour Dieu. »
Gopal Dayaneni travaille à Mouvement génération. Apprenant que la ville de Richmond investit dans le laboratoire sur son budget environnement, il s’offusque. « Il s’agit d’un détournement de biens publics pour un profit personnel. Richmond est un très mauvais endroit pour un laboratoire de biosynthèse. Cela ira tout droit dans la Baie si nous subissons un fort tremblement de terre. » Mais le directeur du département biosciences à LBNL, Dr Kiesling, se justifie : «En cas de séisme, si nos substances échappaient à nos labos, elles ne survivraient pas dans la nature ». Mais en a-t-il la totale certitude ?