Nous avons un défaut. Un défaut récurrent : nous partons en quête d’un lieu, d’un quartier ou d’une activité dont la presse nous a vendu les mérites ou dont des amis nous ont conté les délices et en route, nous nous perdons, changeons de route ou de programme. Ce défaut n’est pas grave. Au contraire il est très enrichissant car les imprévus de nos déambulations nous font découvrir alors des coins insoupçonnés, préservés et inattendus. Et notre ballade n’est alors qu’un long détour.
Hier, nous avions prévu d’aller à la Ferme du Bonheur, “voir les moutons de Nanterre U” et mettre les mains dans la terre. J’en avais entendu parler. La troupe suivait, fidèle et pleine d’entrain. Première étape, la Ferme à côté des chapiteaux et des acrobates. Les indications de Roger, le fondateur de ce lieu utopique et ambitieux, pour rejoindre le champ de la garde sur le P.R.E. nous ont paru trop simples : “gauche gauche droite droite… un U en biais quoi”... on a fait confiance. On était voué à se perdre. Pendant 35 minutes, on a cherché, on a tendu l’oreille pour entendre leurs bêlements. Rien. Au détour de la passerelle du rer, nous sommes arrivés à la fête des pommes : une fête de quartier simple et conviviale comme il en existe dans toute la France et dont ne parle ni les médias ni les télés ni les politiques. Une fête où la mixité est une évidence, où les accents de toutes les langues fusent, où les femmes voilées de noir ou de couleurs vives indiennes côtoient les jupes courtes, les dreadlocks et les femmes âgées.
Et dans un recoin, à peine caché, un bidonville. Un petit bidonville bien entretenu de 4 caravanes, quelques baraques sur du bitume. Sous les lignes du RER. Du linge qui sèche, des enfants qui jouent au tennis contre un mur, et des femmes qui prennent le soleil. Un bidonville comme j’en cotoie tant depuis quelques années. Mais celui ci, si proche de cette fête conviviale à la gloire de la mixité sociale, m’interpelle. Entre ces familles: une grille et des blocs de ciment les séparent, est ce un hasard ? Quelqu’un a t il invité ces familles à cette fête ou doivent elles demeurer en retrait ?
Quand je m'apprête à interroger une passante avec son fils, avant même mes questions, elle m’apostrophe “ça pue hein ?”... euh oui, mais pas tant que ça… pas plus que sous les ponts de la Seine le samedi soir...
On rentre, sans se perdre. Nous étions en réalité tout proches. En 5 minutes nous aurions pu rejoindre le champ de la garde depuis la Ferme du bonheur, à condition de traverser le bidonville. Pourquoi personne ne nous l’a dit ? Est ce à ce point un non quartier ?
Finalement, on n’aura pas trouvé les moutons et on rentre en suivant leurs petites crottes.
On reviendra et on prendra le raccourci du bidonville pour être sûr de ne pas se perdre.