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Billet de blog 10 novembre 2014

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La petite maison au bord de la rivière

Il y a parfois de belles histoires. Avoir quitté Nina et sa famille sur un bidonville et la revoir chez elle, dans une coquette maison, en bord du Loing en Seine et Marne par exemple.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’avais quitté Nina sur un bidonville de l’Essonne il y a 3 ans. Depuis, ils avaient vécu dans 2 squats, 3 bidonvilles, 5 hôtels et chez des amis. Depuis ils avaient sillonné Paris, la Seine St Denis, le Val de Marne et l’Essonne. Et il y a 10 mois, sur un coup du hasard, cette maison leur a été louée contre réfection.

La maison est grande, à l’étage une chambre pour les garçons, une autre pour les filles, une pour les amis de passage. Et une grande salle de bain. Au rez de chaussée, une suite parentale, une grande pièce à vivre avec une cheminée et une cuisine. Il manque certes des radiateurs et une bonne isolation mais les rideaux sont charmants, les chambres propres. Il y a internet, la télévision, de l’eau chaude, une coupe pleine de fruits sur la table de la salle à manger et surtout des petits détails si anodins ailleurs qui ici, chez Nina, prennent une coloration particulière : un aquarium, le programme du rythme scolaire sur le frigidaire, une pile de linge à repasser, des photos sur les murs des couettes chaudes, des poules et un barbecue dans le jardin.

La vie sur le bidonville de Moulin Galant avec ses toilettes immondes, des rats gros comme des chats et ses poubelles accumulées derrière les arbres est loin derrière. La fille aînée est en stage de remise à niveau, Manuel en stage pour devenir agent de sécurité, les plus jeunes suivent une scolarisation normale et le mari de Nina travaille chez les riches bourgeois des environs. Toutes les factures ont du mal à être payées mais la famille s’accroche et se délecte de relire son bail.

Vu la distance, je m’étais faite invitée à dormir chez eux avec un ami. Nous nous retrouvons tous émus et fiers de la distance parcourue. Nina tient à que j’utilise la baignoire et que l’unique radiateur électrique de la maison surchauffe la chambre d’ami qu’ils m’ont préparée. Nous parlons de nos enfants, des bénévoles croisés, des travaux faits dans la maison qu’ils ont récupérée dans un sale état et nous partageons du café bouillant. La soirée passe doucement, me rappelant les séjours linguistiques que je faisais collégienne. Ces soirées où nous n’avons pas grand-chose à nous dire mais que nous sommes heureux de partager malgré tout. Ces soirées où la différence culturelle n’étonne plus mais dépayse avec délectation.

Au petit matin, dans la brume matinale, Nina me confie : « ici ce que je préfère c’est le silence. Le calme. Je dors des vraies nuits… ça ne m’était pas arrivée depuis des années. Et les voisins qui sont gentils. »

Avant de se quitter je demande à son mari ce que je peux lui souhaiter. Etonné, il me répond : « tu peux me souhaiter ce que l’on souhaite à tous. Maintenant, je rêve des mêmes choses que toi, que tout le monde. Que le temps passe et que je puisse regarder mes enfants vivre. Qu’ils aient une belle vie. Sans galère. » Simplement.

Il y a 3 ans, Nina mendiait sur les trottoirs de Versailles et rêvait de scolariser ses enfants. 3 ans, seulement 3 ans. Il a suffit de stabilité et de tranquilité pour que cette famille arrive à partager les rêves de "tous". Comme quoi... tout est possible avec un peu de volonté, de chance et beaucoup de persévérance.

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