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Billet de blog 26 novembre 2014

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Se cacher pour ne pas exister (Paris)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une porte de Paris. Peu importe laquelle. Bien caché entre un muret et un panneau publicitaire quelques baraques occupées par une famille roumaine, quelques adultes et 2 ou 3 enfants. Jamais je n’ai vu un bidonville aussi inaccessible et aussi caché. Aussi sale et grouillant de rats.

Deux jeunes hommes nous accueillent. Ils sont là depuis 1 an affirment-ils et n’ont vu ni association ni institution. Si la semaine précédent notre passage, quelqu’un de la Ville de Paris. Mais ni travailleur social, ni bénévole distribuant cafés, couvertures ou repas chaud, ni médecin ni infirmière. Ni militant ni dame patronnesse.

Cet isolement, ils l’ont choisi. Pour éviter de se faire repérer et donc expulser. Pour pouvoir s’insérer et gagner de l’argent. Pour vivre simplement. Les jeunes parlent bien français et un peu anglais, les baraques sont bien construites et chauffées. Ils disent avoir à manger et de l’eau.

Cet isolement, ils le subissent. Ils n’ont vu personne, les enfants ne sont pas scolarisés, ils n’ont aucune démarche engagée, aucune adresse. Aucune existence légale ou officielle.

Le soir de notre passage ils disent repartir pour les fêtes en Roumanie à la fin de la semaine, « revenez en janvier si vous voulez. » On les sent fuyants et craintifs. Je laisse mon numéro, pas convaincue. Moins d’une heure après notre départ du bidonville, mon téléphone sonne. C’est Cucu un des jeunes du bidonville. Il a réfléchi, il est prêt à tenter quelque chose. Il revient surtout sur un point « c’est vrai qu’on a des droits ? C’est vrai qu’on peut travailler… ? » Lors de notre échange sur le bidonville, je lui avais demandé s’ils avaient engagé des démarches, s’ils avaient une inscription au Pôle Emploi, « maintenant qu’ils avaient le droit de travailler. »

On revient la semaine prochaine. Le numéro de Cucu ne répond pas. Le site est vide, abandonné, les cadenas des portes arrachés, par terre.

Ils sont repartis.

Pendant un an, ils se sont cachés. Pour vivre. Pas pour exister. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.