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Billet de blog 24 mars 2023

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Sommes-nous en train de perdre notre humanité ?

Considérer l’Europe comme une forteresse assiégée et vouloir se protéger par l’endiguement sont des stratégies à la fois inhumaines et vouées à l’échec.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les Etats européens ont totalement abdiqué les responsabilités qui leur échoient, selon la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS). Celle-ci définit de manière très détaillée les obligations des États et des capitaines de navires en matière de recherche et de sauvetage, de l’obligation de répondre et de coordonner la recherche des embarcations signalées en détresse jusqu’à l’obligation de désigner un « lieu sûr dès que cela est raisonnablement possible ». Toutes les circonstances sont prises en compte, y compris l’obligation pour les États les plus aptes à porter assistance, de coopérer afin d’identifier un lieu sûr pour le débarquement ; l’obligation de fournir une assistance « quels que soient la nationalité ou le statut de ces personnes».

Depuis la fin de de l’opération italienne Mare Nostrum en 2014, l’Europe préfère subventionner un corps de « garde-côtes lybiens » dont la collusion avec les réseaux de trafic d’êtres humains a été dénoncée par le Conseil de sécurité de l’ONU.

Les navires des ONG –l’Ocean Viking de SOS Méditerrranée, l’Aita Mari de l’ONG Salvamento Maritimo Humanitario, le Life Support de l’ONG Emergency, le Geo Barents de l’ONG Médecins Sans Frontières_, assurent cette mission humanitaire : empêcher des hommes, des femmes et des enfants de périr noyés.

C’est la conscience citoyenne qui permet à ces ONG de tenir un rôle qui devrait revenir aux Etats. SOS Méditerranée est financé à 89% par des dons privés. Quelques collectivités locales allouent une subvention.

Non seulement les Etats n’assument pas leurs obligations en matière de sauvetage, mais ils entravent l’action des ONG de toutes les manières : absence de coordination des opérations de recherche et de secours, délais d’attente insupportable pour permettre le débarquement des personnes rescapées, blocages des navires sous divers prétextes… L’Italie, ce qui arrange bien les autres pays européens, se distingue particulièrement en désignant des ports éloignées : le temps de trajet diminue de plusieurs jours celui à consacrer aux secours, et alourdit la facture en carburant –qui pèse particulièrement sur la possibilité pour ces ONG de poursuivre leur activité-.

Dernière décision en date, la cour administrative d’appel de Paris annule une subvention de la Ville de Paris à SOS Méditerranée, au motif qu’elle interférait « dans la politique étrangère de la France et la compétence des institutions de l’Union européenne. »

La politique étrangère de la France serait donc de laisser se noyer des personnes désespérées ? ? ?

Car personne ne peut réellement imaginer que l’on puisse risquer ainsi sa vie sur des embarcations précaires sans être poussé par une absence totale de solutions pour continuer á vivre. La théorie de « l’appel d’air » entraîné par ces sauvetages est aussi odieuse qu’irréaliste. 

Ces entraves sont l’autre face de la même politique qui inspire en France la loi Darmanin. Considérer l’Europe comme une forteresse assiégée et vouloir se protéger par l’endiguement sont des stratégies à la fois inhumaines et vouées à l’échec.

Peut-être serait-il temps de s’interroger sur les causes du désordre du monde qui pousse des populations entières à fuir leur foyer pour tenter d’assurer leur survie ?

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