Il y a environ un an, je postais sur mon mur Facebook un édito (https://www.facebook.com/ezzatdine.abdulbaghi/posts/959154334094902) dans lequel j'estimais, au vu de certains évènements qui se déroulaient alors en Afrique suite aux attentats de Charlie Hebdo, qu'il était grand temps, pour nous autres nègres, de mesurer l'ampleur et l'impact réels de l'islamisme radical wahhabito-intégriste et salafisto-jihadiste sur nos sociétés négro-africaines. En plus clair, d'estimer, par les évènements qui couraient et qui courent encore aujourd'hui, les probabilités d'un futur passage à l'acte par des fous d'Allah obéissant à une fatwa morbide et prêts à massacrer pour laver, par le sang, le nom de Mahomet sali, bafoué, insulté et diabolisé par un… croquis (sic).
Eh bien, nous n'y sommes plus très loin : si aucune fatwa n'a, à ce jour, été lancée depuis Dakar par un sombre illuminé lambda, les menaces de mort ont elles, été bel est bien identifiées.
Et c'est Damien Glez, un confrère célèbre, qui en fait aujourd'hui, à son corps défendant, les frais. Pour un dessin publié dans Jeune Afrique *, le voici sous la vindicte d'un groupe de fanatiques enfiévrés et prêts à faire couler le sang au nom d'Allah… Pardon !... de Mahomet… re-pardon !... au nom d'un certain Cheikh Ahmadou Bamba, ci-devant prophèteau d'une secte sénégalaise dont le troupeau se fait appeler les Mourides, et lequel prophèteau aurait été, comme d'habitude, sali, bafoué, insulté et diabolisé par un… croquis (re-sic). Et, re-comme d'habitude, cet affront doit être lavé par la mort et le sang de l'impertinent blasphémateur.
C'est ce qui se profère, à l'heure où ces lignes sont tapées, comme diableries dans les rues de Dakar, diableries officiellement soutenue par les très hautes sphères politico-économiques du pays. Comme quoi, désormais, n'importe quel gus niaisement béatifié par on ne sait quel esprit malin peut voir, lui aussi, son honneur lavé par le troupeau que lui et son dieu aura amassé au cours des ans. Hum… On est tombé bien bas, bien bas. Quelque part dans les cieux d'Allah, ça doit pas t'y faire des jaloux et des mécontents, que tout ça ?
Ainsi, à ces hurlements au meurtre, auxquelles les plates et malheureuses excuses présentées par Jeune Afrique n'y auront fait que dalle, il faudra ajouter la partition du gouvernement sénégalais qui, par un communiqué, apporte son soutien en exprimant, à la suite du président Macky Sall, "toute son indignation et condamne, avec fermeté, cette maladresse incompréhensible et inadmissible de la part d'un organe de presse qui s'identifie à l'Afrique et censé connaître, défendre et promouvoir la culture et les valeurs africaines». Déjà, on pourrait discuter sans fin de la culture et des valeurs africaines qu'ils évoquent dans un tel contexte, mais on peut surtout en déduire catégoriquement que dans leur entendement, la culture et les valeurs de l'Afrique ne comprennent ni libertés, ni laïcité, ni droits de l'homme, etc. Flatteur ! Tel étant le cas, il faudrait sérieusement se demander ce que les officiels sénégalais font de leur république, de leur démocratie et de tous les droits, valeurs et libertés qu'elles induisent et pour lesquelles ils ne ratent jamais une occasion de nous les rabâcher ? À la poubelle dès qu'il s'agit de secte et/ou de religion ? 'Faut croire que oui.
Passe encore qu'un obscur mouride, punaisé quelque part autour de l'an 1890, n'ait jamais entendu parler de la liberté tout court ou d'expression, ou même de république. Mais que dire lorsqu'un gouvernement tout entier, en 2016, fait preuve des mêmes obscurantismes et soutien allègrement son peuple qui profère des fatwas pour s'auto-rendre justice à propos d'un dessin jugé blasphématoire ?
En fin de compte, l'amateurisme de ce gouvernement irresponsable le pousse à des contradictions finalement imbéciles et nous impose au moins une question dramatique : sans vouloir jouer au prophète de malheur, le Sénégal – à travers Macky Sall lui-même – ayant marché le 11 janvier à Paris pour condamner les assassinats de Charlie Hebdo, quelle serait alors sa position si les cerbères mourides qu'il encourage et encense aujourd'hui rééditaient cette prouesse démoniaque mais à Ouagadougou cette fois-ci, au siège du Journal du Jeudi, où travaille Damien Glez et d'autres dessinateurs ? Où ailleurs dans un autre journal ? Oserait-on, alors, lui nier toute responsabilité ? Quelles seront les conséquences d'un tel acte ? Pourra-t-on empêcher l'escalade de la haine et de la violence qui sans conteste va s'emparer de la rue ouagalaise pour crier vengeance ?
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En attendant que le gouvernement sénégalais veuille bien nous fournir réponse à ces quelques questions parmi d'autres, la problématique soulevée dans l'édito évoqué ci-dessus trouve dans ces récents évènements un début de réponse clair : oui, l'Afrique noire, jusque là épargnée par la barbarie satanique et vengeresse dont se réclament les grands justiciers bourreaux de la cause d'Allah et de son prophète, est sur une pente de plus en plus raide. Dès lors, au-delà de ce que notre bien ami Damien Glez, malheureusement, pourrait déjà avoir à craindre pour sa vie, c'est tous les blasphémateurs et autres polémistes africains qui doivent réfléchir à l'idée de voir cette tumeur satanisée et meurtrière se répandre, produire des métastases un peu partout en Afrique et bâillonner la liberté d'expression que déjà nous avons si peu.
* https://www.cath.ch/newsf/senegal/