Texte écrit en Mai 2014, dramatiquement encore valideLa politique migratoire de l'Union Européenne Lampedusa est devenu le cimetière méditerranéen. Face à ces milliers de morts qui viennent se noyer à nos frontières, on ne peut qu'avoir un sentiment de honte et de révolte . Cette réalité met à mal les discours trop angéliques sur l'Europe de la paix. Et sur notre prétention à nous proclamer pays développés et civilisés !Ce n'est pas mieux lorsque les migrants parviennent jusqu'à nos côtes. L'accueil est souvent détestable; les lois, leurs droits ne sont même pas respectésC'est pourquoi EELV a toujours été partie prenante des combats pour la dignité, la liberté de circulation, la régularisation des sans papiers. Les eurodéputés se sont toujours prononcés dans ce sens là et ont toujours proposé des mesures qui puissent en finir avec l'Europe forteresse. Notre programme prône évidemment une politique bien différente de celle de l'UE .Il serait un peu long et rébarbatif d'énumérer nos propositions. On peut les trouver développées sur notre site...Je n'en citerai que les principalesOuverture de voies légales de migrationsAccueil réel ( formation, logement, etc)Suppression de la rétention .Suppression de Frontex : organisme transnational qui s'occupe de contrôler les entrées dans l'espace Schengen, mais privilégie l'activité répressive et se caractérise par un manque de respect des droits fondamentaux.Suppression d'Eurodac( fichier d'empreintes digitales) et de Dublin II ( obligation de demander l'asile dans le seul pays d'entrée dans l'UE).EtcMais si ces mesures d'urgence sont indispensables, il est nécessaire de les compléter par une réflexion sur la politique économique de l'UE. En grande partie responsable du phénomène1 migratoire.En effet, non seulement la politique répressive de l UE est scandaleuse, inhumaine, mais en plus elle ne peut qu'être inefficace.Comment peut-on résoudre les « flux migratoires »2si l'on ne pose pas la question conjointe du développement ? Migrer dans les conditions dramatiques que nous connaissons, est un choix terrible que l'on ne fait pas de gaieté de cœur : si le choix d'avoir une vie correcte dans leur pays leur était proposé, prendraient-ils ces risque ?Non, évidemment. Or la politique extérieure de l'UE est en partie responsable de l'état de délabrement de leur pays d'origine. En effet, les accords qu'elle veut imposer aux pays ACP (Afrique Caraïbes, Asie) exigent l'ouverture de leurs frontières aux exportations européennes, même dans le domaine agricole. Accords qui n'ont de « partenariat » que le nom, puisqu'ils s'accompagnent trop souvent de chantage.Ainsi, des accords bilatéraux ont été signés avec la Côte d'Ivoire et le Ghana, bien avant que les négociations globales aient abouti. Les menaces de retirer l'accès préférentiel au marché européen, en particulier de la banane; voire de baisser drastiquement l'aide au développement, ont été très convaincantes..Les négociations générales entre UE et Afrique qui se sont achevées en Avril se sont, heureusement, terminée sur un échec, grâce à la résistance du Nigeria (cet Accord de Partenariat Economique négocié en février entre l'UE et la Cedeao vient d'être remis en question) . Pour l'instant !Mais cette politique économique agressive non seulement empêche tout développement auto-centré, et inter-régional, mais ruine bien entendu l'agriculture vivrière.On se souvient du poulet Doux...exporté en grande quantité à des prix concurrençant tout l'élevage local ou de l'exportation systématique de blé ruinant les céréales locales.Si ces accord devaient être signés, que deviendraient les petits paysans ( les ruraux sont encore 70% en Afrique) ?Ils rejoindraient les bidonvilles en extension et les candidats à l'immigration !Les textes protecteurs des droits humains qui existent au niveau mondial ou européen ne pèsent pas lourd face à la crise de nos économies.La croissance à 2 chiffres de certains pays africains qui entraîne une relative augmentation des classes moyennes (ce qui ne diminue pas la pauvreté mais augmente les inégalités), est une aubaine pour nos entreprises en mal de marché.Et avec la raréfaction des ressources, la montée de la demande des pays émergents, l'exploitation traditionnelle du continent le plus pauvre, mais le plus riche en ressources naturelles, s'accentue.Avec l'accélération de la mondialisation et de l'utilisation à outrance des minerais rares dans notre environnement ( coltan, titane, lithium, etc), la « malédiction des ressources » n'est pas prêt de cesser.L'exemple bien connu de l'uranium du Niger, où Areva est installé depuis 50 ans, est éclairant. On aurait pu imaginer que la rente versée par notre société nationale pendant ce demi siècle aurait permis un développement du pays . Il n'en est rien. Ce que l'entreprise a développé , ce sont les maladies liées à l'uranium (non soignées), la pollution du fleuve, un environnement, une agriculture ruinés, une vie quotidienne dégradée, des infrastructures détruites par les transports. D'ailleurs, si l'uranium couvre 70% de la production du Niger, il ne compte que pour 6% du PIB. Cela n'empêche pas Areva de refuser une augmentation des taxes, et des salaires, sous prétexte de baisse de la demande et de concurrence ( qu'elle a elle même été chercher, bien sûr, en Mongolie).Le Niger n'est pas près de sortir du peloton de queue pour l'IDH3.Aujourd'hui, l'insécurité alimentaire touche 4 de ses 17 millions d'habitants. S'ajoute au déficit des récoltes, l'afflux de réfugiés maliens et nigérians.La sécheresse du Sahel est récurrente, mais l'on sait aussi qu'elle n'est pas seulement due aux aléas climatiques mais au type 'agriculture mis en place dans les années 60/70 ( et à la misère poussant les populations à la déforestation ).Le dérèglement climatique ajoute certainement aux problèmes liés aux conflits et au mal-développement (dénoncé en son temps par R Dumont). Bien avant, pourtant, que la politique du FMI ait fait des ravages, détruisant les sociétés, ruinant les économies post coloniales, délégitimant les états par ses politiques « d'ajustement structurel », (ancêtre des politiques d'austérité à l’œuvre en Europe). On le sait, on trouverait la même situation avec le pétrole ou les diamants, au Congo, dans la région des Kivus, etc. Partout où les richesses attisent les convoitises, provoquant violences, conflits, trafics en tout genre, guerres, pour le plus grand bonheur des marchands d'armes. Si l'on ajoute l'accaparement des terres qui sévit au Mali, comme un peu partout en Afrique, on comprend que toutes les mesures coercitives ne pourront jamais empêcher les volontés de survie de migrants. Et ce ne sont pas les 2 milliards de nouvelles technologies vendues à Frontex ( par les mêmes marchands cités ci-dessus, ou leurs cousins) qui les arrêteront. (L'industrie d'armement est souvent un bon moyen de relancer une croissance en berne ).Il est donc absurde de séparer migration et développement. Mais tellement mieux de l'oublier afin de cacher les énormes intérêts économiques qui sont en jeu, dans les pays d'origine et ici même. Les travailleurs sans papiers fournissent une main d’œuvre docile ( pas toujours, heureusement), sans droit, exploitable à merci.... Et puis on ne peut ignorer l'instrumentalisation de l'immigration. Car en période de crise, on le sait, désigner un bouc émissaire est une méthode fort pratique pour détourner l'attention des vraies responsabilités et occulter toute analyse de fond. C'est le credo de l'extrême droite, française et européenne et c'est au centre du programme que ces partis unis se promettent d'appliquer au parlement européen. Malheureusement, même si c'est de façon moins virulente, on voit bien que la dénonciation bien commode de l'étranger n'est pas l'apanage des partis extrémistes... Il faut donc arrêter l'hypocrisie qui domine sur ce sujet. Arrêter de vouloir transformer l'Union Européenne en forteresse assiégée. En chargeant les pays limitrophes, comble du cynisme, de faire la police pour nous « protéger ». Des camps de rétention y ont été installés, comme en Mauritanie, Algérie... En Libye, dont on sait que sa « police des frontières » torture, voire pire. Le Maroc, qui a érigé un mur de barbelés dans le désert du Sahara ...Et qui, en 2013, comme la Tunisie en 2014, a signé un accord pour ce faire, en échange de … ? Chantage, là encore, pressions... Et lorsque cela ne suffit pas, la Méditerranée devient parfois leur cimetière. Alors, oui il faut des mesures d'urgence, à court et moyen terme, qui lient migration et développement.Comme instaurer une Responsabilité Sociale des Entreprises4 au niveau européen, qui ne soit pas que financière et que préconisation;Comme négocier des accords de coopération et de solidarité et non des APE, protégeant marchés locaux et souveraineté alimentaire; Comme travailler avec les ONG locales, les associations rurales, féminines et les syndicats dont les syndicats agricoles;Comme utiliser la Taxe sur les Transactions Financières (spéculation principalement) comme c'était prévu : 60 milliards pour l'aide au développement5, :Comme favoriser des projets élaborés par les populations elles-mêmes, favorisant l'activité locale et non les entreprises européennes.Mais c'est un changement profond de notre modèle de développement qui est nécessaire.On ne calmera pas les ardeurs assassines de l'industrie extractive si l'on ne favorise pas une transition énergétique (diminution des énergies fossiles).On ne pourra maintenir une agriculture vivrière (que défend même le FMI aujourd'hui) sans changer profondément notre agriculture, la PAC et ses subventions.On ne pourra éviter la catastrophe climatique sans relocalisation, ici et là-bas.On ne peut réinstaurer des échanges équitables qu'à travers une transition écologique qui remette en question notre mode de production, ce que nous produisons, comment, et notre mode de consommation.Françoise Alamartine – mai 2014
Billet de blog 26 avril 2015
La même horreur en Méditerranée, un an après
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