Le silence précédant la tempête. L’attente. Le pic de corps souffrants déambulant en boite de confinement. Le silence d’un foyer confiné/l’effervescence innommable de la catastrophe à venir - ah si ! nommable : la vague, la déferlante, le raz de marée. En temps de crise, le vocabulaire marin au secours de la houle de nos angoisses.
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Certains corps continuent de se promener. Une promenade de santé, un sourire en coin, un ne pas vouloir savoir intimant des sursauts de révolte. Drone ! une voix robotisée commande de #rester chez soi. Un robot volant, parlant surveille discrètement nos faits et gestes. Parquer les corps. Faire disparaitre les corps.
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Hier, avant-hier, le doigt tendu de mon fils harangue les mêmes chiens. Le grand dalmatien tacheté, le petit yorkshire court sur pattes. « Prenez le trottoir, je prends la route » ! hèle l’homme chauve. Même comme marcheur de rue, une distance de sécurité. Complicité de la même case : déplacements brefs à proximité du domicile. Le durcissement des contrôles ce week-end fait de nous - chiens, promeneurs, enfants- des complices de sorties intempestives des jours d’avant.
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L’horreur dans le savoir s’invite dans mes pensées par l’intermittence d’un mot lugubre : tri. L’ultime mot gestionnaire de l’hôpital rattrapé par sa logique de lits et non de gens. Combien de lits, combien de respirateurs ? L’humain suspendu au-dessus du vide par la machine.
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Le temps s’étale, le temps s’étire et ralentit aspiré par la fixité du lieu de confinement. Les murs, les sols, les tables, les meubles s’animent d’objets insolites. Une pile de dossiers multicolores suit les variations des temps familiaux et professionnels entremêlés. Un balai nain aux poils roses et jaunes fluos ravit notre fils passionné d’ustensiles ménagers.
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L’électrochoc du réel, une secousse sismique mondiale. Soudainement le monde, la mondialisation ne sont plus des idées lointaines. L’unité de ce qu’on appelle le monde est transitoirement présente contre le Covid-19. Monde versus Covid-19. L’illusion de cette unité du monde s’évapore après le K.O. Deux exemples : l’Italie et la France ne sont plus au même round. La Corée du Sud teste méthodiquement, la France insuffisamment.
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Du temps législatif au temps des corps. Les décisions politiques frappent directement à nos portes. La parole politique impacte dans la minute la liberté de mouvements de nos corps. Où est passée la parole politicienne esquivant toute désignation des impondérables de la vie, de la mort ? Comment resocialiser la parole politique vers l’humain, le soin, la vieillesse, l’éducation, la solidarité, la maladie hors du rouleau compresseur gestionnaire ?
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Le drame humain nécessaire pour la sacrosainte union nationale. La division, les divisions demeurent constitutives des contradictions, du contradictoire humain. Les polémiques politiques bruissent déjà sous le malheur des uns et des autres : les tests, les masques, ces prémisses des invectives à venir.
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En chacun s’édifient de nouvelles angoisses, de nouveaux espoirs creusant dans notre solitude de nouveaux espaces, des territoires jusqu’alors inexplorés à préserver, à réinjecter dans nos vies - une fois le brûlant de la mort derrière nous.