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Billet de blog 12 mai 2017

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Des médailles pour Emmanuel Macron

L'élection du "monarque présidentiel" le plus jeune de notre histoire doit être célébrée par la frappe de médailles dignes de cet exploit.

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Les savants calculs des historiens et des politologues sont formels : Emmanuel Macron est bien le plus jeune Président de la République de toute notre histoire. Cet événement exceptionnel appelle un commentaire et une proposition.

Il faut tout d’abord remarquer que, contrairement à ce qu’affirment des esprits grincheux et mal embouchés, l’élection du président au suffrage universel représente un certain progrès. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner l’âge des présidents des Troisième et Quatrième Républiques, qui étaient élus par les assemblées. A l’exception de trois d’entre eux, ils avaient tous entre 60 et 74 ans. Les trois plus jeunes n’ont même pas pu aller au bout de leur mandat. Sadi Carnot (50 ans) a été assassiné. Son successeur, Casimir-Périer, le benjamin de la troupe (46 ans) a été poussé à la démission au bout de six mois. Félix Faure, élu à l’âge de 54 ans, est décédé comme on sait, en travaillant, selon l’expression de notre professeur d’histoire, sur « un dossier sans chemise ». Comme quoi il ne fallait pas être un gamin pour occuper le poste. Les notables politiques, âgés et respectables, choisissaient donc l’un des leurs pour présider aux destinées du pays. C’est comme pour les papes : les élire trop jeunes, c’est s’exposer à devoir attendre bien longtemps pour espérer les remplacer un jour.

Sous la Cinquième République, on aperçoit un léger mieux : Valéry Giscard d’Estaing (48 ans) et Nicolas Sarkozy (52 ans) font baisser la moyenne. On notera cependant que ni l’un ni l’autre n’ont été reconduits dans leur mandat, et que le record de longévité (14 ans) est détenu par François Mitterrand, qui a dû attendre d’avoir 65 ans pour entrer à l’Elysée.

Mais le premier président de la République française à avoir été élu au suffrage universel, en 1848, avait 40 ans : Louis-Napoléon Bonaparte était le plus jeune de tous les candidats. Les deux plus âgés, Raspail (54 ans) et Lamartine (58 ans) sont arrivés bons derniers dans la compétition.

Avec, en 2017, l’élection d’un président de 39 ans, nous tenons vraiment un signe fort. C’est un encouragement pour tous les jeunes de notre pays. La génération de 68, qui a voulu tuer les pères en suivant les directives du président Mao, est à son tour priée de rentrer au vestiaire.

Il faut donc marquer le coup, et c’est le moment de la proposition. Pourquoi la Monnaie de Paris ne frapperait-elle pas quelques belles médailles pour l’occasion ? Ce n’est pas parce qu’Internet et le téléphone portable nous envahissent qu’il faut abandonner une noble tradition multiséculaire. Le président n’est-il pas chez nous l’héritier des rois et des empereurs qui ont fait la France ? Emmanuel Macron ne l’a-t-il pas clairement indiqué, par la mise en scène de son spectacle, le soir du 7 mai, devant le palais du Louvre et sa pyramide ? Jean-Luc Mélenchon ne l’a-t-il pas confirmé, en lui donnant le titre de « nouveau monarque présidentiel » ? Proudhon l’avait déjà diagnostiqué à propos des élections de 1848 : « La voix du peuple est la voix de Dieu. Eh bien ! la voix de Dieu a nommé Louis Napoléon (…) Prendre le suffrage universel pour base du droit public, c’est affirmer implicitement la perpétuité de la monarchie. » Affirmons donc, puisque le principe monarchique permet de donner une claque à la gérontocratie.

Car les rois n’attendaient pas d’être vieux pour régner (il faut évidemment mettre à part les revenants de la Restauration, après 1814). François Ier avait vingt ans lors de son accession au trône. Louis XIV avait moins de cinq ans en 1643, à la mort de son père. Certes, il a dû attendre un peu pour exercer réellement le pouvoir, mais enfin on voit bien que le système monarchique favorisait la promotion des jeunes. Il suffisait de naître au bon moment et au bon endroit.

Pour garantir l’emploi de son fils face aux troubles politiques qui se profilaient, Anne d’Autriche, la mère de Louis XIV, a fait frapper dès son avènement une médaille montrant au revers un aiglon couronné prenant son essor vers le soleil, et portant la légende « Regnum non pendet ab annis » (la royauté ne tient pas à l’âge) :

Illustration 1

On pourrait prendre modèle là-dessus :

Illustration 2

PRINCEPS FRANCIAE POPVLI GRATIA

REGNVM NON PENDET AB ANNIS

Une médaille métallique, avec usage du latin, c’est très classe, ce n’est pas comme un site internet, ça traverse les siècles. Ce serait déjà, dans l’immédiat, une bonne réponse à tous ceux qui pensent que le nouveau président est peut-être un peu trop jeune (dans un documentaire sur les coulisses de cette élection, nous avons pu entendre François Bayrou, venu pourtant apporter son soutien à Emmanuel Macron, lui déclarer « Vous n'avez pas l'âge qu'il faut mais ça fait rien »).

Un recyclage des médailles frappées sous le Roi Soleil s’impose ainsi tout de suite, pour glorifier…

… l’immense espoir que suscite cet avènement : « Francorum spes magna / ineunte regno» (l’immense espoir des Français au commencement du règne) :

Illustration 3

… l’union autour du monarque (que l’on se souvienne du Louvre, de la famille et des amis réunis autour d’Emmanuel Macron, symbolisant le rassemblement du peuple de France), qui serait opportunément illustrée par cette légende « Ducem regemque sequuntur » (ils suivent le roi, leur guide) :

Illustration 4

… la promesse des bienfaits dispensés par le nouveau dirigeant : « Novo recreabit odore » (il fera renaître avec un nouveau parfum) :

Illustration 5

Tant qu’on y est, l’administration étant parfois un peu lente, il faudrait aussi préparer à l’avance d’autres médailles pour célébrer les grandes décisions qui seront prises assez rapidement. Là encore, les modèles du règne de Louis XIV peuvent se révéler utiles pour évoquer…

… la lutte contre les abus de l’assistanat. Déjà, comme le rappellent les auteurs du temps, « la mendicité estoit devenuë si commode & si fructueuse, que (…) les vagabonds de l'un & de l'autre sexe en faisoient un métier (…). » Le roi, par un « édit contre les fainéants », interdit alors la mendicité, et établit « des reglements très sages & très salutaires, pour employer les pauvres qui seroient en estat de travailler. »

Illustration 6
Illustration 7

… la baisse des charges pour les entreprises : « Onusios sublevat » (il soulage ceux qui sont chargés).

Illustration 8

… la justification de la hausse des prélèvements pour les particuliers ; un jardinier émonde un arbre « Amputat ut prosit » (il le taille pour son bien) :

Illustration 9

Ce ne sont là que quelques suggestions. L’actualité nous fournira sans aucun doute d’autres occasions de renouer avec les témoignages imagés de notre grandeur passée…

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