Violaine Vanoyeke n’a certes pas toujours fluctué dans ses déclarations. Elle a par exemple fait preuve d’une constance sans faille pour répéter ad nauseam qu’elle est une pianiste virtuose célèbre, ayant donné de multiples concerts, joué avec les plus grands chefs, enregistré une multitude de disques, et ce depuis ses premières publications, dans les années 1980, jusqu’à aujourd’hui[1].
J’ai déjà également déjà souligné son obsessionnelle prétention d’avoir été « choisie par un magazine comme l'une des dix femmes qui ont marqué le XXème siècle ». Le journal Le Républicain lorrain a été le premier à délivrer cette information capitale dans son numéro du 10 octobre 1999, il y a tout juste vingt ans : « Écrivain célèbre, auteur de recherches exceptionnelles dans le domaine antique et égyptologique, Mme Vanoyeke vient d’être saluée par un magazine comme l’une des dix femmes ayant marqué le siècle. » Coïncidence étrange, le magazine américain Time venait de publier, entre juin 1998 et juin 1999, cinq numéros spéciaux listant les cent personnalités les plus importantes du XXe siècle. Mais celui du 29 mars 1999, consacré aux « savants et penseurs », a malheureusement oublié notre égyptologue nationale[2]. Qu’à cela ne tienne, l’idée a visiblement fait son chemin, et elle peut confirmer la bonne nouvelle dans son autobiographie parue en 2001 : « Pour l’ensemble de mon œuvre tant artistique, musicale que littéraire et historique, un magazine me choisit comme l’une des dix femmes qui avaient marqué le XXe siècle. Cette marque de reconnaissance me toucha. Il est toujours agréable de constater que la réalisation d’une œuvre ou d’un travail est appréciée[3]. » Depuis cette date, l’« information » décore toutes les notices biographiques de VV[4].
Mais souvent, hélas, pharaonne varie…
Lorsqu’en 2011 Philippe Colombert dévoile qu’elle a plagié un véritable égyptologue dans sa biographie de Ramsès III, madame Vanoyeke, on l’a vu, n’est pas contente. Outre qu’elle envoie ou fait envoyer des vrais-faux mails de pseudo-collègues, elle intervient à plusieurs reprises dans l’encyclopédie en ligne Wikipédia pour tenter d’effacer la mention de ce plagiat. J’ai déjà cité une ces interventions, mais le 15 janvier 2019, elle essaie d’insérer une modification qui esquisse un système de défense en apparence imparable : « La biographie de Violaine Vanoyeke Ramsès III (éditée en 1996 qui reprend sa série radiophonique de 14 heures diffusée en 1988 (…)) présente de très nombreuses similarités avec l'ouvrage de Pierre Grandet, Ramsès III. Histoire d’un règne, paru des années plus tard... »
La meilleure défense, c’est l’attaque ! Elle soutient donc qu’elle a travaillé sur ce sujet bien avant la parution du livre de Pierre Grandet (en 1993), et suggère fortement que c’est lui qui se serait inspiré de sa série d’émissions de 1988. Mais on s’explique mal alors la disparition du livre de VV dans les listes « officielles » de ses ouvrages. Par ailleurs la date de 1988 est surprenante, dans la mesure où elle ne marque à cette époque, dans sa production littéraire comme dans les articles de presse qui la concernent, aucun intérêt particulier pour l’Egypte ancienne. Enfin, il est difficile, voire impossible, de vérifier l’existence de cette série radiophonique, à moins que VV ne nous en donne les références précises, ce qui a peu de chances de se produire. Elle en fait cependant mention dans la présentation de certaines vidéos qu’elle propose sur YouTube, mais avec quelques variantes. Voici par exemple ce qu’elle écrit régulièrement à partir du 1er octobre 2017 : « L'une des plus longues séries radiophoniques écrite et racontée par Violaine VANOYEKE, 18 heures diffusées en 1990-1991, a été consacrée à Ramsès III (Violaine VANOYEKE en a publié les textes ultérieurement dans plusieurs ouvrages)[5]. » On est passé de 14 heures à 18 heures, et de 1988 à 1990-1991, mais l’idée sous-jacente reste la même : elle a le bénéfice de l’antériorité.
L’inspecteur Columbo, on le sait, ne renonce jamais. Examinons donc précisément la chronologie. Les déclarations qui précèdent sont relativement récentes (la plus ancienne date de 2017). L’article dénonçant le plagiat a été publié sur le site de l’Université de Genève en février 2011. Le mois précédent, le 20 janvier très exactement, paraissait un livre de Violaine Vanoyeke intitulé Le pilleur de tombes (on ne rigole pas dans les rangs !), rédigé donc avant la révélation. Y est insérée une liste des œuvres et travaux de l’auteur :
Agrandissement : Illustration 1
La série est ici datée de 1995-1996, c'est-à-dire de l’époque où elle écrivait et publiait son propre livre, trois ans après celui de Pierre Grandet[6]. Ami lecteur, je te laisse tirer par toi-même la conclusion qui s’impose.
Il n’en est, semble-t-il, jamais question auparavant, ni dans les articles de presse, ni dans les présentations publiées, ni dans les interviews ; c’est dans l’autobiographie parue en 2001 qu’est évoqué pour la première fois, en quelques lignes, un épisode appelé à de futurs développements : encore lycéenne, Violaine Vanoyeke se voit proposer par un couturier un contrat qu’elle refuse. « Devenir mannequin ne m’intéressait pas[7] », explique-t-elle. L’information est reprise, agrémentée d’un détail intéressant, sur son site internet : « Un grand couturier lui propose à la même époque un contrat de top modèle dont toute la presse parle. Mais elle choisit d’autres voies[8].»
L’affaire s’obscurcit quelque peu par la suite : VV a-t-elle finalement signé ce contrat (ou un autre ?) Un article de presse paru en janvier 2012 indique : « Celle qui aurait pu devenir top modèle a finalement choisi l'enseignement[9]. » Mais la présentation biographique qu’elle met en ligne au début des années 2010 sur des plateformes comme Viadeo ou Linkedin contient cette phrase : « Violaine Vanoyeke a signé l’un des plus importants contrats de top model[10] ». Sur Yasni France est ajoutée une précision chronologique : « un des meilleurs contrats de top modele des années 90[11] ».
On peut cependant lire dans la présentation d’une vidéo mise en ligne sur YouTube le 25 septembre 2017 : « Après avoir choisi sa carrière d'écrivain, d'historienne et de pianiste et avoir refusé le plus gros contrat dans le mannequinat (suite à la couverture d'un magazine américain qui l'a désignée comme la "femme la plus belle du monde"), Violaine VANOYEKE a créé une oeuvre traduit dans plus de 50 pays[12].»
Ami lecteur, je te vois lever un sourcil dubitatif : comment une « professeur de linguistique à l’Université », supposée agrégée de grammaire, membre du Comité d’honneur de l’Asselaf[13], a-t-elle pu laisser passer une telle faute d’accord (« une œuvre traduit ») ! Pardon ? Que dis-tu ? Ce n’est pas cette offense à l’orthographe qui te surprend ? C’est la qualification de « femme la plus belle du monde » ? Tu n’as donc pas lu « un magazine américain », ni « toute la presse internationale » ! La notice insérée sur YouTube le 21 septembre 2017 te rappelle pourtant qu’elle « a mis de côté une carrière de top model alors qu'un magazine américain l'avait choisie comme "la plus belle femme du monde" après avoir été engagée spontanément par un très grand couturier, à 16 ans, et avoir signé un contrat record dans le domaine de la mode dont toute la presse internationale a parlé[14]. » Ami lecteur, tu lèves un second sourcil qui trahit ta perplexité : alors, elle a signé ou elle n’a pas signé ? et si oui, à quelle date ? Sur le mystérieux « magazine américain », tu ne t’interroges pas plus avant, et tu renonces également à chercher la trace d’une présence de VV dans un quelconque défilé de mode. Tu crains trop d’être déçu.
Le 14 juin 1985, les lecteurs du journal Le Pays Briard apprenaient la prochaine venue à Étrépilly de « Violaine Vanoyeke, romancière et poète », pour la présentation de ses œuvres. L’article comprenait une notice biographique dans laquelle on pouvait lire :
Agrandissement : Illustration 2
[problème avec le fichier son - en attente de réparation, consulter directement la vidéo sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=zng2UwX_zvQ , à 40 secondes ]
VV ne répond pas directement : elle donne une règle générale (« on passe une agrégation… »), sans confirmer expressément l’affirmation de Wermus en ce qui la concerne personnellement[20]…
De fait, Violaine Vanoyeke n’a jamais été admise à une quelconque agrégation.
Violaine Vanoyeke n’est pas non plus archéologue. Ami lecteur, tu vas me dire que tu t’en doutais un peu. Mais tu seras surpris d’apprendre qu’il fut un temps où elle en convenait sans problème. En 1996, invitée par Société d'archéologie et d'histoire de Saint-Valéry-sur-Somme, elle expliquait ainsi son rôle sur les chantiers de fouilles[21] :
Agrandissement : Illustration 3
Elle se présentait donc comme une journaliste chargée de rendre compte du travail des archéologues. Elle ajoutait d’ailleurs : « mon dernier livre d’histoire sur Ramsès III (…) et mon dernier roman, Le secret du pharaon (…) sont en partie nés des récentes découvertes archéologiques. » Elle disait bien « des découvertes », et non pas, comme elle allait le faire plus tard, « de mes découvertes ».
Elle confirme qu’elle n’effectue pas elle-même le travail de fouille, mais s’attribue en revanche une fonction d’importance, dans un entretien avec Daniela Lumbroso diffusé le 10 juillet 1996 sur LCI[22] :
[problème avec le fichier son - en attente de réparation, consulter directement la vidéo référencée sur Youtube à 14m 42s]
Tu as bien noté, ami lecteur, que ce sont bien les archéologues qui font les découvertes. Mais ces pauvres tâcherons ne sont pas très malins ; elle est heureusement à leurs côtés pour trier, dater, cataloguer les objets mis au jour, et déterminer ce qui est intéressant et ce qui l’est moins[23]. Sous le titre « Violaine reine d’Égypte », le journal La Vie lui consacre en 1998 un article hagiographique qui reprend cette fable : « Présente partout où l’on découvre des antiquités latines, hellènes ou égyptiennes, elle répond à l’appel des conservateurs de musées qui lui demandent de dater des pièces, des objets, des sculptures et d’aider à les exposer, ou d’amis archéologues qui, sur leurs sites, ont besoin de ses talents de linguiste polyglotte[24]. » L’autobiographie publiée en 2001 en rajoute une couche : « On m’appelait à Paris pour connaître mes réactions sur telle ou telle découverte. On m’interrogeait pour faire un choix de pièces dans les musées du monde entier » ; « on faisait appel à mes services de tous les pays du monde dès qu’un événement se produisait. La moindre découverte était soumise à mon jugement, qu’il s’agît de noter une pièce, de constater un habitat, d’analyser une momie ou un sarcophage, d’organiser une exposition prestigieuse, de choisir les objets à exposer dans un musée[25]… »
Elle se présente sans complexe comme « coordinatrice des fouilles dans toute la Méditerranée[26] », prétend diriger quarante-sept chantiers archéologiques pouvant atteindre jusqu’à quatre cents ouvriers[27] ». Sur internet, elle proposera par la suite une liste hétéroclite, bourrée de fautes d’orthographe et de confusions, de sites archéologiques ayant bénéficié de ses « travaux », « recherches » et « découvertes »[28].
Il n’est sans doute pas utile d’aller plus loin. Ami lecteur, désormais, quand tu liras que madame Vanoyeke « a fait de nombreuses découvertes reconnues dans le monde entier » tu seras toi aussi, selon la formule de l’historien Maurice Sartre tirant à boulets rouge sur son livre Les Ptolémées, « partagé entre l’indignation et la franche rigolade[29] ».
(à suivre)
[1] Voir le document présenté dans la première partie de ce billet. J’ai fait justice de cette fable dans mon livre de 2015.
[2] Voir http://content.time.com/time/magazine/0,9263,7601990329,00.html. Rien non plus du côté des « leaders et révolutionnaires », mais ce n’est pas vraiment une surprise.
[3] Les pharaons mènent à la vie éternelle, Michel Lafon, 2001, pp. 257-258.
[4] Je m’autorise cette abréviation pour alléger la lecture.
[5] https://www.youtube.com/watch?v=xQ3WB-mGxY0. Affirmation reprise sur YouTube plus de 70 fois depuis cette date.
[6] On retrouvera la même liste, et donc la même date « 1995-1996 », dans les ouvrages antérieurs, comme Les grandes énigmes de l’Egypte (2008).
[7] Les pharaons…, pp. 37-38.
[8] http://www.violainevanoyeke.net/index_fichiers/Page290.htm. Le retentissement médiatique de tout ce qui la concerne est forcément toujours immense.
[9] J.-F. Guybert, La Voix du Nord, 30 janvier 2012.
[10] http://fr.viadeo.com/fr/profile/violaine.vanoyeke
[11] http://personne.yasni.fr/violaine+vanoyeke+1413387?dcuid=4236a440a662cc8253d7536e5aa17942
[12] https://www.youtube.com/watch?v=xSqMakVhqtI
[13] Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française
[14] https://www.youtube.com/watch?v=iy1PH7fKP8I
[15] Les pharaons…, p. 39.
[16] https://www.youtube.com/watch?v=hy_aV5fVYfU, présentation de la vidéo mise en ligne le 11 novembre 2017.
[17] P. Wermus semble ignorer qu’il existe des formations universitaires, comprenant d’ailleurs des stages sur le terrain, permettant d’obtenir un diplôme d’archéologie. VV ne le contredira pas, n’ayant elle-même jamais mis les pieds dans ce type de formation.
[18] L’agrégation n’est pas un diplôme, mais ne chipotons pas.
[19] Cliquer sur l’icône.
[20] https://www.youtube.com/watch?v=zng2UwX_zvQ
[21] Bulletin de la Société d'archéologie et d'histoire de Saint-Valéry-sur-Somme, du Ponthieu et du Vimeu, n° 27, 1996, p. 1.
[22] https://www.youtube.com/watch?v=PFxS-inznXY
[23] Tu auras aussi remarqué une conception de l’archéologie uniquement centrée sur la découverte d’objets remarquables, conception qui a au moins un siècle de retard.
[24] Elisabeth Nicolini, La Vie, n° 2776, 12 novembre 1998
[25] Les pharaons…, pages 158 et 258. Mais que peut donc vouloir dire « noter une pièce » ou « constater un habitat » ?
[26] Magazine Intimité, février 1999
[27] J-F. Guybert, « Avec Violaine Vanoyeke… », La Voix du Nord, 30 janvier 2012 ; Marie-Claire, n° 574, juin 2000.
[28] http://www.violainevanoyeke.net/index_fichiers/fouillesbassinmediterraneen.htm
[29] Le Monde, 17 juillet 1998.