Le 13 janvier dernier, la bibliothèque de Fleury-les-Aubrais organisait un sympathique Salon des auteurs régionaux. La presse locale, en l’occurrence Le Républicain du Centre, a consacré plusieurs articles à cet événement. Le premier, en date du 4 janvier, destiné à annoncer la manifestation, s'attachait surtout à dresser un portrait flatteur de la marraine de ce salon :
Parmi les vingt-quatre écrivains (et deux éditeurs) qui présenteront leurs ouvrages, une invitée de marque est attendue : Violaine Vanoyeke, spécialiste de l'Égypte antique, auteur de 87 ouvrages traduits dans plus de 50 pays, a accepté d'être la marraine de la manifestation. « J'ai été touchée par la demande des bibliothécaires de Fleury-les-Aubrais car leur courrier était sympathique et personnalisé. J'accorde beaucoup d'importance à l'aspect humain. Je trouve d'ailleurs les salons de province plus chaleureux que les salons parisiens », explique l'écrivaine qui voyage à travers le monde depuis de nombreuses années, pour effectuer des recherches archéologiques et partager ses découvertes (…).
Les journalistes continuent donc encore aujourd’hui à colporter la jolie fable de la femme surdouée, archéologue, spécialiste de l’Antiquité, romancière à succès, pianiste accomplie, etc.
Depuis des décennies, madame Vanoyeke est devenue une star médiatique, invitée au micro des stations de radio, sur les plateaux de télévision, dans les salons du livre. Tout récemment encore (le 31 octobre 2017), elle intervenait dans l’émission de Morandini sur CNews. Dans un accès de philanthropie, elle a d’ailleurs décidé de faire partager aux internautes tous ses passages sur ce qu’on appelait autrefois le « petit écran ». Ce ne sont pas moins de 700 vidéos qu’elle nous propose depuis février 2017 sur la chaîne YouTube. Si quelques-unes ont uniquement un caractère promotionnel, beaucoup sont effectivement des extraits d’émissions télévisées qui attestent d’une relative célébrité. Curieusement, toutes ces vidéos sont fermées aux commentaires.
J’ai publié il y a deux ans un petit livre qui rétablit quelques vérités sur le personnage et sa façon de travailler : dans La Cuisine de madame V., j’ai analysé certains de ses ouvrages « historiques », ainsi que la suite romanesque qu’elle a écrite sur l’origine du piano (Les Schuller). Erreurs, confusions, approximations, et surtout « emprunts » permanents, divers et variés : c’est du grand n’importe quoi.
J’ai également passé au crible la légende ahurissante qu’elle a complaisamment construite sur sa remarquable personne, et qu’elle a abondamment diffusée auprès de journalistes qui se sont empressés de la relayer sans se poser de question ni effectuer la moindre vérification.
Ce livre a été envoyé à quelques journaux nationaux, ainsi qu’à Médiapart. Je n’avais visiblement pas les bons contacts : personne ne s’en est fait l’écho. Sans doute Violaine Vanoyeke n’est-elle pas Alain Minc ou Jacques Attali, qu’un soupçon de plagiat suffit à jeter sous les projecteurs de la critique. Il n’empêche que le phénomène Vanoyeke existe, et qu’il ne laisse pas d’inquiéter. À l’heure où il est question de traquer les fake news, que faire des fake people et de leurs complices?