Les vérités de Violaine Vanoyeke sont à géométrie variable, jusqu’à prendre parfois un caractère enfantin : elle en vient à transformer par l’affabulation une réalité qui ne lui convient pas[1], et adore jouer à se cacher sous le masque d’autres identités[2].
En avril 2011, elle est candidate à l’Académie française, mais n’obtient aucune voix. C’est de toute évidence pour elle une intense humiliation. Le 20 août, un contributeur signale cette candidature malheureuse dans l’article Wikipédia. Elle supprime cette mention le 22 octobre ; elle est rétablie dans la minute qui suit. Suppressions et réinsertion vont ainsi se succéder pendant plusieurs années. Le 25 mai 2016, elle introduit dans le corps de l’article un commentaire contestant la véracité de l’information : « INFORMATION FAUSSE. MALGRE LES SOLLICITATIONS ELLE A TOUJOURS REFUSE JUSQUE LADE SE PORTER CANDIDATE (source de l’auteur) » :
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Les modérateurs retirent immédiatement ce commentaire, qui est cependant pour notre propos du plus haut intérêt : Violaine Vanoyeke affirme en effet ne jamais s’être portée candidate « malgré les sollicitations ».
Qu’en est-il réellement ?
Interrogée en avril 2005 par France-Soir, elle n’avait pourtant pas rejeté l’hypothèse d’une candidature :
La première phrase de la réponse sonne étrangement pour qui a consulté le site personnel de Violaine Vanoyeke ; on peut y lire en effet, à la fin de sa biographie : « Violaine VANOYEKE a reçu de nombreuses médailles et distinctions ».
Quoi qu’il en soit, après mûre réflexion, elle se décide en février 2011, comme l’atteste le site internet de l’Académie française ; sa candidature est enregistrée dans la séance du 24 février 2011 :
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Peut-on alors être candidat malgré soi à l’Académie française, « à l’insu de son plein gré » selon la formule malicieusement prêtée au cycliste Richard Virenque convaincu de dopage ? Il faut en principe adresser une lettre au Secrétaire perpétuel… En tout cas Violaine Vanoyeke ne proteste pas quand le journal Le Monde signale cette candidature dans son numéro du 3 mars 2011, ni quand, le 6 avril 2011, le site internet d’Europe 1 la met au nombre des six candidats « les plus sérieux »[3].
Un certain Max Jean-Louis publie sur son blog, le jour de l’élection, une déclaration de soutien sans ambiguïté :
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Un admirateur déçu par son échec ajoutera en décembre 2011 un commentaire à cette page de blog :
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Mais qui est donc ce « martin pelbert prof d universite » ? Ami lecteur, je n’ai pas trouvé de professeur de ce nom ; je ne puis cependant t’empêcher de fouiller les annuaires universitaires si tu caresses l’espoir, à mon avis fallacieux, d’y dénicher une réponse. Mais peut-être, comme moi, as-tu été sensible à ce style, à ce ton, à cette ignorance des règles typographiques les plus élémentaires ?
Sur le même blog, le même jour, au même moment (deux minutes avant !), un autre commentateur publiait le texte suivant, dont on peut légitimement se demander ce qu’il venait faire là, n’ayant aucun rapport avec le sujet, mais dont la tonalité ressemble étrangement au précédent, et dont le contenu nous rappelle quelque chose :
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A mon avis (mais je peux me tromper), « martin pelbert », « romain colla » et une tierce personne facile à identifier ne font qu’un. Cette personne aura inséré ici par erreur, dans sa précipitation, un commentaire prévu pour une autre destination.
Nous ne sommes cependant pas au bout de nos surprises.
Sur la page du site internet d’Europe 1, déjà citée, qui faisait le 6 avril 2011 le point des candidatures à l’Académie française, a été ajouté bien plus tard, le 26 juillet 2013, le commentaire suivant, signé « charles guiteux » :
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Charles Guiteux ? Il a bien existé un Charles Guiteau, qui a assassiné un président des Etats-Unis en 1881. Mais il ne peut avoir écrit ce texte, ayant été exécuté en 1882.[4] De toutes manières, cher lecteur, tu deviens perspicace, tu commences à comprendre et tu penses avoir maintenant deviné qui en est l’auteur. Sur la chaîne YouTube de Violaine Vanoyeke, ce même commentaire, non signé et présenté différemment, fait l’objet d’une vidéo mise en ligne le 8 août 2018.[5]
Force est de constater ici un déni de la réalité qui sera réitéré dans l’intervention déjà évoquée de mai 2016. L’épisode a visiblement été trop dur à vivre ; il faut alors en nier l’existence, essayer d’en gommer les traces, quitte à tordre le cou aux évidences les plus flagrantes.[6]
Autre contrariété grave : la dénonciation publique du plagiat opéré dans son Ramsès III de 1996.
J’ai déjà partiellement évoqué cette affaire dans la deuxième partie de ce billet. C’est en février 2011 que Philippe Collombert, professeur d’égyptologie à Genève, révèle publiquement, preuves à l’appui, que le livre de Violaine Vanoyeke a été copié sur celui de Pierre Grandet, publié trois ans plus tôt.
Son article, complété par une annexe qui met en parallèle des extraits des deux ouvrages, est publié sur le site internet de l’Université de Genève[7], dans une importante section animée par Michelle Bergadaà, professeur à la Faculté d’économie et de management, et consacrée à la lutte contre le plagiat académique[8]. Un contributeur de Wikipédia signale l’information dans la section « accusations de plagiat », section à maintes reprises supprimée par Violaine Vanoyeke et rétablie par les administrateurs du site.
Dans sa tentative de modification déjà citée du 25 mai 2016, elle insère le commentaire suivant, confondant l’animatrice du site et l’auteur de l’article : « EN QUOI M BERGADAA TOTALEMENT INCONNUE EST ELLE CAPABLE DE JUGER DES TRAVAUX DE V VANOYEKE QUI PASSAIT 8 MOIS DE L ANNEE SUR DES CHANTIERS DE FOUILLES? »[9]
Dans les années qui suivent la publication du texte de Philippe Collombert, le site reçoit d’étranges messages, dénonçant pêle-mêle un article honteux qui relève de la diffamation, une jalousie déplacée et puérile, d’obscurs universitaires et des pseudo historiens sans notoriété qui ne trouvent jamais d’éditeurs ou ne vendent aucun ouvrage. Certains correspondants affirment avoir longuement travaillé en Egypte avec Violaine Vanoyeke.
L’un de ces messages, daté du 21 janvier 2013, est signé « Pierre Gendre, universitaire et chercheur », un autre a été envoyé le même jour, au même moment (sept minutes plus tôt) par « marie france Bau, professeur et archéologue » dans une « université américaine » qui n’est pas autrement précisée.
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Ami lecteur, tu sens venir le truc, tes neurones carburent…
Tu subodores que « Pierre Gendre universitaire et chercheur » n’existe pas ; effectivement, on ne trouve aucune trace nulle part de ce supposé universitaire. L’auteur du message en question, en signant ainsi, a pu avoir en tête le nom de Pierre Grandet, l’auteur plagié, qui l’aurait inconsciemment inspiré(e).
Tu aimerais demander à « marie france Bau, professeur et archéologue », dans quelle université elle travaille. Ça tombe bien, elle indique un numéro de téléphone, dont voici les six derniers chiffres : 89 38 33[10]. L’indicatif du pays (30) correspond à la Grèce, ce qui est tout à fait plausible, puisque madame Bau se présente comme archéologue et peut donc résider là-bas tout en étant rattachée à une université américaine.
Immense déception : ce numéro n’est pas attribué…
Mais le hasard / la chance / Dieu / le destin[11] usent parfois d’étranges détours pour venir en aide au détective en panne. En feuilletant le numéro de janvier 2014 du bulletin municipal mensuel de la bonne ville de Douai, Douai notre ville, un lecteur un peu attentif découvrira, page 8, un entrefilet annonçant un nouveau roman de Violaine Vanoyeke, Taousert reine d’Egypte. Au bas du texte, les coordonnées de l’attachée de presse :
Et voilà : « chu » ayant chu, Marie-France Bauchu s’est transformée en « marie France Bau », créditée d’un numéro de téléphone à peine modifié : les trois dernières paires de chiffres « 33 89 38 » sont devenues « 89 38 33 ».
Cette attachée de presse (accessoirement archéologue) est décidément très dévouée à son auteur, jusqu’à assurer le service après-vente. Quand le site Zonelivre, consacré aux romans policiers, présente la série des « enquêtes d’Alexandros l’Egyptien »[12], il reçoit une appréciation très positive:
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On finit par ne plus s’étonner de rien.
(à suivre)
[1] « Jusqu’à 6 ans, un enfant qui fabule n’a pas l’intention explicite de tromper l’autre. Il peut vouloir exprimer un désir ou un fantasme qu’il prend pour réel. L’imaginaire et le ludique prennent alors le pas sur la réalité et/ou la vérité. La fabulation permet alors à l’enfant de s’évader de la réalité. » Yves-Hiram Levy Haesevoets, Enfances & Psy 2011/4 (n° 53), page 87.
[2] « Pour comprendre la psychologie du déguisement, il faut savoir que l'enfant qui se déguise s'identifie pour de bon à des personnages imaginaires et produit des situations interactives où la cohérence passe par cette identification : en d'autres termes, l'habit fait ici le moine... » Patrick Boumard, Cerveau et Psycho n°20, mars 2007.
[3] https://www.europe1.fr/culture/Academie-francaise-dix-candidats-un-fauteuil-311438
[4] L’article consacré à Charles Guiteau dans le Wikipedia anglais n’est pas inintéressant. On peut y lire : « He published a book (…) called The Truth (« la vérité » ! Cela ne s’invente pas…) which was almost entirely plagiarized (tiens, tiens…) from the work of Noyes » et « Spitzka (le médecin qui l’examina lors de son procès) came to the conclusion (…) that Guiteau was a "morbid egotist" with "a tendency to misinterpret the real affairs of life". On y apprend également que Charles Guitaud était maladivement obsédé par l’idée de sa propre célébrité, et que, certain d’être acquitté, il avait déjà planifié une série de conférences après sa sortie de prison.
[5] https://www.youtube.com/watch?v=JnHYBrPcocE
[6] Je n’insiste pas sur « les agrégations », « les titres », les « découvertes » que s’attribue madame Vanoyeke, et qui relèvent de la pure fiction.
[7] On peut consulter cet article ici : http://responsable.unige.ch/top/les-cas-ecole/duplicate-of-rams%C3%A8s-iii-vs.-rams%C3%A8s-iii.html
[8] Depuis 2016, le site est hébergé par l’Institut de Recherche et d’Action sur la Fraude et le Plagiat Académiques.
[9] On pourra au passage remarquer que pour elle, la notoriété est un gage de compétence et de crédibilité.
[10] Pour des raisons de confidentialité je n’indique pas le numéro complet, mais cette précaution va s'avérer inutile...
[11] Rayer les mentions inutiles…
[12] https://polar.zonelivre.fr/violaine-vanoyeke-serie-les-enquetes-d-alexandros-l-egyptien/