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Billet de blog 13 avr. 2022

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Syndrome de Stockholm social

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Illustration 1

La page Wikipédia consacrée au syndrome de Stockholm le décrit comme la "manifestation inconsciente de survie" d'une victime à l'égard de son agresseur -un preneur d'otage dans le cas de l'affaire qui a donné son nom à ce syndrome en 1973-. Elle se traduit par le désir de s'attirer la sympathie de son "bourreau", et à en faire preuve réciproquement à son égard. Par ce "dispositif" psychique, La victime peut ainsi se croire hors de danger.

Un corps social maltraités sur longue période serait-il à même de développer un syndrome de Stockholm social ? Autrement dit, se pourrait-il qu'une part significative du corps électoral ait voulu, par son vote en faveur d'Emmanuel Macron, signifier un geste de "sympathie" à l'égard de celui qui le maltraite depuis 5 ans, afin de s'attirer réciproquement et symboliquement son empathie, et donc corrélativement, l'atténuation de sa souffrance ? 

Certes, il ne fait aucun doute qu'une part significative de l'électorat français est favorable à l'idéologie néolibérale incarnée si fondamentalement par E. Macron. Il est aussi tout à fait certain qu'une autre part de l'électorat, bien qu'ayant des réserves à l'égard du dogme de l'Etat au service servile du marché, n'en ressente pas (du moins pas encore) les effets sur son mode de vie. 
Dans les deux cas, l'engagement électoral en faveur du candidat Macron n'est précisément pas un en-gagement -rien n'est mis en gage- puisqu'il n'est motivé que par la pérennisation de sa propre situation matérielle. Il s'agit d'un vote socialement égocentré.

Qu'en est-il des autres ? De celles et ceux dont les politiques de destruction méthodique des conquis sociaux opérés ces 5 dernières années (et les précédentes) impactent directement la sécurité sociale au sens propre? Pourquoi renouvèlent-ils/elles ce contrat de dupe?
Se pourrait-il qu'ils soient animés par un espoir inconscient de voir leur geste électoral récompensé par celui qui en a bénéficié?

Afin de développer l'hypothèse proposée, attardons-nous sur trois des caractéristiques du syndrome de Stockholm.
La première est un profond sentiment d'impuissance ressenti par la victime. Pour survivre, elle se décale d'elle-même dans un réflexe d'auto-protection.
La seconde est une dépendance totale instaurée par l'agresseur dans le but de briser l'autonomie de sa victime.
Et enfin, la troisième caractéristique est l'hostilité que développe la victime envers les institutions qui tentent de l'extraire de sa captivité (les forces de l'ordre et/ou les institutions judiciaires, dans le cas d'une prise d'otage).

Commençons par le sentiment d'impuissance. 
Il est particulièrement opérant lorsque l'on évoque le corps social et il est constamment entretenu à tous les niveaux.
Physique d'abord. Violences policières et nassage systématique des manifestations. Déploiement de caméras de surveillance et de drones. Ultra concentration structurelle des pôles d'activités, et par conséquent des lieux d'habitations. Et, à la faveur de la pandémie, confinements successifs...etc.
Psychique ensuite. Mantra des "réformes structurelles" inévitables et rationnelles (sic) relayée par une sphère médiatique hégémonique. Captation de la presse d'information par une poignée d'oligarques capitalistes. Cadrage stricte des sujets politiques soumis au débat. Déploiement, imposition quasi forcée, ou conditionnement extrême à l'utilisation de marchandises ou de dispositifs de toutes sortes : smartphones, démarches administratives numérisées sans alternatives, déshumanisation des services...etc.
Sans parler du chantage à la survie matérielle organisée et entretenue par le marché de l'emploi.
Toute cela participe à pousser le corps social à se décaler de ses désirs propres, en intégrant son impuissance comme une donnée immuable.
La maxime du néolibéralisme n'est-elle pas "There is no alternative" ?

La dépendance instaurée par l'agresseur, ensuite. Elle s'est particulièrement bien incarnée dans le contexte des tensions géopolitiques extrêmes découlant de l'invasion russe. La nécessité de conserver le même chef de l'Etat a été massivement survalorisée afin de la poser comme la garantie d'une "mise à distance" pérenne du conflit européen.

Enfin, si l'on part du principe (objectif) que le programme politique qui se posait le plus ouvertement dans une démarche d'émancipation -et donc, d'une certaine manière, d'un assouplissement potentiel du joug néolibéral imposé au corps social- était celui de La France Insoumise, alors il est logique (toujours dans l'hypothèse du syndrome posée) que l'hostilité d'une part significative de l'électorat abimé par le quinquennat finissant se soit portée sur Jean-Luc Mélenchon.
Et force est de constater que les déclarations du type "c'est le meilleur programme, mais je n'aime pas Mélenchon!", "je suis de gauche mais je ne peux pas voter pour lui", "il me fait peur", "je n'ai pas confiance"...ont pullulées.


...En dépit des limites de cette analogie (je doute qu'un trouble psychique individuel soit si aisément transposable à une échelle collective), et des nombreuses autres données qu'elle éclipse (l'omniprésence de l'idéologie raciste du paratonnerre Zemmour, notamment), elle permet sans doute de conscientiser un certain nombre de faits objectivables. Hors, sans une analyse lucide de notre condition, difficile de reconstruire une alternative volontaire et désirable.
Voter contre ses propres intérêts relève d'un profond désespoir que l'on est (moi le premier) parfois un peu trop vite tenté d'assimiler à la seule bêtise.
Cela sera difficile, mais il faudra tâcher de l'avoir à l'esprit lorsque, le 24 avril prochain, le visage du/de la prochain.e agresseur.euse sociale apparaitra sur nos écrans et nos journaux.

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