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Fabian Cheret (Belgique)

psychanalyste (psychologie clinique, ULG, Belgique, 1999)

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Billet de blog 14 décembre 2025

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Je m'appelle Fabian, j'ai eu la chance de connaître mes 12 ans

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

1ère version : 09/06/2025

Actualisation : 14/12/2025

À FXF.XYZ pan (fait le bruit de l'arme contre sa propre tempe !), et d'autres...

J'avais oublié cet article. Il vient de m'être rappelé, avec bonheur, par plusieurs pauvres mecs flics.

Aussi, je le publie à nouveau.

Mon expérience intime de la nuit, de la nuit au contact à la fois de bons policiers mais aussi d'atroces pseudo-mâles se cachant sous leur uniforme, me conforte dans ma position : la police sera toujours du mauvais côté de l'évolution sociétale tant qu'on y recrutera des masculinistes, (jeunes) hommes ou (jeunes) femmes. Et, presqu'en 2026, d'entendre beaucoup de garçons, de jeunes d'hommes et d'hommes portant l'uniforme ou aspirant à le porter, voire des jeunes filles qui maintenant luttent contre leur identité de genre en se conformant aux codes masculinistes de la police, de l'espoir en un devenir policière (elles n'utilisent d'ailleurs que très peu le féminin quand elles parlent d'elles et de leurs désirs...), je peux vous dire que le masculinisme qui veut faire régler l'ordre n'est pas du tout mort. D'autant plus que, maintenant toujours, il est soutenu par des hommes de loi qui pensent, aussi, que la réponse aux maux de notre époque serait la force... Pauvres hommes qui -pour la plupart j'en suis certain- baissent les yeux, retiennent leurs larmes et se serrent l’entrejambe quand maman fronce les sourcils ou élève la voix !

À onze ans, je me promenais souvent le long de la route qui jouxtait la propriété de mes parents en m'inventant ma vie future. À onze ans, je me demandais quand mon corps allait changer comme celui de mes copines qui avaient leurs premières règles et les seins qui commençaient à prendre forme. À onze ans, je cherchais le moindre poil sur mes joues pour pouvoir le raser en espérant que d'autres apparaissent. À onze ans, j'admirais les grands ados du village et je voulais faire comme eux pour me sentir, moi aussi, grand. Par exemple, je piquais les V2000 ou revues cochonnes de mon père, les leur amenais et les regardais avec eux, tout en ne sachant pas très bien ce qui m'intéressait le plus : ce que nous regardions ou ce que nous faisions entre nous... Je m'en sentais un peu plus adulte, un peu moins gamin... À onze ans, je ne jouais donc plus au docteur, mais « essayai » ma première copine en chair et en os pour faire, aussi, comme les grands du village. Une autre fois, je piquai les clés de la voiture de mon père et, voulant montrer aux autres que je pouvais la démarrer, j'heurtai l'arbre devant lequel elle était garée. À onze ans, en juin 1983, je préparais mon Certificat d’Études de Base en espérant ne pas décevoir mes parents et pouvoir passer dans la « grande école ». À onze ans, où je vivais, je pouvais être naïf et me sentir protégé par la police...

Tout.e criminologue, tout.e sociologue, tout.e psy quelque peu sensibilisé.e aux questions de sécurité publique et (para)judiciaires le sait : quand la police s'en mêle, c'est souvent pire (souvent ne veut pas dire toujours !). Il est d'ailleurs tout à fait possible d'envisager la sécurité sans le modèle libéral sécuritaire policier (1). Quel souvenir atroce ai-je encore de l'encadrement sécuritaire de ce jeune homme, très jeune homme mais certes violent, que trois policiers m'amenèrent saucissonné à outrance parce qu'il avait commis une tentative de meurtre sur un parent violent et avait planté une fourchette dans la main d'un.e de ses éducateur.trices en centre fermé. Dans un premier temps, impossible que la police me laisse seul avec lui. Impossible que le saucisson soit rendu humain dans mon cabinet. Et pourtant, il disait simplement ce qui le rendait violent ce gamin : une voix qui lui criait dessus de manière trop forte. Ce gamin était maltraité selon des pratiques éducatives barbares d'une culture masculiniste. Ma voix lui convenait. Mon regard lui convenait. Mais je me suis laissé faire : j'ai laissé la police guider mes premiers entretiens. Jusqu'au jour où c'est une policière qui est venue avec lui et l'a laissé seul avec moi. Je n'ai qu'un regret : avoir, dans un premier temps, écouté les flics plutôt que mon jeune patient. J'aurais du les obliger à rester dehors, quitte à ce qu'ils ne veuillent pas laisser ce jeune garçon avec moi. Un psychanalyste ne cède pas sur son désir, j'ai cédé sur mon désir au nom de leur propre peur ! 

Mais si les gens ont besoin d'être (faussement) rassurés par l'existence policière, par le surnombre policier comme les gouvernements ne cessent de le leur promettre en espérant qu'ils se contenteront d'être comme Sainte-Anne, comment éviter ce pire ? Comment avoir une police qui garantisse un mieux ? Celleux qui ont voté GLB pour plus de sécurité doivent d'ailleurs être bien déçu.es...

Pour changer un système problématique, il faut supprimer le pouvoir de sa tête, de l'hydre qui le supporte, la manière dont les troupes sont recrutées et managées, surtout à notre époque. À défaut, il ne fait que se cacher sous des aspects consensuels, pour mieux revenir par la suite sous cette forme problématique, souvent accentuée et plus décidée. Une vraie direction est une direction subversive du pouvoir au sens masculiniste.

En Belgique, il y a tout juste une semaine (1ère publication), le lundi 02 juin 2025, un petit garçon de onze ans est mort percuté par la folie d'un policier au volant de son véhicule de service, en service, dans un parc de Bruxelles. Le banal en cause de l'horreur est l'usage d'une trottinette électrique par le gamin... Course-poursuite... Adrénaline de flic ! Mort ! « Reste avec moi », « reste avec moi » entend-on sur une vidéo, d'une voix naïve et marquée par la jeunesse de l'homme dont la prise de conscience de sa connerie se hurle sur le petit corps de sa victime... Trop tard ! Combien d'hommes n'ont pas les mêmes réflexes après avoir déconné ? Je l'ai encore vu et entendu ce vendredi 12/12/2025 pendant la nuit, lorsque quatre petits cons se sont pris la borne centrale d'une avenue au volant de la berline de papa, voire de la berline louée ou volée ! Je suis certain que leurs dires face aux flics -la berline était foutue et une ambulance a du être appelée- étaient plein de justifications paniquées ou de silences de fausse soumission. Et les jeunes flics n'en avaient égard qu'à la hauteur de leur propre jouissance : vous les aviez déjà vus passer ces p'tits cons-là, Monsieur ?

On pourrait débattre des heures sur les conditions de la poursuite dans le parc de Bruxelles. Ou d'autres survenues, trop survenues, depuis. Ça ne ramènera pas Fabian. Pour ma part, j'espère juste que ce débat permette que le policier en cause et son coéquipier s'en retrouvent devant la cour d'assises. À l'heure actuelle la presse parle d'homicide involontaire. Pourtant, quand je prends ma voiture et que je roule comme un fou, ne suis-je pas conscient que je peux tuer quelqu'un ?

Néanmoins, le flic cowboy conducteur, âgé de quelques vingt cinq ou vingt six ans, et son coéquipier sont-ils les seuls à devoir répondre de ce qui a engendré la mort du petit Fabian ?

Certainement pas !

Nos rues sont truffées de jeunes cons qui ont besoin de pousser sur le champignon pour se sentir en vie.

En juin 2025, j'écrivais : non loin d'un bar du monde festif de la nuit où je me rends à Liège, le vendredi ou le samedi au milieu de la nuit, la route se transforme souvent en circuit de course. En décembre 2025, je peux généraliser en écrivant : près d'un bar festif où je me rends la nuit à Bruxelles ou à Paris... A Liège, il vaut mieux ne pas arriver par l'un ou l'autre sens de la route quand les berlines s’emparent du lieu. Avant, toujours à Liège, deux des protagonistes bloquaient la voie par précaution pendant que deux autres faisaient leur stupide jeu. Ils ne prennent même plus cette précaution. La police ? Jamais vue. Jamais vue là... Par contre, pour ennuyer les éventuel.les prostitué.es et leurs clients qui ne sont pas loin, ils sont souvent présents. Les gars qui se livrent à ce type de vroumvroum doivent avoir un peu plus de vingt ans, et sont fiers des émois qu'ils provoquent au-delà de ce qu'ils ressentent personnellement. Il suffit de voir leurs sourires lorsqu'ils croisent nos visages inquiets, ou les entendre lorsque l'un.e ou l'autre témoins les interpellent. La jouissance de leur vroumvroum dans leur corps et dans leurs pensées n'est pas sans lien aux affects qu'ils provoquent chez les témoins. Les deux affects sont interdépendants : pas de jouissance pour soi s'il n'y a pas d'effet sur l'autre. Dans ce cas, c'est une drôle de jouissance qui est en jeu puisque, pour frissonner, ils doivent provoquer la peur et l'angoisse chez l'autre, peut-être même sans en être conscients. Dans la vie affective et sexuelle, cette jouissance s'appelle la perversion. Mais peu importe, l'essentiel est autre.

Je me répète, nos rues sont truffées de jeunes cons qui ont besoin de pousser le vroumvroum pour jouir de la vie. De faire du muscle avec une bagnole. De montrer le pouvoir qu'ils ont (soi-disant) en usant ainsi de leur joujou.

Le recrutement des policiers laisse-t-il ce type de jeunes de côté ? LOL !

Et peut-on imaginer qu'une ou deux années de formation à l'école de police changent les choses ? Il faut être naïf.ve pour le croire ! RE-LOL !

La société n'est-elle d'ailleurs pas en train de pousser à son extrême le modèle des indiens et des cowboys ? N'est-ce pas ce qu'on voit quand on a affaire à de jeunes flics ? Le masculinisme qui refait surface un peu partout laisserait-il indemne le jeune monde policier ? RE-RE-LOL !

Il y a quelques mois, dans le même lieu festif de la nuit que celui évoqué plus haut, sous le prétexte de la drogue et d'agressions qu'ils n'arrivaient pas à enrayer (il a fallu plus au moins douze agressions, toutes menées selon le même modus operandi, pour que ET la police ET la justice agissent réellement...), la police venait régulièrement faire des contrôles, parfois de la prévention. La plupart des agent.es étaient correct.es. Certain.es manifestaient clairement leur incompréhension du festif en cause, mais gardaient un jugement réservé. Par contre, deux jeunes mecs flics, un vrai couple (lol!) ne pouvaient s'empêcher de poser leur autorité, notamment face aux hommes de mon âge. Leurs propos étaient déplacés pour leur fonction. Leur jeu consistait, au nom du pouvoir de leur uniforme, à faire vider le lieu en intimidant ou en menaçant de PV. Dans ce lieu, nombre de femmes, de X et d'hommes viennent sous le couvert de l'incognito. C'est un des principes de base de la maison et des alentours. Contrairement à tous leurs collègues, ces deux petits coqs à l'odeur de maïs encore prémâché en usaient pour faire fuir l'un.e ou l'autre. Ne cédant pas à cette pression, par deux fois, ce joli couple de coquelets me menaça en me disant de « retourner dans mon lit devant ma télé et d'essayer de dormir ». La voix utilisée, toujours par le même (et détrompez-vous, ce n'était pas le dominant du couple...), était très différente lors de l'énoncé de cette injonction en considération des autres moments où il me parlait. Il y avait quelque chose de très personnel dans ce dire et dans la manière de le dire. La suite du contrôle fut d'ailleurs un enfer à partir du moment où je lui demandai si c'était ainsi qu'il finissait ses journées après le boulot et la salle de muscu. Lors du premier contrôle, je lui demandai avec un air compatissant exagéré si, au moins, il n'était pas seul dans ce lit. C'est ainsi que j'ouvris la porte de l'enfer. Un enfer jusqu'au moment où il se rendit compte que je filmais nos échanges (en refusant d'arrêter tant qu'il n'avait pas allumer sa bodycam)... Lors du second contrôle, quelques semaines plus tard, il suffit que je lui dise que j'étais content de les revoir pour que les épaules et le ton s'affirment. S'affirment jusqu'au moment où j'enclenchais discrètement la caméra de mon iPhone ; ce qu'il remarqua et lui fit me dire : ne rentrez pas trop tard dans votre lit, espérons que vous trouverez vite ce que vous cherchez. LOL ! Quelle naïveté de jeunesse... Il fallut encore quelques mois au cours desquels ce couple maléfique de deux jeunes flics paranos sévirent avec plusieurs client.es pour qu'on ne les revoie plus. Parfois, ils passent lentement devant la boîte, son parking et les alentours. Mais il est évident qu'on leur a dit de fermer leur gueule et de ne plus se mêler des contrôles en ce lieu, de laisser faire leurs collègues...

Dernièrement, j'observais en retrait une manif de jeunes militant.es anti-fascistes dont la cause me touche. J'observais de loin mais suffisamment de près pour voir l'essentiel. De loin, car je suis convaincu que la jeunesse progressiste doit prendre le lead de notre époque, et que nous vieilles et vieux progressistes nous devons nous consacrer à les y aider dans l'ombre. Notre société aime trop le bruit des bottes qui reclaquent, en croyant que, soi-disant, l'ordre au sens libéral du terme pourrait ramener les normes qui se sont effacées ou remplir les portefeuilles des plus démunis... Quelle connerie ! Mais on est bien pris dans cette connerie de nos jours... Bref... Pour cette manif, il fallait être bien naïf.ve pour ne pas se rendre compte d'une double présence policière. Les nombreux.ses discret.es en civil qui commentaient ce qui se passait à leur oreillette. Les nombreux.ses uniformes. Ils avaient l'assurance d'être soutenus par une rectrice qui incarne magnifiquement l'antiféminisme et la honte de sa formation. La provocation de la police était palpable. Bien évidemment, elle n'était pas franche. Elle se jouait dans les regards et dans les corps à corps. La police est bien entraînée à ce que ce soit les mots et le corps de l'autre qui franchissent en premier la ligne rouge. Quel régal quand ça arrive. Après avoir soumis, iels peuvent matraquer, gazer, humilier !

D'où vient cette présence masculiniste malsaine au sein de la police ? Comment s'y entretient-elle ?

Par le recrutement et par le management.

En effet, comment les flics sont-ils recrutés en Belgique ?

D'abord, on vérifie les corps, la force et l'endurance. Ils doivent correspondre aux attendus physiques de la profession telle qu'envisagée en interne et, souvent socialement : des FORCES de l'ordre...

Ensuite, on mesure leurs capacités de raisonnement, puis de réaction situationnelle. Vous savez, les petits livres que l'on peut trouver à côté des mots croisés dans les grandes surfaces... Et que vise cette mesure ? La névrose obsessionnelle, voire mieux la paranoïa non déclenchée. Le respect de la loi est intégré jusqu'au fond de l'anus, le respect de la loi pour l'autre qui garantit la loi pour soi, évidemment... Tout est carré. On ne la leur fera pas ! LOL ! On n'accepte que des hommes bien CIS, et des femmes qui peuvent se séparer de leur féminité pendant le service. L'obéissance (en apparence) est la clé du succès. L'autonomie de pensée est limitée aux ordres du chef (je pense plus correct de n'indiquer que le masculin). Faudrait quand-même pas qu'on mette des hystériques ou des mélancoliques sous les gyrophares ! LOL !Et encore moins des trans ! Quelle horreur...

Et comment les manage-t-on ?

On les met par duos et par équipes le plus souvent fixes. Quand les équipes doivent changer, les nouvelles équipes ou les duos temporaires ne sont pas faits au hasard, ils se connaissent. Ainsi, les duos ou équipes deviennent des couples ou des groupes qui développent leurs propres règles de fonctionnement, qui s'habituent à leurs propres règles de fonctionnement, et à leurs propres travers. Ça assure une interconnaissance soutenante en intervention. Pas besoin de se parler pour faire la force... Mais ça garantit aussi les dérives comme on peut les rencontrer dans tout couple qui se soutient... Vous imaginez deux jeunes mecs masculinistes entre eux, unis par des choses qu'ils ne maîtrisent sans doute pas consciemment, qui les dégoutteraient s'ils en avaient conscience, convaincus qu'ils peuvent faire la loi ? Ouftiiiiii ! Western.............

Si on veut changer la police, il faut changer le recrutement et le management des hommes et des femmes (et des quelques X recrutés avant leur transformation, of course) qui la composent.

Actuellement, ce recrutement et ce management soutiennent et renforcent le masculinisme malsain des jeunes flics !

Dans la triste situation de Fabian, la direction du recrutement de la police et le chef de corps de la zone dont relève Ganshoren ne sont-ils donc pas tout autant responsables des faits ?

Et qu'en est-il au 14/12/2025 dans de nombreuses autres zones de police ?

Que ceux qui m'ont croisé viennent me parler sans leur uniforme... s'ils osent ! Ça évitera peut-être à l'un ou l'autre de retourner son arme contre lui un jour (mais chacun.e est en droit de se suicider lorsqu'iel le souhaite, bien évidemment).  LOL de fin ?

(1) Ce constat-opinion éclairé s'appuie sur les travaux de Elsa Deck Marsault, Faire justice, Moralisme progressiste et pratiques punitives dans la lutte contre les violences sexistes, Paris, la fabrique éditions, 2023. Ils se complètent des travaux suivants : Amal Bentounsi et al., Police, Paris, la fabrique éditions, 2020. Mathieu Rigouste, La domination policière (édition augmentée), Paris, la fabrique éditions, 2021. Paul Rocher, Gazer, Mutiler, Soumettre. Politique de l'arme non létale, Paris, la fabrique éditions, 2020. Paul Rocher, Que fait la police ? Et comment s'en passer, Paris, la fabrique éditions, 2022. Claude Serfati, L’État radicalisé, La France à l'ère de la mondialisation armée, Paris, la fabrique éditions, 2022.

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