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Billet de blog 14 janvier 2015

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Charlie Hebdo : au-delà de l’horreur, raison garder

Le crime qui a été commis est évidemment abominable et doit être puni dans le cadre de la loi. Les commentateurs ont été particulièrement prudents pour éviter l’amalgame mais le risque n’est pas écarté. On voit déjà poindre ici et là des appels à « la laïcité », comme si la religion était la seule cause, et nul doute que les fans d’Eric Zemmour verront dans cet acte une démonstration éclatante de leurs thèses.

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Le crime qui a été commis est évidemment abominable et doit être puni dans le cadre de la loi. Les commentateurs ont été particulièrement prudents pour éviter l’amalgame mais le risque n’est pas écarté. On voit déjà poindre ici et là des appels à « la laïcité », comme si la religion était la seule cause, et nul doute que les fans d’Eric Zemmour verront dans cet acte une démonstration éclatante de leurs thèses. Alors essayons de raisonner un peu, ce qui fait d’ailleurs partie de l’urgence  numéro un qui est de vivre normalement et ne pas céder à la peur. Ne leur faisons pas le plaisir « d’avoir la main qui tremble » comme l’ont dit un certain nombre d’amis des journalistes assassinés.

Islamisme et islamophobie sont deux maux parmi d’autres dont souffre la société française contemporaine. « Islamisme » au sens d’un usage politique de la religion, que l’on cherche à placer au fondement du vivre-ensemble (via notamment la célèbre « charia »), à la place du politique ; « islamophobie » au sens où une partie de la société et de ses élites tendent à voir derrière tout musulman un islamiste rampant ou le début d’une invasion. Les deux sont à combattre, car ils sont contraires l’un à l’émancipation et l’autre à la vérité.

Quelles sont les causes ? Elles sont connues, c’est l’économie, l’austérité, la relégation de populations entières loin de l’emploi et de la citoyenneté. Il est important de les rappeler car elles sont bien peu apparues dans la manifestation de dimanche et dans les commentaires qui ont été faits. On a prié pour les victimes, on a manifesté pour la liberté d’expression et de conscience, on a dit que « l’Islam, ce n’est pas ça », et on a bien fait. Mais où étaient les reportages dans les cités et les « quartiers sensibles », où étaient les statistiques qui auraient pu expliquer comment des jeunes « bien de chez nous » en sont venus à chercher gloire et reconnaissance de cette manière-là ? Le Préambule à la Constitution de 1958 affirme que « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». On en est loin : là est le vrai problème.

Le fond sur lequel des jeunes partent à l’aventure est le chômage, une société consumériste futile (la fameuse Rolex à 50 ans), une morale publique délétère (les innombrables "affaires"), ou encore l'absence des organismes caritatifs, partis ou associations dans les zones dites "sensibles". Charles Pasqua regrettait à juste titre mercredi soir sur BFM TV que les jeunes aient été laissés à eux-mêmes. On aurait aimé qu’il se rappelle que du temps où il était ministre il ne leur avait envoyé que la police. Le problème de fond est que la France se comporte comme si elle ne voulait pas d’eux. Sans reconnaissance ici, certains cèdent et vont en chercher ailleurs.

Le délit de faciès, la discrimination à l’embauche, sur simple mention de la commune d’origine, du prénom ou du nom de famille, tout est abondamment documenté. Les criminels ont voulu attenter au vivre-ensemble, certes, mais s’ils ont cru pouvoir le faire c’est parce qu’il est mal en point. Toute personne qui regarde un arabe comme un arabe, un noir comme un noir, et non comme un Français à son égal, ou inversement tout arabe Français qui regarde un non-arabe Français comme un « Français », tout ça doit être combattu. Le gouvernement seul ne peut répondre à ces problèmes. Que chacun fasse aussi son examen de conscience et se demande ce qu’il ou elle n’a pas fait, et qui était en son pouvoir, pour qu’on en soit là.

Il est clair aussi que des mesures doivent être prises contre les extrémistes religieux de tous bords. Le renvoi des imams extrémistes, s'ils n'ont pas la nationalité française. Rappeler les catholiques radicaux à la raison, car il en existe, de même du côté juif. Au moins enjoindre les autorités d’agir ou de prendre clairement position, et de collaborer avec les autorités sur ce point-là. Des limites claires peuvent et doivent être fixées. La lutte contre l’islamophobie ne doit pas non plus se tromper d’adversaire, et faire le jeu des radicaux. L’équilibre est difficile mais important à trouver. Un engagement plus actif et plus visible des musulmans est important. Il est nécessaire d’engager le dialogue avec les parties de la population qui se demandent qui est cet Allah dont se réclament les assassins.

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