Aujourd'hui est le jour des funérailles et du recueillement. Des marques de soutien aux victimes et à leurs familles s'imposent. Les attentats ont touché une population majoritairement jeune, issue de multiples origines, et de diverses confessions. Comme cela a été noté par de nombreux observateurs, l'objectif semblait être de pousser une partie de la population contre une autre, en l'occurrence les musulmans contre le reste de la population. Le but des terroristes est d'encourager une guerre de civilisations, suivant dans leurs pas les propos de Samuel Huntington, l'un des faucons américains.
L'explication par la « race » et les préférences religieuses a aussi ses entrées à gauche, une partie de la critique dite « décoloniale » s'en tient un peu trop souvent à une opposition entre « les musulmans » pris comme un tout et un Etat raciste et secrètement catholique. Ne nions pas cette réalité : « l'islamophobie » existe, c'est un problème qui doit être affronté. C'est sur le plan culturel qu'il doit l'être, pour défendre ces acquis de la laïcité que la plupart des musulmans soutiennent avec force, sous peine d'ouvrir la porte à des guerres de religion. L'islam reste mal connu en France, il suscite trop souvent la méfiance. Les questions les plus délicates se situent à l'intérieur de la laïcité, elles posent la question de la définition de notre culture – noël, le calendrier et la semaine d'origine chrétienne qui rythme nos vies, les églises etc. sont-ils des repères indépassables ?
Contrairement à l'attaque du 19 janvier qui pouvait être abusivement récupérée comme exemplifiant une intolérance supposément proprement musulmane, réagissant contre un lieu se permettant de « blasphémer », les attentats du 13 novembre ont démontré que les terroristes n'ont rien de commun avec les musulmans français. La chose était si évidente que les partis islamophobes tels que le Front National ont été complètement rayés de la carte médiatique, alors qu'ils avaient pu pavoiser en janvier. La cible des attaques ne permettait plus la confusion : des lieux de vie, ouverts, multiculturels, multiconfessionnels, ce qui a été visé a été compris à tort ou à raison comme une certaine conception du vivre-ensemble.
Ces réalités du bien-vivre à la française sont une réalité. Le problème est qu'ils ne sont pas la seule réalité. Sept millions de travailleurs pauvres, des courants réactionnaires pour qui la France doit être blanche et catholique (qui se sont partiellement montrés lors de la marche contre le Mariage pour Tous), et un président « socialiste » qui depuis 4 ans explique que son objectif principal est d' « inverser la courbe du chômage », sans le moindre début de résultat, sinon l'adoption d'une politique de droite qui consiste à comprimer les salaires les plus bas (les « charges ») et laisser les plus hauts revenus s'envoler (on se rappelle de la tranche d'impôt à 75%). Ironie de l'histoire c'est le jour des funérailles nationales que les derniers chiffres du chômage sont tombés, démentissant une fois de plus la vanité du verbiage présidentiel et plus largement gouvernemental.
Rendre hommage aux victimes, manifester sa solidarité : oui. Mais pour les raisons que je viens d'énumérer, je ne sortirai pas de drapeau français. Je n'ai rien contre ce symbole national, qui peut avoir des connotations républicaines estimables, mais l'acte a aujourd'hui été récupéré par François Hollande, qui compte redorer un peu son blason en jouant au chef de guerre et au Père de la Nation en deuil. Le président actuel est coupable, coupable de n'avoir pas inversé la courbe du chômage, coupable de n'avoir rien fait pour arrêter de désespérer ces jeunes qui finissent par être séduits par les rabatteurs djihadistes, coupable d'avoir appauvri les pauvres et enrichi les riches, coupable de n'avoir rien fait, sur le plan démocratique, pour arrêter l'oligarchisation croissante de la France.
Les mesures à prendre pour les banlieures existent : elles sont dans le rapport Bacqué-Mechmache. Cet écrit n'a que le défaut d'être peu disert sur le plan économique. C'est là qu'il fallait articuler une politique de transition écologique fortement créatrice d'emploi, montrer que la France prend ses reponsabilités à l'échelle globale et n'est pas seulement cette puissance ex-impérialiste conservant son arrogance. 700 000 emplois dans la transition énergétique, potentiellement 1 à 2 millions d'emplois en passant en 100 % bio : l'ancienne revendication socialiste du droit au travail est toujours à l'ordre du jour. Avec un contenu différent du travail.
Pour toutes ces raisons, je mettrai une bougie, pas un drapeau. Et je manifesterai pour le climat.