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Billet de blog 21 nov. 2017

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Racisme "ordinaire"

Je veux juste témoigner. Mon fils de 13 ans est noir.

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Je veux juste témoigner. Mon fils de 13 ans est noir. Et, ces derniers temps, il a eu à faire face à des situations qui posent pour le moins problème.

Premier fait: alors qu'il promenait tranquillement son chien un samedi soir, il s'est fait tapé (coup de poing au ventre) par deux jeunes adultes, sans raison. La police ne voulait pas que je porte plainte : inutile car il ne connaissait pas ses agresseurs. Il m'a fallu batailler afin d'obtenir un dépôt de plainte. J'y suis pourtant allée avec l'argument qu'il était important que mon fils puisse constater qu'il y avait devant une telle agression la possibilité de recourir aux forces de l'ordre, à la loi... L'importance de penser pour un adolescent en construction qu'un acte possiblement  raciste n'est pas acceptable. Propos du policier à l'entrée:  moi aussi je pourrais être battu parce que je suis blanc.  J'ai tenu bon.  J'ai menacé. Je suis blanche. Aurait-il accepté de céder si je ne l'avais pas été ? Dans la salle d'attente du commissariat : des quantités d'affiche incitant à réagir en cas d'agression... Dépôt de plainte fait, je constate que le policier qui a pris la plainte l'a qualifiée comme "violence  aggravée".

Au collège. Le nombre de fois où certains enseignants le confondent avec d'autres élèves de peau noire ne se compte plus. Les confusions sont multiples et finissent par le blesser car il doit souvent rendre compte pour des élèves qui se comportent mal. Là encore, l'équation est vite faite : noir = noir = mauvais comportement.

Au collège. Il dessine en début d'année un requin. L'enseignante croit qu'il a décalqué car le dessin est très bon. Elle lui met zéro. Sauf que : mon fils dessinait des requins pendant ces années d'école. Un passion... impossible à imaginer pour cette enseignante. J'ai du convaincre mon fils de lui demander de dessiner un requin sous ses yeux. Il l'a fait. Elle s'est excusée, a changé la note.

Si je devais ici raconter tous les "petits" faits qui s'ajoutent ainsi au fil du temps, de sa scolarité ou de son existence dans la ville, cela ferait beaucoup. Je pense aussi que mon propos pourrait être mis en cause par certains comme une "exagération" ou un "problème" qu'aurait mon fils.  Et moi je sais : il ne se plaint pas mais parfois éclate car la répétition l'atteint. Et je dois lutter pour que, parfois, elle ne l'enferme pas dans la peur. C'est rude.

Heureusement, il lit et, comme il me dit souvent: "Les questions d'injustice, ça m'intéresse."Heureusement, il y a Aimé Césaire ou d'autres penseurs auxquels je peux le renvoyer (Collection des NON chez Acte Sud) . Et souvent je me dis que sans cette verbalisation permanente qui lui est possible parce que je peux lui en donner les outils, il aurait pu/ pourrait devenir violent.

Et comment lui en vouloir, lorsque si souvent, il est attaqué et nié dans ce qu'il est, mon fils adolescent.

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