Mr Le Capital,
Depuis huit jours, mes deux enfants de 5 ans, leur père (mon ex) et moi-même sommes « confinés » chez nous, avant même qu’on nous l’impose, conscients du risque que nous représentons dans la propagation et notre contamination du COVID 19.
J’avoue, deux jours avant, m’être largement moquée de tous ces « hypopo », écharpe sur le nez, gants de laine, sous des températures printanières, car moi, jeune femme de 35 ans en presque bonne santé (asmathique allergique ou quand ça ne tourne pas rond dans ma petite tête), mes enfants « asymptomatiques » et mon ex, 47 ans mais en forme de 30, on ne risquait rien.
Sauf qu’il y a eu certaines « fuites d’informations » que tes copains de notre gouvernement se gardaient bien de nous communiquer puis les premiers messages sanitaires n'etaient pas très rassurants. Aussi, on a vite compris que, finalement, on n’était pas tous plus forts que mamie Micheline et que si le COVID avait décidé de s’attaquer à nous sous sa forme la plus grave, alors on pouvait y rester.
Comme pas mal d’autres français, je me suis retrouvée devant ma télé, lundi dernier, ai tenté d’écouter (avec des enfants en bas âge, je t’assure que c’était une vraie prouesse) ton super pote, notre chef d’Etat.
Vous aviez dû vous rencarder avant parce que, bizarrement, jamais il n’a jamais employé le mot « confinement » préférant celui de « guerre ».
Et la nuance est de taille : un confinement prévoit le repli de chacun chez soi avec une continuité économique autour des besoins vitaux et sanitaires. La guerre, elle, assure une relative continuité économique au bénéfice de « l’effort de guerre », et cet effort est relatif aux priorités stratégiques à adopter...
Ton poto nous a assuré que les dispositions seraient prises afin que personne ne reste sur le carreau, enfin surtout pour tes supers potes les grands patrons et leurs salariés car, nous autres indépendants et petits patrons, en dehors de l’exonération de nos cotisations sociales, rien ne nous était proposé pour, juste, manger. Bref….
Chacun ne sait pas trop comment c’est possible (enfin certains si mais bon…) puisque depuis tellement d’années, on nous rabâche la « dette » à toutes les sauces, responsable de l’impossibilité à préserver notre Etat Social (protection sociale, services publics, droit du travail, politiques économiques budgétaires, monétaires, industrielles et commerciales de soutien à l’activité et à l’emploi, merci pour le rappel Christophe Rameaux)…
Car, depuis que je suis née, chaque fonction publique réclame des moyens et, depuis que je travaille, mes collègues hospitaliers alertent les pouvoirs publics quant à la dégradation de notre système de soins, les enseignants déplorent le fossé qui se creuse entre les enfants issus des classes dominantes et tous les autres, les collectivités territoriales avertissent quant à l’inégalité de moyens entre les territoires en vue d’assurer la continuité du lien social….
Ainsi, depuis que je suis née, tes copains à la tête de chacun des gouvernements, se sont tous entendus pour honorer votre pacte « d’amitié » en démantelant, petit à petit, chaque pilier de l’Etat Social, pourtant garant de la «richesse » de notre pays (une personne en bonne santé physique et morale est un travailleur qui ne cumule pas les arrêts maladie grâce à son épanouissement professionnel et personnel et, par la même est un consommateur qui nourrit et fait prospérer l'économie de son pays).
Bref, dès lundi soir, nous comprenons que la situation sanitaire du pays est suffisamment en détresse pour que nous restions chez nous. Et puis, cons que nous sommes, on se dit que tes copains créent les dispositions pour juguler cette crise sanitaire afin que, le plus vite possible, les ouvriers, salariés, indépendants, fonctionnaires et patrons te donnent encore plus les moyens de faire joujou.
A peine quelques jours après ces annonces, nous constatons que ces dernières se nuancent et que, finalement, en prévision de la crise économique qui se profile, les congés seront réduits, les temps de travail allongés et les conditions d’attribution du chômage partiel de plus en plus exigeantes, conduisant de nombreuses entreprises à devoir reprendre leur activité aujourd’hui, lundi 23 mars 2020. Et même le Conseil d’Etat, hier, a rejeté la requête du syndicat des Jeunes Médecins qui préconise un confinement total !!!!
Ayé, je comprends mieux votre com de lundi dernier !!!! Tes profits valent mieux que nos vies, ça, on l’avait compris !!! Mais autant nous dire franco qu’il te faut de la chair à canon pour ta guéguerre. On commence par les vieux et les malades, les fonctionnaires, les salariés des associations assurant des missions de service public, les caissièr(e)s des super-marchés, les commerçants de matériel médical…. A présent, la classe ouvrière…
Je t’entends déjà me dire « mais vous n’allez pas tous crever !!! ». Non c’est sûr… Par contre, combien d’entre nous ne serons pas « prioritaires » en cas de réanimation, combien contaminerons leurs enfants (et ceux des autres)…
Qui pourra vivre et qui devra mourir ???
Hier, tu malmenais nos quotidiens jusqu’à nous faire crever. Aujourd’hui, tu nous fais crever, tout court.
Tu préfères t’entourer de plaques de métal ou de plastique, d’intelligences artificielles plutôt qu’humaines. Ce virus est finalement une aubaine pour toi. Tes jeux de pouce me filent la gerbe.
Et puis, tu as tellement bien bossé, ah ça la valeur travail, ça te connait, qu’en proposant un chantage honteux à nos pays pour qu’ils nous coupent les vivres (attaques perpétuelles des conditions d’existence rendant de plus en plus difficile l’accès à l’instruction et la culture), tu as rendu idiots plusieurs d’entre nous.
A tel point que certains continuent, en période de confinement, à te gaver en commandant sur internet et à tuer certains de ceux qui les livreront. Parce que tu nous as appris à ne surtout pas supporter la frustration matérielle en nous édictant des besoins de propriété, histoire de faire, à notre échelle, un peu comme toi.
Alors ça y ‘est, tu l’as ta guéguerre. Ton arme : ce putain de virus, dont tu as largement favorisé l’émergence à force de retirer à la nature les moyens de nous protéger. Tes combattants, ces idiots que tu as créé de toutes pièces qui non seulement t’engraissent en travaillant pour toi mais en plus te reversent l’ensemble de leurs ressources. Tes règles, la concurrence libre et non faussée qui amuse tous tes officiers et dont les tactiques sont tout aussi cyniques que certaines pratiques nazies dont tu t’offusques publiquement mais dont tu trouveras toujours les leviers pour te faire du fric !!!!
Mes gamines entrain de retourner l’appart, mon ex me rabâchant que je suis trop « laxiste » avec nos enfants ou revenant sur chacun des motifs de notre séparation qui devrait être effective si nous n’étions pas tenus de continuer à vivre ensemble car nous n’avons pas assez de thunes pour vivre séparément, mes potes que je ne peux ni toucher ni embrasser et que je retrouve dans un encart sur mon téléphone, ma famille que j’appelle chaque jour redoutant qu’ils développent des symptômes peut-être irréversibles qui me priveraient d’eux pour toujours, chacun « joue le jeu ».
Toutefois, notre "game" à nous est vachement moins drôle que le tien.
Nous, on "joue" à rester en vie.
Alors, oui, j’ose employer les Grands et les Gros mots. Il paraît que cela pourrait décrédibiliser les idées que je soutiens.
Tant pis. Car aujourd’hui, avec mes enfants, mon ex, mes amis et ma famille, il ne me reste plus qu’eux pour te rappeler que tout le monde n’est pas dupe.
Au risque de te faire marrer deux minutes, je voudrais juste que tu ais à l’idée que, tout comme le cours de tes actions, nos comportements ne seront jamais suffisamment prévisibles pour toi.
Et j’ai comme l’impression que tu nous as créée une merveilleuse brèche....
Parce qu’à force de tirer sur la corde, à un moment, elle te revient en pleine figure… C’est le jeu….
Peut-être crois-tu encore que par la privation des libertés individuelles tu peux limiter les prises de consciences collectives ? Ce qui est bien avec toi, c’est que tu as mis tous tes œufs dans le même panier.
Toi aussi tu t’appauvris intellectuellement, c’est le risque quand on croit tout posséder, tout maîtriser.
Même si, sous différentes formes, tu fais ton grand retour dans chacune de nos époques, à chaque fois il t’est arrivé quelques pépins car, quand ce ne sont pas les personnes qui t’ont fait la peau (ou coupé la tête), c’est la nature qui t’a rappelé que tu n’es strictement rien contre elle.
Hé mon ptit bonhomme, t’es entrain de te couper l’herbe sous le pied !!! Parce que tu sais les glandus que tu as confiné chez eux, en dehors des réaménagements de leurs intérieurs, ce sont leurs intérieurs psychiques qu’ils sont entrain de découvrir. Car cette peur de la mort, que tu as réussis à nous révéler à tous, est entrain de nous réunir.
Nous réapprenons à nous soucier et prendre soin des uns et des autres, nous nous informons et comprenons que tes perspectives sont futiles.
Même repliés sur nous-mêmes, plusieurs initiatives d’entraide voient le jour et je suis persuadée que plusieurs d’entre elles disperseront des germes de pensées collectives. Toutes ces valeurs, qui ne sont autres que les raisons d’être des humains entre eux, que tu as largement piétiné, sur lesquelles tu as craché seront celles qui causeront ta perte.
Tout comme toi, ces réflexions communes, vont s’insinuer dans les affects collectifs (c’est une méthode que tu connais bien n’est-ce pas…) jusqu’à ce que les mécanismes projectifs et identificatoires ne se fassent plus au profit d’un « Avoir » mais d’un « Être ».
Ainsi et grâce à toi, nous construisons notre S-Avoir Être collectif et punaise, qu’il fait du bien…