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Billet de blog 9 novembre 2016

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Donald Trump élu président: triomphe de la beaufitude ou révolte des sans-dents?

La victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle a pris tout le monde (ou presque) de court; les commentateurs s'interrogent, les marchés financiers s'affolent (au moins momentanément), Marine Le Pen exulte, de même que Vladimir Poutine, Narendra Modi et Viktor Orban... Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans la tête des Américains? Et demain, la France, l'Europe?

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Cela passait quasiment pour une évidence: jamais les Américains ne seraient assez stupides pour se laisser majoritairement enfumer par les éructations et autres pitreries d'un gros bateleur, champion hors pair de l'obscénité. Les sondages réalisés dans la dernière ligne droite allaient tous dans le même sens. On imaginait même le basculement dans le giron démocrate d'États comme l'Arizona, la Géorgie ou le Texas. Et pourtant, le résultat est là, l'impensable s'est produit.

Huit ans après l'accession triomphale d'un Noir à la Maison Blanche et quatre ans après sa réélection certes moins triomphale (événements hautement symboliques dans un pays qui demeure taraudé par le racisme), environ la moitié des suffrages se sont portés sur le richissime candidat du parti républicain, qui avait fait de l'étranger un épouvantail tout au long de sa campagne. Six États remportés par Barack Obama en 2008 et en 2012 sont tombés dans l'escarcelle de Donald Trump, parfois avec des majorités très nettes, notamment dans le Rust belt, durement frappé par la crise de l'industrie.

Les discours moralisateurs, la désolidarisation de figures du parti républicain n'ont pas pu contrer le phénomène Trump; on peut même supposer qu'ils l'ont plutôt renforcé. Le détournement des urnes d'une partie des déçus de la présidence Obama a fait le reste.

Voilà donc un homme, pur produit de l'establishment américain, qui réussit l'exploit de se faire élire sur un discours anti-establishment. Plus c'est gros, plus ça passe, et ce n'est certes pas une nouveauté.

Le caractère atypique du président fraîchement élu réside principalement dans le fait qu'il n'a pas de carrière politique derrière lui, à la différence de Ronald Reagan, George W. Bush... ou Nicolas Sarkozy, qui, chacun à leur manière, ont su exploiter le filon.

Autocritique: j'avais moi-même (et je ne suis assurément pas le seul) sous-estimé l'ampleur du rejet du patriciat incarné par la candidate du parti démocrate, rejet qui a sans aucun doute pesé lourd dans ce résultat. En effet, bien que conscient des subtilités du système électoral américain et, partant, de la difficulté de se livrer à des pronostics, je m'attendais, jusqu'au petit matin de ce mercredi 9 novembre 2016, à un résultat serré, plutôt en faveur de Hillary Clinton.

Alors, on va entendre (ça a commencé une fois le résultat connu) les élites fustiger la bêtise, le racisme, l'inculture, etc., qui ont porté un populiste (horreur absolue) à la tête de la première puissance économique et militaire de la planète. Ben voyons, c'est tellement simple...

Le parti démocrate s'est progressivement coupé des petits blancs qui avaient longtemps constitué l'essentiel de son assise électorale; cette coupure est devenue manifeste sous la présidence de Bill Clinton. C'est ainsi que la Virginie Occidentale, vieil État industriel et longtemps bastion démocrate, vote régulièrement pour les candidats républicains depuis une quinzaine d'années.

En outre, les nouvelles cibles de ce parti (jeunes, minorités ethniques) qui avaient fortement contribué au succès de Barack Obama, se sont, semble-t-il, moins mobilisées lors de ce scrutin, le président sortant n'ayant pas été à la hauteur des espérances placées en lui.

Et chez nous, alors?

Le parti "socialiste" s'est lui aussi détourné de ceux qui plaçaient leurs espoirs en lui, par sa conversion au TINA (there is no alternative), parce que l'Europe, parce que la mondialisation...

Au premier chef, l'actuel président de la République, issu de cette formation, qui avait pour mission historique de réconcilier les petits, les sans-grades, etc... avec leurs dirigeants. Il a failli, d'abord en trahissant délibérément ceux à qui il devait sa victoire, et pour finir par ses bavasseries futiles avec des journalistes...

Comment s'étonner, alors, que des petites gens, pas forcément des abrutis ni des monstres sans vergogne, en viennent parfois à céder aux sirènes du populisme (mot dérivé de peuple, tout de même) quand des intellectuels style BHL ou des politiciens formatés par l'ENA, sans parler des eurocrates, totalement à l'abri du besoin, leur retirent toute raison d'espérér un avenir meilleur et les morigènent à la manière de maîtres d'école faisant face à des enfants indisciplinés?

Bien sûr, il ne faut pas être insensible aux malheurs de la Syrie ou de l'Érythrée. Mais faut-il pour autant traiter avec le plus grand dédain les aspirations de nos invisibles (dixit Marine le Pen) sous prétexte que leur sort est moins dramatique?

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