Nous avons tou-tes été mis-es en position d'être témoins de ses infractions, car ce sont bien des infractions. Gérard Depardieu doit répondre, même à l'étranger, des lois françaises qui caractérisent le délit de harcèlement sexuel au travail dont il se rend coupable à l'égard de son interprète. Cette dernière, en effet, ne peut que difficilement s'extraire de sa situation professionnelle. De grâce, patrons, salariés ou clients qui me lisez, ne croyez pas les avocats de l'acteur qui prétendent que vous seriez autorisés à proférer des propos, non pas "graveleux", mais des insultes misogynes telles que "salope" ou des remarques sexistes selon lesquelles "les femmes qui aiment le cheval aiment autre chose". Aucune femme n'a à subir ça au travail, ni ailleurs !
Ces mêmes avocats osent reprocher à l'actrice Anouk Grinberg, qui dénonce aujourd'hui les agissements de l'acteur, d'avoir participé à un tournage à ses côtés il y a un an et demi. C'est le monde à l'envers ! Ce serait aux femmes, victimes ou témoins de tels actes dans leur milieu professionnel, de s'exclure et de se discriminer ? Quand on sait comment fonctionne le monde du spectacle, que les actrices ne bénéficient pas de CDI, et qu'elles sont soumises aux aléas des opportunités, au gré de leur popularité ou des désirs des producteurs et réalisateurs ?
Gérard Depardieu n'aurait pas été assez soutenu ? Au contraire, le "monstre sacré" a bénéficié de protections durables, pour des faits pourtant documentés. En 2017, par exemple, sortait la bande-dessinée de Mathieu Sapin, appelée "Gérard, 5 années dans les pattes de Depardieu". Son contenu n'est pas fictionnel mais documentaire. Il raconte les déplacements de l'auteur avec la star de cinéma, et l'une des planches restitue ce dialogue : Gérard dit "Elle portait un string, j'ai senti la ficelle quand j'ai passé la main sur son cul", à quoi Mathieu répond : "Ah, c'est pour ça qu'elle est partie en tirant la gueule ?" La planche porte comme titre dédramatisant la situation : "Gérard a un don d'observation redoutable" tandis qu'un dessin ridiculise la victime, en l'occurrence la nièce du Président d'Azerbaïdjan, dessinée en train de s'éloigner avec des petits nuages de mécontentement sur la tête.
L'année dernière, le réalisateur Yann Moix aurait, d'après ses propres déclarations au Figaro, organisé une projection de son film sur Gérard Depardieu en Corée du Nord, à ses amis dans les locaux d'Europe 1. Il aurait aussi, toujours selon lui, publié l'œuvre sur Viméo "avec l'accord de Gérard", précise-t-il, et fait tourner un code d'accès à des amis. C'est donc Gérard qui existe comme sujet, pas madame son interprète. Quels extraits sont montés dans ce film ? A-t-il demandé à cette interprète si elle souhaitait que ses potes s'amusent de sa situation sur une vidéo "pirate", comme Moix s'est plu à la nommer ? Et la fillette de dix ans ? A-t-elle envie d'exister dans ce dark web d'un nouveau genre pour élite française, soumise à son insu aux propos dégueulasses du prédateur et aux commentaires du fan club de ce film souterrain ? "Vous donnerez le code aux gens que vous aimez, ce sera un cadeau pour qui mérite de le voir", ajoute Moix en regrettant que des personnes fassent aujourd'hui "semblant d'être choqués, on est dans une société qui se fait croire à elle-même qu'elle ne peut plus rien dire".
Le plus effarant à mes yeux, est d'avoir si bien deviné, je crois, dans la vidéo du Figaro, la nature des échanges de rires et de sourires complices entre lui et l'interviewer. Cette complicité, cette dé-responsabilité, ce sexisme aux multiples facettes, pédocriminelle et raciste entre autres, doivent enfin s'arracher de l'omerta. Il faut arrêter de séparer les hommes des artistes, parce que ces hommes nichent la violence jusqu'au sein de leur art, et corrompent les œuvres. Qui peut encore, le cœur tranquille, voir le film "Police" de Maurice Pialat, maintenant que l'on sait, si l'on en croit l'actrice Sophie Marceau, que Gérard Depardieu a profité d'une scène pour la frapper plusieurs fois au premier degré, si bien que sur le plan où elle s'effondre, ses larmes sont réelles, hors cinéma ?