Je suis athée, c’est un choix, un acte de foi, analogue à celui d’un croyant. Je sais que je peux me tromper mais j’en prends le risque et j’aimerais que les autres croyants en fassent de même c’est-à-dire admettent qu’ils puissent se tromper de foi et que ceux qui en ont embrassé une autre puissent avoir raison.
Autrement dit, je veux être tolérant, j’accepte l’idée que je puisse me tromper et que les autres puissent avoir raison. Je suis guidé en cela par ma culture et mon activité scientifiques qui m’ont montré maintes fois que l’erreur était centrale en science : on s’y trompe souvent, la vérité y est toujours fugace et les certitudes d’un jour sont vouées à être remises en cause grâce à un questionnement inlassable.
Je vais donner un exemple simple mais visuellement parlant, de ce pourquoi il faut se méfier des convictions, y compris de celles qui semblent indiscutables.
Voici donc l’histoire de l’ombre planant sur le jeu d’échec.
Si je vous demande lequel des deux carrés étiquetés A et B sur la figure ci-dessus est du gris le plus sombre, vous me répondrez sans hésiter, le A ; c’est pour vous une certitude et vous n’admettrez probablement pas que quiconque vous dise que vous vous trompez. Et pourtant, dans un certain sens, vous vous trompez, en effet les carrés A et B sont exactement de la même teinte de gris.
Il y plusieurs manières de vous en convaincre.
Vous pouvez par exemple découper deux trous dans un morceau de carton, un pour chaque carré, et les regarder au travers de ces trous qui vous cacheront le reste de la scène : les deux carrés vous apparaîtront comme étant identiques.
Vous pouvez aussi imprimer l’image de l’échiquier et découper avec des ciseaux les deux carrés. Une fois sortis de leur contexte ils vous apparaîtront comme identiques.
Vous pouvez enfin regarder l’image ci-dessous :
dans laquelle, sans changer les teintes de gris des carrés A et B (en fait malgré les apparences il n’y en a qu’une), on les a reliés par deux bandes verticales du même gris. Si je vous pose maintenant la même question que tout à l’heure vous ne pourrez que me répondre : les deux carrés m’apparaissent comme de teintes de gris identiques.
Cet exemple est tiré des travaux d’Edward Adelson, professeur de science de la perception visuelle au Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux Etats Unis d’Amérique. Le lecteur intéressé pourra le retrouver sur la page Wikipedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Checker_shadow_illusion.
Quels enseignements peut-on tirer de ce petit exemple inspiré de la psychologie de la perception ?
Il est clair au vu de ce qui précède que la leçon principale est que l’on peut très facilement être abusé, ici visuellement, mais par bien d’autres chemins aussi, et qu’il faut toujours questionner vos certitudes car ce questionnement peut conduire à ce qu’elles vous apparaissent pour ce qu’elles sont en fait, des croyances sans fondements.
Un autre enseignement est que les deux réponses “A est plus sombre que B” ou bien “A et B sont du même gris” sont recevables, elles dépendent des outils dont on dispose pour répondre à la question posée, des méthodes que l’on met en oeuvre pour y répondre. Il faut donc, j’y reviens, être tolérant et accepter que l’autre puisse apporter une réponse différente à la question que vous vous posez, s’efforcer de la comprendre et de voir dans quel contexte elle est vraie.