Aujourd'hui, dans tout débat politique ou économique, faire peser le soupçon de "complotisme" sur un des intervenants est devenu aussi destructeur que de l'accuser de "populisme". Il a encore été possible de le constater lors du débat sur "La crise économique éclipse-telle le politique ? " retransmis par France culture le 25 août. C'est Etienne Chouard qui en a fait, cette fois, les frais. Il avait pourtant, dans son argumentation, plusieurs fois utilisé la formule : " j'ignore quelle était leur intention mais..." - pour évité d'être entraîné sur ce terrain miné; cela n'a pas suffit et la sentence est tombée de la bouche de Kalypso Nicolaidis. Barbara Cassin, ensuite, n'a pas manqué d'exploiter l'avantage en se disant effrayée par le recours d'Etienne Chouard aux pronoms personnels "eux "et "nous" : "eux", les élus et "nous", les citoyens - Etienne Chouard avait, en effet, utilisé ces termes, pour s'étonner que la Constitution, censée protéger le citoyen, soit rédigée par "eux" et non pas par "nous" - . La tournure de ce débat avait un côté un peu "inquisitionneux" que le débit un peu rapide d'Etienne Chouard rendait encore plus prégnant:
- ..."Comme je suis limité par le temps je suis obligé d'y aller à la serpe"
- ..."ou à la faucille et au marteau"
- ..."non, non, je ne suis pas du tout collectiviste"
Pourquoi tant d'acharnement ? Est-il si iconoclaste d'émettre l'hypothèse que les hommes de gouvernement, quand ils font voter des lois, peuvent avoir en tête un projet de société ? Est-il si iconoclaste de penser que, parce qu'il avait été le Premier Ministre qui, en 1968, sous la pression de la rue, avait dû satisfaire des revendications salariales génératrices d'inflation, Pompidou, par la loi de 1973 qui mettait fin aux financement direct de l'Etat par la Banque de France, avait pour objectif de rendre le pouvoir politique plus responsable en lui supprimant la possibilité de faire tourner la planche à billet ? Il n'est nullement nécessaire pour cela de croire qu'en faisant voter cette loi il participait à un complot ayant pour but de créer, à terme, une dette de l'Etat français irremboursable. Si Pompidou et Giscard on "complotés" c'est pour un projet de société et ils l'ont fait, tout comme les membres du Conseil National de la Résistance qui ,eux, avaient "complotés" le projet des Trente Glorieuses, en s'appuyant sur la puissance culturelle des classes sociales dominantes du moment. En 1944, culturellement, le capital n'avait pas le vent en poupe et c'est, après 68, dans années 70, qu'il a retrouvé des vents porteurs...