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Billet de blog 23 octobre 2014

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Gauche moderne ? Répondre avec nos valeurs aux vrais défis de l'avenir

Petite réflexion sur un sujet à l'ordre du jour : qu'est-ce que la modernité à gauche aujourd'hui ?  Certainement pas intérioriser les diagnostics libéraux que l'on sait depuis longtemps erronés : les problèmes de notre économie seraient liés au coût du travail, à un marché du travail jugé trop rigide, au manque de "réformes structurelles"...

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Petite réflexion sur un sujet à l'ordre du jour : qu'est-ce que la modernité à gauche aujourd'hui ?  Certainement pas intérioriser les diagnostics libéraux que l'on sait depuis longtemps erronés : les problèmes de notre économie seraient liés au coût du travail, à un marché du travail jugé trop rigide, au manque de "réformes structurelles"...

Certainement pas proposer aujourd'hui de recycler les recettes "troisième voie" à la Tony Blair ou à la Gerhard Schröder, testées il y a 15 ans déjà, et n'ayant pas eu les effets escomptés ...

Certainement pas échouer à caractériser les enjeux de notre époque, à imaginer des solutions nouvelles, et se contenter, à travers une étrange fascination pour les solutions libérales, d'une fuite en avant vers toujours plus de concessions face aux injonctions à la déréglementation, à la flexibilité, à l’affaiblissement des protections collectives, le tout au prix du renoncement à nos valeurs, à ce pour quoi nous avons toujours lutté ... 

Non, la Gauche moderne, c'est celle qui invente et prône dès à présent les solutions conformes aux valeurs et objectifs suivants, pour faire face aux défis du 21ème siècle :

Agir face au creusement des inégalités, au plan national comme international, et à leur structuration nouvelle, autour de l'accumulation de patrimoine, comme l'a bien démontré Thomas Piketty. Quels instruments nouveaux inventer pour agir efficacement en faveur de l'égalité réelle ? Quels mécanismes de redistribution, quelles évolutions de notre système fiscal imaginer pour parvenir à casser la constitution de ces patrimoines qui entretiennent les déterminismes et bloquent les perspectives d'ascension sociale ? 

Répondre à l'urgence climatique. La loi sur la transition énergétique comporte des mesures positives, mais seules des évolutions structurelles lourdes, appuyées par des investissements massifs et par une fiscalité écologique efficace, pourront permettre la conversion écologique de notre  économie (avec nombre de créations d'emplois à la clé). Au-delà, nous devons accepter de ne pas seulement nous poser la question des moyens de retrouver la « croissance », mais aussi du changement de paradigme : comment gagner en gains de qualité et de durabilité, et pas seulement en gains de productivité ? Comment favoriser davantage les logiques de relocalisation, de circuits courts, d’économie circulaire ? L'économie sociale et solidaire, par son souci du durable, sera un pilier et un partenaire naturel de cette transition économique qu'il nous faut impérativement opérer. 

Faire vite le choix de l'investissement social. Nombreux économistes disent aujourd'hui que le défi de la compétitivité dans la mondialisation ne pourra être efficacement relevé qu'à travers un investissement massif dans la formation tout au long de la vie. Au-delà de la loi sur la formation professionnelle votée l'année passée, il est nécessaire d'aller plus loin autour d'un véritable pacte social pour l'élévation du niveau de qualification des salarié(e)s de notre pays. 
Le service public de la petite enfance est un autre exemple d’investissement social, dont le développement est un enjeu majeur : une société moderne selon nos valeurs n'est-elle pas celle qui se donne tous les moyens de faire vivre la promesse républicaine de l'égalité entre les enfants, et de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, par la mise en place de modes de garde accessibles à tous ?
Engager ces profondes évolutions nécessite, il est vrai, plus que quelques centaines de millions d'euros : il s'agit certes de choix coûteux sur le court terme, mais bénéfiques et indispensables sur le long terme. Il s'agit également d´un renversement de perspective : la protection sociale n'est pas un coût mais un investissement d'avenir.

Refonder notre démocratie. Face à des institutions asphyxiantes et asphyxiées, face à une perte de confiance des citoyens envers l'action publique, quel renouveau démocratique ? Quelle réforme de la démocratie représentative, à travers le dépassement de la Vème République ? Au-delà, quelle démocratie dans l'entreprise et dans la sphère economique ? L'entreprise du 21eme siècle que nous prônons n'est-elle pas celle qui, au lieu de réclamer le relèvement des seuils sociaux pour affaiblir la représentation des salariés, leur donne au contraire toute leur place dans la prise de décision ? Quelle légitimité conférer aux initiatives citoyennes (économiques, sociales, culturelles...), nombreuses sur les territoires, dans les zones en difficultés notamment, manquant aujourd'hui de soutien et de reconnaissance, alors qu'elles peuvent être porteuses de solutions pour créer localement de nouvelles dynamiques ?

Anticiper et accompagner la révolution numérique. Comment intégrer dès à présent la révolution numérique à nos politiques publiques et à leurs futures évolutions, pour en faire un réel facteur de progrès collectif et non de creusement des inégalités, quand on sait que demain, le numérique révolutionnera notre manière d’accéder aux savoirs, à la culture, aux services, aux biens de consommation ... ? 

Poser la question des valeurs de notre société, du sens, des objectifs qui doivent faire cohésion, à travers une problématique véritablement centrale :  l'indicateur de richesses, celui qui, aujourd'hui, matrice toutes nos politiques publiques, guide aujourd'hui toutes nos évaluations et tous nos choix, doit-il demeurer le PIB au 21ème siècle ? N'est-il pas temps de mettre en place des instruments d'évaluation qui analysent les effets positifs comme négatifs (en termes économiques, sociaux, environnementaux...) de nos politiques, de notre croissance, et prennent en compte toutes les richesses dont notre société a besoin ?

Telles sont quelques-unes des questions urgentes et incontournables sur lesquelles tous les responsables politiques de Gauche devraient concentrer leurs réflexions et leurs propositions, autour d'un nouveau paradigme, une synthèse à réinventer entre socialisme, écologie et démocratie. Voilà à mon sens le chemin de la modernité à Gauche : laissons à leurs recettes du passé ceux qui lui tournent le dos, et que toutes celles et ceux qui souhaitent l'emprunter travaillent ensemble autour de ces enjeux pour préparer notre avenir collectif.

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