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Billet de blog 4 janvier 2014

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La quenelle et le bonnet rouge, ou quand la bêtise télévisuelle descend dans la rue

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(texte complété le lendemain 5 janvier)

Comment noyer et dynamiter le mouvement de fond libertaire anticapitaliste préparant actuellement la société à l'inévitable et souhaitable décroissance ? En jetant dans l’arène politique des contre-mouvements intellectuellement immobiles ou régressifs mais potentiellement sauvages.

Nos maîtres ne l'ont probablement pas fait complètement exprès. Mais c'est depuis une bonne vingtaine d'années qu'ils amusent le bon peuple avec des "comiques" d'un niveau intellectuel qui ferait honte dans les fêtes annuelles des écoles, et cela ils l'ont fait en connaissance de cause. Le mouvement de la quenelle est dans la ligne tracée par ces "comiques", ces fous du peuple (comme il y avait le fou du roi), il n'en diverge en rien, ou si peu.

Cela fait aussi pas mal d'années que nos maîtres nous ont jeté à la recherche de l'identité nationale et de nos identités. Autant chercher le saint Graal. Mais, si ça se trouve, ils y croyaient eux-même.

Depuis longtemps, également, et parce qu'ils le croient eux-mêmes, ils nous font croire qu'il est impératif de produire en grande quantité n'importe quoi et n'importe comment, à condition que cela nous coûte moins cher qu'aux autres. Ce serait là, d'après eux, l'unique impératif économique.
Ils nous précisent encore que l'économie est nécessairement une guerre entre les territoires, non une coopération, et que par conséquent il faut savoir accepter un régime de guerre, se serrer la ceinture, admettre une sorte d'état d'urgence. Mais ça, c'est plus révoltant que la production de l'inutile, n'est-ce-pas ?

La quenelle et le bonnet rouge retarderont peut-être le naufrage de nos maîtres (et le notre), mais ce sera en le rendant plus meurtrier. Pour nos maîtres et plus encore pour nous.

On n'a guère souligné, jusqu'à présent, le risque qu'il y avait à arroser les masses de bêtise à longueur de jours et de nuits. En regardant les grandes chaînes télé et en écoutant les grandes chaînes radio, chacun peut se dire vingt fois par jour qu'il y a plus bête que lui, plus amorphe que lui, plus ignare que lui, plus salop que lui, plus avide que lui, plus xénophobe que lui, plus raciste que lui… et que c'est à la télé. Et si c'est à la télé, alors il n'y a rien à redire.

On veille, en revanche, à ne pas trop montrer sur les médias, plus fumeur et plus buveur que la moyenne. C'est que boire et fumer trop, ça coûte cher à la Sécu, pas la connerie.

« Contrairement à ce qu'on pourrait croire, nous dit Christophe Dejours dans son Travail vivant (1), il n'y a pas de magie dans la coopération réussie, mais bien plutôt beaucoup de savoir-faire et de métier.
Lorsque l'accord entre les protagonistes est trouvé dont la forme et le résultat ne sont toutefois jamais intégralement prédictibles, émerge cette dimension extraordinaire : l'enthousiasme.
L'enthousiasme se distingue de l'exaltation collective en ceci que celui-là procède de la conjugaison de subjectivités singulières, tandis que celle-ci passe par l'abrasion des singularités. L'enthousiasme relève de la polyphonie ou de la pluralité ; l'exaltation collective relève de l'uniformisation. »

Il y a beaucoup d'enthousiasme dans le mouvement polyphonique en faveur de la décroissance (2), tandis que la quenelle et le bonnet rouge n'entraînent dans leur sillage qu'une exaltation collective, de la même façon que les spectacles géants des grands stades (que ces spectacles soient sportifs ou culturels, d'ailleurs), et comme le faisaient les fascismes du siècle dernier.

L'exaltation collective est-elle absolument nécessaire aux êtres humains ou vient-elle seulement combler un manque d'enthousiasme ? L'enthousiasme est quelque chose qui se forge individuellement et collectivement, tandis que l'exaltation nous est donnée de l'extérieur. Il est facile de soulever l'exaltation et cela peut se faire rapidement, tandis que le développement de l'enthousiasme demande de la durée et des conditions sociales favorables. Nous sommes obligés de nous battre pour nous aménager nous-mêmes ces conditions sociales favorables, tandis que le grand spectacle nous est fournie sans que nous le demandions et sans que nous ayons à l'organiser (même si beaucoup d'entre-nous y participent volontiers).
Nous ne nous demandons pas pourquoi.

(1) Travail vivant, tome 2 : Travail et émancipation, p.173-174 dans la Petite Bibliothèque Payot.

(2) Décroissance, un terme dont je ne raffole pas parce qu'il est négatif, mais il est entré dans l'usage.

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