A qui, à quoi, le crime profite ? A tous les pouvoirs. La guerre permet de garder la main ou de la reprendre. Elle permet de souder la "nation" contre les "barbares", les croyants contre les "mécréants" et les impies, stoppant net toute remise en cause profonde de la marche du monde et de nos propres (!?) sociétés. Et justifiant par avance les pires des répressions.
Chaque année, chaque jour de croissance échevelée à tout va, nous franchissons un degré dans la destruction (et la surface des océans quelques centimètres). Face à cette agression continuelle des marchands-spéculateurs-usuriers, des sentiments d'horreur et d'effroi nous frappent. Contre elle, l'humanité doit faire bloc. Nous devons "nous serrer les coudes", comme on dit, et faire preuve de coopération dans nos initiatives anti-marchandes, anti-spéculations, anti-usures. Le mal est déjà fait, ou tout au moins très avancé, mais ce qui peut encore être corrigé doit l'être, là est l'urgence. Pour l'être humain ordinaire, tout au moins ; Pour les hommes et femmes de pouvoir, bien sûr, c'est différent…
Les hommes et femmes de pouvoir ne nous parlent pas des marchands-spéculateurs-usuriers, ils nous parlent de barbarie et de barbares, concepts difficiles à cerner. Si "barbare" est synonyme de "mal incarné en humain", alors le barbare est, je suppose, un être avide de pouvoir et calculateur, peu pourvu d'empathie, ne montrant pas ses véritables émotions (s'il en a), n'ayant pas d'autre idéologie que l'idéologie dominante susceptible de l'amener au zénith du pouvoir ; et encore, sans doute ne prend-il pas vraiment au sérieux cette idéologie, il la sert tant que cela lui sert (comme, ailleurs, d'autres avides de pouvoir servent une religion), et c'est tout.
Alors, du barbare à visage humain, je dresserais bien ce portrait robot:
Barbare a visage (presque) humain
La position de général en chef, voilà qui "pose son homme", comme on dit (je ne sais pas pourquoi). Et les marchands ont besoin de généraux, à la fois pour pacifier les producteurs-consommateurs et rendre accessibles les énergies et matières premières qui leur sont nécessaires. Ces généraux en font trop, souvent, parce qu'ils jouent aussi pour leur propre compte (bien évidemment), mais bon, les catastrophes humanitaires contribuent à "équilibrer" les marchés – marché de l'emploi y compris.
Tout de même, prendre les peuples des pays exploités pour des billes que l'on joue contre les uns et les autres (longtemps contre le communisme et l'influence soviétique), puis traiter les mêmes, ensuite, de "barbares" parce qu'ils ont pris goût au fruit qu'on leur a fait goûter…
Ceci dit, pour nous défendre de nos "barbares" à nous, il nous faut nous en donner les moyens. Un gros travail de vigilance a déjà permis de stopper des travaux, de ralentir un peu le métabolisme dévorant de l'«économie» des marchands. Mais le combat doit s'amplifier. Face à ces groupes dont les forces s'étalent dans le monde entier et qui n'ont pour principes et pour valeurs que "la raison économique", il nous faut renforcer le travail de présence, d'enquête et de barrage.
Concernant les "barbares" porteurs de ceintures d'explosifs, nos "maîtres" (que l'on a parfois envie de qualifier de "fantoches"), pourraient tout de même envisager la possibilité, ici, de la présence en leurs personnes d'une humanité désespérée – je parle des "barbares". Car enfin, on ne décide pas du jour au lendemain, pour un oui ou pour un non, d'aller se faire sauter en ville, ni d'aller tirer dans la foule pour se divertir. Peut-être alors feraient-ils l'effort de s'interroger un peu sur les possibles origines de ce désespoir, afin d'agir en cherchant à supprimer ses causes. Au lieu de cela, nos "maîtres" préfèrent se comporter – publiquement, tout au moins – comme si nous n'étions pas dans un monde globalisé, comme si nous étions en situation de guerre entre souverainetés idéologiques, sinon territoriales. Ils ignorent, ou bien font mine de ne pas savoir, que ceux qui attaquent aujourd'hui "l'Occident et ses valeurs" sont eux-mêmes très largement occidentalisés, et même de plus en plus fréquemment tout ce qu'il y a de plus occidental (1). La guerre des civilisations qui eu lieu plusieurs siècles durant est close ; l'Occident était l'attaquant et fut grand vainqueur. Aujourd'hui, les désespérés sont des gens qui ne savent plus à quels saints se vouer, qui n'ont plus de culture à force d'en avoir trop, ou plutôt à force de recevoir en continu une "culture" artificielle produite en continu par les industries "culturelles" et de "communication", en contradiction avec celle de leurs parents et grands-parents, avec celle qu'ils avaient eux-même dix années plus tôt, avec elle-même. État de choses à peu près supportable tant que l'on a à manger et le sentiment d'avoir quand même sa place dans le monde.
Il n'y a plus nulle part une culture dotée d'une stabilité suffisante pour une vie humaine, la culture passe comme les tours d'habitations que l'on fait sauter au bout de quelques décennies de service. La terre tremble et c'est l'Occident marchand qui le fait trembler. Et nos "maîtres" accusent de supposés "barbares"… Comme c'est facile ! Et comme nous devrions tous avoir honte de nous laisser mener par de tels "maîtres" au-dessous de tout mais (pour certains) bardés d'une ceinture explosive de certitudes !
Il paraît que l'on peut trouver dans un livre célèbre cette affirmation : La croyance occidentale dans la vocation universelle de sa culture a trois défauts majeurs : elle est fausse, elle est immorale et elle est dangereuse (2). Lorsqu'en janvier 2015 Manuel Valls affirme que Daech et ses succursales veulent combattre, non pas les valeurs de l'Occident, mais les valeurs humanistes, des valeurs qui sont universelles (3), il ne se rend pas compte que ces valeurs universelles sont bien essentiellement occidentales, ou tout au moins aujourd'hui universellement exprimées sous une forme d'origine occidentale – et qui n'est pas forcément la meilleure. Cela fait si longtemps que l'Occident règne sur le monde que ce règne nous paraît aujourd'hui naturel, normal, ou plutôt invisible. Et cela ne serait pas bien grave, sans doute, si l'Occident était à la hauteur du meilleur de ses valeurs, mais il est avant tout marchand.
(1) Les fondamentalismes, perçus comme l'expression la plus pure de cultures traditionnelles qui se vivraient comme assiégées par la modernité, sont de puissants outils de déculturation [et de la déculturation]. Tous voient leur propre culture environnante, même si elle est le produit de la religion dominante, comme païenne, matérialiste, voire pornographique : les salafistes comme les talibans s'attaquent d'abord à leur propre culture, avant de dénoncer l'Occident, dont ils empruntent d'ailleurs nombre de techniques. Ainsi, les talibans ont condamné les divertissements afghans traditionnels (combats d'animaux, cerfs-volants, oiseaux-chanteurs), mais pratiquent le football…
Olivier Roy, La déculturation est source de violence, in L'Atlas des civilisations, hors-série Le Monde-La Vie (dans la première édition – 2009 –, cet article est titré Le culturel s'est déconnecté du religieux).
(2) Samuel Huntington dans Le choc des civilisations, cité par Jean Birnbaum dans L'Atlas des Civilisations des journaux Le Monde, La Vie (édition 2015, p.120).
(3) Cité par Jean Birnbaum dans L'Atlas des civilisations.
Citation du week-end :
Ce 11 novembre, j’expliquais aux Beaufortais que le monde est en guerre. Une guerre qui ne veut pas dire son nom », écrit le député-maire de Beaufort, Jean-Charles Taugourdeau. « L’ennemi vient de frapper la France au coeur de sa capitale, massacrant, tuant ou blessant à l’aveugle des innocents français et étrangers de toutes origines et de toutes religions. Je pense à eux, à leurs familles, à leurs proches et aux équipes de secours et médicales. L’ennemi a entrepris de terroriser la France et les français. Le Pays, tout entier, fera face. Je me rendrai lundi au congrès convoqué à Versailles par le président de la République. Je voterai toutes les mesures qui donneront à nos forces de l’ordre et à nos armées tous les moyens pour bloquer et éradiquer ce terrorisme infâme et fanatique.
Des têtes pas capables d'imaginer un seul instant que "nos forces de l'ordre et nos armées" sont bien moins capable de bloquer le terrorisme que de l'exacerber. Comme nos politiciens, d'ailleurs, qui déjà en janvier dernier n'ont pas manqué de l'exacerber, le terrorisme, par leurs discours et leurs manifestations d'unité. Chaque pas qu'ils font est du mauvais côté, leur boussole est déglinguée, bloquée depuis deux siècles et davantage sur un axe amis-ennemis oscillant entre deux versions : civilisés-barbares, nations-nations.
Heureusement que d'autres qu'eux, ni aveugles ni désespérés, créent aujourd'hui l'avenir en inventant leur présent.
Source : http://www.courrierdelouest.fr/actualite/beaufort-jean-charles-taugourdeau-eradiquer-ce-terrorisme-infame-15-11-2015-244921
La naissance de l'Islam ressemble plus aux révolutions modernes qu'au lent développement du monde chrétien. L'important développement du commerce avec les empires voisins, entre les empires voisins, avait modifié les conditions de vie des tribus arabes, leurs idées, leurs vies ; en quelques décennies, ils se bâtirent leur propre empire qui, sous différents avatars, dura plus de mille ans.
Quelques siècles après cette brillante explosion, à partir des croisades, c'est le monde chrétien féodal qui, éblouit, tomba sous le charme de la riche culture musulmane. Mais comme il était aussi sous le charme des richesses matérielles de l'Islam, il poursuivit la destruction de ce qui était en partie devenu son maître spirituel. Et l'Occident se reconstitua en empire… marchand.
Il paraît que nos bien aimés leaders sont décidés à éliminer Daech et le "terrorisme islamiste". Ils sont pourtant, j'en suis certain, bien conscients que leur adversaire déclaré est semblable à l'Hydre de Lerne : coupez-lui une de ses têtes, il en repoussera deux ou trois autres. Ils savent donc que ce n'est qu'en l'affamant, en la privant de ses ressources, qu'ils vaincront. En particulier en éradiquant le désespoir qui se répand dans la jeunesse du monde entier. Le désespoir, conjugué à toute idéologie glorifiant la mort ou le martyr, forme la tête maîtresse de l'Hydre, l'immortelle.
Le désespoir est une énergie qui se conserve mal mais qui, pour les mêmes raisons, peut se libérer très violemment. C'est une arme de destruction qui, bien dirigée – si j'ose dire –, peut devenir massive, et nos petits maîtres savent bien qu'il y aura toujours des êtres infâmes prêts à se servir du désespoir des autres (pour la simple raison que certains d'entre-eux sont de même nature).
L'énergie du désespoir… Cela me fait penser… Les recherches gazières en Méditerranée orientale avancent bien, j'espère ? On nous parle bien peu des recherches et des découvertes gazières en Méditerranée orientale…
C'étaient, dans leur ordre chronologique, mes réflexions du week-end, visibles, comme les précédentes et les suivantes (j'espère) sur ledevenir.org.