Alors que la crise sanitaire bat son plein depuis deux ans, avec des conséquences néfastes sur les apprentissages des élèves et des inégalités sociales dans ce domaine comme le montrent les résultats des évaluations nationales en CP et CE1, la Ville et l’Académie de Paris font le choix d’économiser sur l’éducation des plus jeunes dès la rentrée 2022, en fermant plusieurs écoles et en regroupant des secteurs scolaires.
Le 21 décembre 2021, la FCPE Paris a pris connaissance d’un ambitieux programme de modification de secteurs scolaires, pour le premier degré dans plusieurs arrondissements (Paris Centre, 7ème, 10ème, 12ème, 13ème, 14ème, 15ème et 17ème) devant être finalisé le 23 décembre! Cependant, dès octobre 2021, en amont du premier Conseil De l’Education Nationale (CDEN) de l’année, le rectorat de Paris annonçait déjà la couleur, signalant une baisse importante du nombre d’élèves dans plusieurs arrondissements parisiens, et préfigurant alors de fermetures d’écoles et de classes pour la rentrée 2022.
A Paris Centre et dans les 7ème, 10ème et 12ème arrondissements, la Ville prévoit ainsi de fermer des écoles maternelles dites ‘isolées’, bien que ces arrondissements ne soient pas les plus concernés par la baisse du nombre d’élèves depuis 2020. Dans certains cas, la Ville de Paris justifie ouvertement ces fermetures d’écoles par des choix budgétaires liés aux dépenses engagées dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. En parallèle, la Ville et l’Académie de Paris accentuent la mutualisation des personnels, privilégiant la constitution d’écoles polyvalentes (combinant école maternelle et élémentaire), sans pour autant évaluer ni l’intérêt de ce type d’établissement ni les conditions de réussite pour les élèves, malgré les demandes répétées de la FCPE Paris en ce sens.
Dans la plupart des arrondissements, ces projets de changement de secteurs scolaires envisagés pour 2022 n’ont pas bénéficié du temps nécessaire pour une véritable concertation, ayant été présentés tardivement, début décembre, aux parents d’élèves des écoles concernées. Avec consternation, la FCPE Paris constate que la Ville de Paris choisit, dans une majorité d’arrondissements, de privilégier la proximité géographique et la liaison entre écoles maternelle et élémentaire, sans considération pour la mixité sociale et scolaire des établissements, y compris dans des quartiers très ségrégués. Ainsi, des élèves commençant leur scolarité dans un quartier défavorisé s’y verront assignés pour la majeure partie de leur scolarité, sans espoir de découvrir d’autres quartiers, d’autres élèves... Qui plus est, dans plusieurs arrondissements, les écoles avec une majorité d’enfants de familles défavorisées sont nettement désavantagées par les modifications de secteurs, qui induisent diminution de la mixité sociale, baisse des effectifs, et probables fermetures de classes ou fusion d’écoles.
A la demande des parents d'élèves FCPE sur l'impact des re-sectorisations envisagées sur la situation sociale les écoles, la Ville de Paris a choisi d'utiliser comme indicateur les Indices de Position Sociale (IPS) des élèves entrant en classe de 6ème au collège (public ou privé): de telles estimations sont faussées, ne tenant pas compte de l'évitement des établissements publics qui s'élève pourtant à 30% en moyenne à Paris. D’autres indicateurs, comme les tarifs de cantine des élèves de maternelle et élémentaire réellement scolarisés dans les écoles publiques, pourraient rendre compte plus objectivement de la mixité sociale, sachant que 80 % des élèves sont demi-pensionnaires dans le premier degré.
Il y a bientôt 5 ans, en 2017, la Ville et l'Académie de Paris lançaient en grande pompe le nouvel Observatoire de la Mixité Sociale et de la Réussite Educative (OPMIRE). Quels ont été les travaux de cette instance pendant toutes ces années? En quoi ont-ils permis de prendre en compte et de réduire la ségrégation sociale des écoles et collèges à Paris ? Il nous semble qu’aujourd’hui la Ville de Paris a décidé de remiser la mixité sociale et scolaire au second plan, sachant que les classes moyennes et supérieures sont celles qui majoritairement ont quitté la capitale depuis le début de l’épidémie de COVID-19, et qu’en parallèle des centaines de
milliers de familles parisiennes ont sombré dans la pauvreté. Par ailleurs, si certaines familles ont bien quitté Paris entre 2020 et 2021, d’autres n’ont pas eu la possibilité de s’installer : pour le moment les projections démographiques à moyen terme restent pour le moins incertaines.
Force est de constater que la Ville de Paris, en concertation avec l'Académie et les mairies d'arrondissement, fait le choix d'une gestion de l'éducation similaire à celle de l'Hôpital public, dont les effets ont été particulièrement mis en lumière par la crise sanitaire que nous traversons. Cette gestion à flux tendu conduit à une réduction des effectifs et de la capacité d'accueil pour coller au plus près de la fréquentation à l'instant présent, sans aucune anticipation des évolutions futures, si ce n'est par la mise en concurrence du service public avec le secteur privé, pour les familles qui en ont les moyens.
La FCPE Paris demande que les fermetures d’écoles soient reportées jusqu’à la fin de la crise sanitaire due au COVID-19, dont les effets à long terme sur les apprentissages et le bien-être des enfants risquent d’être majeurs. Lorsque des modifications de secteurs sont nécessaires pour rééquilibrer le nombre d’élèves entre différents établissements scolaires, la mixité sociale et scolaire doit être centrale, au même titre que la proximité géographique.
Ghislaine Morvan-Dubois, présidente, FCPE Paris
Maria Melchior, référente 1er degré, FCPE Paris
Sylvaine Baehrel, référente 2nde degré, FCPE Paris