le troisième temps comme soustraction du Deux de la politique hégémonique. Le champ idéologique hégémonique nous impose un champ de visibilité (idéologique) comprenant sa propre "contradiction principielle" (aujourd'hui, c'est l'opposition entre démocratie-liberté-marché et totalitarisme-terrorisme-fondamentalisme - "l'islamo-fascisme", etc.), et la première chose que nous devons faire est de rejeter (nous soustraire à) cette opposition, d'y percevoir une fausse opposition destinée à occulter la véritable ligne de division. La formule de Lacan pour ce redoublement est 1+1=a : l'antagonisme "officiel" (le Deux) se trouve supplémenté par un "reliquat indivisible" qui indique sa dimension forclose. En d'autres mots, le véritable antagonisme est toujours réflexif, il est l'antagonisme entre l'antagonisme "officiel" et l'antagonisme forclos par celui-ci (c'est pourquoi, en mathématiques lacaniennes, 1+1=3). De nos jours, par exemple, le véritable antagonisme ne se situe pas entre le multiculturalisme libéral et le fondamentalisme, mais entre le champ même de leur opposition et le tiers exclu (la politique d'émancipation radicale).
C'est pourquoi la formule de Lacan "1+1+a" trouve sa meilleure illustration dans la lutte des classes : les deux classes auxquelles vient s'ajouter l'excès du "Juif", l'objet a' , le supplément du couple antagoniste. La fonction de cet élément supplémentaire est dédoublée : désaveu fétichiste de l'antagonisme de classe , c'est précisément en tant que tel qu'il représente celui-ci, faisant toujours obstacle à la "paix des classes". En d'autres mots, si nous n'avions que les deux classes, c'est à dire le 1+1 sans le supplément, nous n'obtiendrions pas un "pur" antagonisme de classe mais, au contraire, la paix des classes ; les deux classes se complétant l'une l'autre en un Tout harmonieux. Par conséquent, le paradoxe tient au fait que c'est l'élément même qui brouille ou déplace la "pureté" de la lutte des classes qui sert de motivation à celle-ci. Les adversaires du marxisme pour lesquels il n'y a jamais uniquement deux classes en opposition dans la vie sociale font donc fausse route : c'est précisément parce qu'il n'y a jamais uniquement deux classes opposées qu'il y a lutte des classes."
Slavoj Zizek , "Pour défendre les causes perdues".