En ces temps où la politique est réduite à ce qu'il y a de moins ragoûtant, une vague tambouille de magouilles, la lecture saine et nue d'un vrai cuisinier, c'est à dire d'un homme des grottes, des pots de terre et des feux de bois ou de forêts, "ça peut pas faire de mal".
Mais tout d'abord :
LE MOT
"Il le prit entre les index et les pouces, quatre vieilles phalanges incurvées à force de palper fruit. Assis là, les pieds dans des pantoufles et l'orteil dehors, son froc chamarré par de multiples reprises fantaisistes, sa flanelle jaunâtre pompant une mortelle sueur, les aisselles amères, sources de deux os sans biceps, et les avant-bras plus décharnés encore, posés sur l'indescriptible fatras de son autel voilé de poussière, il se pencha. Ses yeux étincelèrent. Puis il le leva. Le mot. Pour la cent millième fois. Par la fenêtre ouverte un rayon parti d'un milliard d'années-lumière, tout exprès en voyage, vint en oblique juger la transparence de l'objet. Il était rose sanguin, plus rose que jamais fleur ne le fut. D'un rose d'Oc. Un bouton du jardin éclata. L'oiseau sur la branche trois fois pépia. Les feuilles frémirent. "Corpus Delteil", murmura-t-il, le posant sur les pailles de la langue française, à sept cents kilomètres de Paris, définitivement, pour des siècles et des siècles."
Ce poème de Hank Breuker, écrit dans la nuit qui suivit la mort de Joseph Delteil, le 12 avril 1978, et publié dans le livre de Jean-Marie Drot, "Joseph Delteil, prophète de l'an 2000", est reproduit "en guise de présentation" à l'édition 1990 de "La cuisine paléolithique", de Delteil, par Arléa.