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Billet de blog 11 septembre 2010

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Perles des médias sur l'immobilier, ce matin sur Europe 1

Le rapport des médias à l'immobilier a toujours été très étrange. C'est, par exemple, un des rares biens (avec peut-être les oeuvres d'art) dont la hausse du prix moyen est presque toujours saluée de toutes parts, de l'Humanité au Figaro, et peut être plus encore en radio et TV.

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Le rapport des médias à l'immobilier a toujours été très étrange. C'est, par exemple, un des rares biens (avec peut-être les oeuvres d'art) dont la hausse du prix moyen est presque toujours saluée de toutes parts, de l'Humanité au Figaro, et peut être plus encore en radio et TV.

Quand la baguette, l'essence, le lait ou l'électricité augmente, c'est la litanie des souffrances sur les antennes et dans la presse. Mais quand l'immobilier augmente, surtout à Paris, c'est dans la joie et l'allégresse que les médias reprennent l'information, parfois des très sérieux notaires, mais aussi parfois de la part de très intéressés réseaux d'agences.

Cette semaine, les notaires d'île de France ont publié leurs chiffres du deuxième trimestre : L'immobilier n'a jamais été aussi cher à Paris ! Les prix d'avant-crise sont dé-pas-sés ! C'est l'occasion de faire des sujets et des articles en quantité. Dans les médias généralistes, comme nous le disions en préambule, c'est l'effervescence. La plupart des matinales radios en font un sujet (tout comme hier soir sur les 20h des grandes chaines).

Europe 1 ne s'y est pas trompé ! Il s'agissait du sujet "enquête" Europe 1 va plus loin de la fameuse matinale du 10 septembre de Marc-Olivier Fogiel.

Et pourtant, on ne peut pas dire que l'animateur star y soit allé bille en tête, il lance même le sujet prudemment "Des prix qui donnent le tournis, faut-il s'en réjouir ?".

Je sens déjà les professionnels de l'immobilier qui nous lisent qui frémissent, mais ne vous inquiétez donc pas, il s'est vite repris en commençant le sujet par expliquer qu'il reste des bonnes affaires dans le XIX°.

"Les prix augmentent partout", nous annonce le journaliste venu présenter cette "enquête", "une hausse qui devrait se poursuivre, tous les experts sont d'accord là-dessus, elle devrait même s'amplifier" continue-t-il, "pendant encore 4 ou 5 ans", nous explique le docte Michel Mouillart, un personnage emblématique de l'immobilier dans les médias sur lequel nous reviendrons sûrement dans un prochain billet. Ce dernier appuie cette assertion sur la reprise économique qui "même si on ne la voit pas encore tout à fait, est là" (il fallait l'oser, celle-là), les taux d'intérêt historiquement bas (sans se poser la question de savoir s'ils pourraient remonter), des aides publiques (ne doivent-elles pas être réduites, rigueur budgétaire oblige ?) et enfin sur "l'exemple de ce qui s'était passé lors du précédent redémarrage". Parle-t-il du krach des années 90 ?

"Une bonne nouvelle pour l'économie, une mauvaise pour les acheteurs" enchaîne alors le journaliste. Nous sommes d'accord, il s'agit d'une mauvaise nouvelle pour les acheteurs. Dommage, cependant, qu'il ne nous explique pas en quoi cela peut-être une bonne nouvelle pour l'économie que les ménages aient à dépenser plus pour se loger ce qui abaisse donc leur pouvoir d'achat pour tout le reste, mais passons, la plus belle perle reste à venir.

En effet ce reporter nous énonce alors une vérité indiscutable : seuls les ménages "les plus fortunés", les "catégories socio-professionnelles supérieures", peuvent encore accéder à la propriété, les ménages modestes sont exclus du marché. Son patron, Fogiel, pose alors LA question qui nous brule les lèvres : "Mais alors, finalement, est-ce qu'on n'est pas, déjà, dans une nouvelle bulle ?" La réponse, ne tarde pas : "Et bien non, car une bulle signifie des prix complètement déconnectés de la réalité ce qui n'est pas encore le cas puisque les plus riches arrivent à s'aligner sur ces prix." Sidérant, n'est-il pas ? Cette nouvelle définition de bulle spéculative devrait figurer dans les manuels d'économie : "Il n'y a pas de bulle immobilière tant qu'il existe des riches pour s'aligner."

Pour finir, revenons sur cette unanimité de tous les experts : cette dernière apparait dans l'information immobilière de façon récurrente. Pourtant, à y regarder de plus près, en allant chercher des avis plus "professionnels", la réalité apparait moins rose. Cet article, trouvé sur un portail d'information à destination des professionnels de l'immobilier est même carrément plus pessimiste :

Une telle progression des prix à de quoi inquiéter bon nombre d'observateurs. Parmi eux Frédéric Dumont, notaire à Montreuil, estime que « la dissymétrie entre la courbe de la croissance économique et celle de l'immobilier est préoccupante ». Un sentiment également partagé par Régis Bigot, du Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie). « 31 % des ménages franciliens veulent changer de logement, dont plus d'un locataire du secteur libre sur deux. Mais ils sont nombreux à ne pas pouvoir le faire, ce qui renforce leur frustration et le sentiment de déclassement », souligne-t-il.

Sur le front des prévisions, les notaires notent que « même si les taux d'intérêts sont appelés à rester faibles au cours des prochains mois, la solvabilité des acquéreurs sera vite érodée au rythme actuel de hausse des prix. Les sommets actuels devraient donc en toute logique constituer un plafond pour les prix immobiliers ».

L'information immobilière n'a vraiment pas la même couleur selon la cible à laquelle on s'adresse...

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