En demandant à ses supporters d'organiser un coup de force pour protester contre sa convocation devant les juges d'instruction, François Fillon estime qu'il ne devrait avoir de comptes à rendre à personne. Tout cela est alimenté par un discours nauséabond contre l’État de droit : "c'est l'élection présidentielle qu'on assassine", "au-delà de ma personne c'est la démocratie qui est défiée", "je m'opposerai à ce que le hasard et le calcul décide de son avenir [à la France]", etc.
On peut bien sûr supposer que le rassemblement prévu dimanche 5 mars à 15h au Trocadéro n'attirera pas beaucoup de monde, et que les revendications contre la justice du candidat s'étoufferont dans leur propre ridicule. On peut aussi imaginer que le rassemblement réussisse et offre à François Fillon une tribune pour attaquer une nouvelle fois l'institution judiciaire, revendiquant cette fois un soutien populaire dépassant l'adhésion à son programme. On peut finalement imaginer un troisième scénario dans lequel on ne laisse pas l'opportunité aux soutiens de François Fillon de décider de la réussite ou non d'un tel passage en force.
Il ne s'agit pas ici de contester le programme politique de LR ni même de s'opposer au candidat Fillon. Il s'agit de s'opposer à quelqu'un qui remet en cause l'indépendance de la justice en prétendant que le soutien populaire peut donner à un homme politique une légitimité suffisante pour s'extraire à la justice. Cette initiative a d'ailleurs choqué jusque dans son camps puisque suite à cette annonce, ses soutiens les plus démocrates ont décidé d'arrêter la campagne. Il s'agit maintenant de ne pas laisser à François Fillon d'espace médiatique qui lui est nécessaire pour continuer à agir ainsi. J'ai participé à de nombreuses manifestations mais une seule fois à une contre-manifestation : pour m'opposer à une démonstration de force d'un groupe extrémiste catholique qui organisait une prière de rue contre l'IVG. Il y a des violences qui ne peuvent pas rentrer dans le débat démocratique et qu'on ne doit pas tolérer dans l'espace public.
Plusieurs initiatives ont vu le jour en réaction à l'appel de François Fillon. Le mouvement #CasserolesPartout propose à chacun-e de faire du bruit avec sa casserole partout dans le pays et un rassemblement est prévu place de la République. Le but de cette tribune n'est bien sûr pas de se positionner en compétition avec ces initiatives mais plutôt d'avancer l'idée comme quoi un tel rassemblement serait incomplet s'il ne venait pas perturber la grand-messe censée absoudre le candidat. Il est prévu que François Fillon prenne la parole lors du rassemblement. Un discours qui sera très certainement retransmis sur les chaînes d'information en continue. Imaginez plutôt...
Plan rapproché sur François Fillon debout derrière son pupitre. Autour de lui, des dizaines de militants avec des drapeaux français qui scandent "Fillon président !". François Fillon commence son discours, il remercie celles et ceux qui se sont déplacés et qui prouvent bien qu'il jouit d'un soutien populaire que la justice ne peut plus tenter de s'en prendre à lui. Le coup de force est passé. On peut aussi imaginer que les protestations ne seront pas autant relayées par les médias qui se contenteront tout au plus d'une remarque polie : "Plus loin, des manifestants ont montré leur désaccord". Notre écœurement face aux agissements de François Fillon ne sera pas relayé sans que nous ne l'imposions. C'est pourquoi c'est au Trocadéro qu'il faut se réunir avec nos casseroles pour une contre-manifestation pacifique. Il ne faut pas laisser une tribune paisible à un candidat qui essaie d'outrepasser la justice.
François Fillon a appellé ses soutiens et ceux qui ne le soutiennent pas à se rassembler pour la démocratie et l'État de droit. C'est du peuple tout entier dont il s'accaparera la parole. Il nous a demandé de sortir dans la rue pour le soutenir face à la justice, il devrait être naturel de pousser la voix en réaction à ce hold-up de l'opinion publique. Rendez-vous dimanche 5 mars à 15h au Trocadéro. Amenez vos casseroles.