Beaucoup a été écrit et raconté sur Brocéliande. Qui n’a jamais entendu parler de cette forêt du centre de la Bretagne, qui bruisse du souvenir de l’enchanteur Merlin et où gambadent en liberté des myriades de fées, licornes et korrigans, ainsi qu’une foule de preux chevaliers en quête de défis à relever ? Sans doute pas grand monde, à voir le succès que rencontre ce haut lieu de la mythologie arthurienne qui, saison après saison, bat des records d’affluence, au point que l’office de tourisme de Paimpont et sa Porte des secrets figurent désormais dans le top 3 des destinations touristiques d’Ille-et-Vilaine. De début avril à fin octobre, ce sont des milliers de visiteurs qui accourent chaque jour des six coins de l’hexagone et d’une partie de l’Europe, attirés par la magie de Brocéliande, ce lieu hors du temps et du commun où le merveilleux, le bonheur et l’aventure sont à portée de main !
Derrière le tableau idyllique de la sylve enchanteresse, brossé par des professionnels du marketing efficaces et conquérants, il est une réalité moins flatteuse, celle d’un territoire attachant dépossédé de son identité et quelque peu abîmé par un développement touristique devenu incontrôlable. Il y a aussi une forêt bien réelle, appartenant pour l’essentiel à des privés, qui doit s’adapter coûte que coûte à une évolution des usages qui prend parfois des tournures délirantes, avec son lot de gourous, de mages occultes, de survivalistes et de chasseurs d’ovnis...
La pléthorique production littéraire concernant la forêt de Paimpont, qu’elle relève de la fiction ou non, est pour l’essentiel orientée vers la promotion touristique de Brocéliande, répétant à l’envi les mêmes poncifs, dans une « trop facile surenchère de magie ». Peu d’auteurs — mais cela vaut également pour la plupart des journalistes — font l’effort de poser un regard critique sur ce monde de féerie. Comme si la petite musique légendaire de rigueur avait engourdi leur sens de l’observation, de même que les innombrables touristes qui se pressent dans les allées forestières de Paimpont donnent l’impression d’avoir renoncé à tout effort de discernement. Peut-être que, comme le soulignaient naguère des historiens qui s’intéressaient au Puy du Fou, l’esprit humain ayant tendance à confondre familiarité et vérité, il suffit de marteler la même idée sous des formes variées pour qu’elle finisse par s’imposer comme un fait avéré. L’invention d’une tradition légendaire en Brocéliande, à l’œuvre depuis deux siècles, mérite pourtant que l’on s’y intéresse sérieusement...
C'est ce que propose mon dernier livre : Dans l'ombre de Brocéliande, paru aux éditions Téraèdre (L'Harmattan).
https://www.editions-harmattan.fr/livre-dans_l_ombre_de_broceliande_divertissements_legendaires_quetes_spirituelles_recherche_de_bien_etre_la_foret_de_paimpont_a_l_epreuve_du_tourisme_de_masse_stephan_ferry-9782360851843-80377.htm