Guerre contre l’Ukraine qui n’en finit pas, obsession destructrice et innombrables crimes contre l’humanité à Gaza, démocratie qui s’effondre aux Etats Unis, dérèglement climatique et chute de la biodiversité qui s’accélèrent, ultrariches qui multiplient les indécences, services publics qui s’effritent, chômage qui remonte en flèche, tensions qui s’exacerbent au sein de nos sociétés, vague ultraconservatrice qui monte en France et en Europe…
L’actualité qui nous entoure est d’une incroyable violence et tout indique que cela va durer. Nous sommes manifestement arrivés à un de ces points de bascule décrits par Antonio Gramsci : « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Une formule souvent citée mais qui se révèle tellement pertinente aujourd’hui…
Nous ne sommes plus en tout cas au temps des alternances tranquilles. Comment retrouver prise sur les événements quand, au plus près de nous comme au-delà de l’Atlantique, les champions de la déraison prospèrent sur la démagogie, l’intolérance et le mensonge ?
Nous croyons plus que jamais en la force des idées. Si les dictatures les combattent, si les pouvoirs autoritaires commencent toujours par censurer leurs adversaires, c’est qu’elles ont un pouvoir immense.
Il nous faut donc tout d’abord reprendre la bataille culturelle que nous avons largement perdue. Nos adversaires ont su la mener avec une redoutable efficacité au cours des dernières décennies. Ils ont conquis désormais une hégémonie qui leur permet de saper les idéaux républicains de liberté, d’égalité et de fraternité.
Quelques grandes fortunes financent sans honte ni limite, et en dehors de toute règle, des partis et des médias acquis à cette cause. Nous devons sortir de nos tranchées pour reprendre l’offensive sur le terrain des idées contre ces courants de haine et d’exclusion et nous mobiliser sans délai pour rétablir le pluralisme dans le champ des médias et du débat public.
Il nous faut aussi engager et gagner la bataille des projets et des récits d’avenir. Pour combattre la croisade conservatrice et l’ultra-capitalisme, il ne suffit manifestement pas de dénoncer les risques énormes qu’ils font courir à nos libertés en appelant à sauver la démocratie. Le rejet du statu quo est tellement profond que ce genre d’approche ne peut plus fonctionner.
Nous devons forger des projets alternatifs positifs et crédibles avec les citoyennes et les citoyens, et notamment avec celles et ceux qui, parmi les classes populaires, ne sentent plus aujourd’hui ni respectés et représentés. Sans pour autant nous raconter des histoires et abreuver les Français.es de fables compte tenu en particulier de l’ampleur et de la gravité de la crise écologique.
Il nous faut enfin coaliser les idées pour rassembler des forces. 2027 s’annonce comme une épreuve de vérité pour le pays. Plus les partis politiques sont affaiblis, plus leurs divisions les paralysent et bloquent nos institutions. C’est d’un rassemblement plus large impliquant au-delà des partis à la fois les citoyennes et les citoyens et les forces de la société civile et civique organisées dont nous avons besoin pour vaincre les tentations de la peur et de l’exclusion et tracer un avenir positif pour le pays.
Ce n’est plus simplement une introspection qui est attendue des partis comme des organisations de la société civile, mais bien une remise en cause radicale des habitudes des uns comme des autres pour éviter le désastre démocratique. Il nous faut en effet réussir à surmonter en même temps deux obstacles : la dispersion des partis et l’impuissance de la société civile.
Les calculs égoïstes des partis, la défense de leurs intérêts identitaires ou les échappées individuelles solitaires affaiblissent le camp du progrès social, écologique et démocratique. Tandis que les pudeurs excessives des organisations syndicales ou des grandes associations, héritées d’un autre temps, les font souvent confondre leur nécessaire indépendance avec la désertion face aux urgences de la cité.
C’est à ce dépassement que le Festival des Idées - qui se tient les 4, 5 et 6 juillet prochains à La Charité-sur-Loire dans la Nièvre – entend contribuer, parmi beaucoup d’autres initiatives, en participant à bousculer les inerties pour pouvoir commencer à « sortir de l’obscurité et rallumer l’espoir. »
Guillaume Duval, journaliste et Christian Paul, ancien ministre, sont cofondateurs du Festival des idées.